LA PREUVE DE L’EXISTANCE DE DIEU
CHEMINEMENT DE LA PENSEE CARTESIENNE
CARACTERISTIQUE DE LA SCIENCE CARTESIENNE
En sciences physiques, la démarche poursuivie pour parvenir à la vérité est différente de celle des mathématiques. A l’époque de Descartes, on accorde une grande importance à la métaphysique, laquelle a été considérée comme « la philosophie première ». Partant de sciences diverses de son temps, il semble que Descartes est moins soucieux d’une véritable découverte des procédés permettant à la pensée d’adopter des opérations plus aisées, à cause des incertitudes éprouvées dans les sciences physiques. Pour Descartes, le mot « physique » présente un sens beaucoup plus large : il englobe tout, la physique au sens actuelle, la biologie et la psychophysiologie, en considérant les choses que l’on estime être plus facile à connaitre, à savoir le corps que nous traçons. Pour mieux comprendre cela, nous reprenons le même exemple considéré du morceau de cire. En effet, pour connaitre sa réalité intime, Descartes part de ces propriétés physiques : son odeur qui s’évapore, sa couleur qui change, sa figure qui se perd, sa grandeur qui augmente ou diminue. En réalité, tout changement quantitatif et qualitatif introduit une réalité scientifique. Mais philosophiquement, on ne peut pas en acquérir une meilleure connaissance et atteindre la vérité sur un corps en mouvement. C’est pourquoi dans la méditation première, Descartes affirme que : « la physique, l’astronomie, la médecine et les autres sciences qui dépendent des considérations des choses composés sont fort douteuses et incertaines » . Mais l’arithmétique, la géométrie et les autres sciences de cette nature qui ne traitent que des choses fortes simples et fortes générales contiennent quelque chose de certain et d’indubitable. Cette physique se présente à la fois comme une géométrie et une mécanique. Voici comment Descartes l’exprime : « J’ai décrit cette terre, et généralement tout le monde visible, comme si c’était une machine en laquelle il n’y eût rien du tout à considérer que les figures et le mouvement de ses parties » .Cette géométrie et cette mécanique renvoient à une attitude intellectuelle en face de la nature. Cette conduite intellectuelle introduit, à son tour, une décision envisageant une certaine manière de voir, conforme au mouvement des sciences. C’est en ce sens que Descartes a pu écrire que sa physique « n’est autre que la géométrie ». Cela justifie sa préférence pour pratiquer des mathématiques. Descartes procède ainsi du raisonnement mathématique qui est hypothético-déductif. Ce principe de découverte mathématique va permettre à Descartes d’envisager une nouvelle perspective. Celle-ci accorde une valeur particulière à la recherche de la vérité. C’est ainsi que Descartes écrit : « Je me plaisais surtout aux mathématique, à cause de la certitude et de l’évidence de leurs raisons » 5 . Dans ce cas, nous pouvons dire que Descartes rêve d’étendre la certitude mathématique à l’ensemble du savoir. Pour asseoir ses idées, il pense que la démonstration mathématique permet d’aller du connu à l’inconnu. Ainsi, cet état d’esprit critique donne à l’auteur du Discours de la méthode, une idée d’ordre dans la formation de la connaissance. En tant que méthode, la mathématique domine tout l’arbre philosophique. Elle peut s’appliquer directement à l’observation comme fondements des théories des sciences expérimentales que Descartes appelle « fable du monde », mais que l’on nommera les sciences de la nature. Ces sciences de la nature imposent à la philosophie première ou métaphysique de suivre l’ordre de la raison, c’est-à-dire une connaissance indubitable. Ces sciences exigent donc une satisfaction rationnelle. Par sa méthode, Descartes s’est soucié de découvrir les fondements philosophiques du savoir. Pour cela, il s’est beaucoup intéressé aux études mathématiques dont la méthode devrait servir de modèle valable pour toute discipline. Et par la suite, la méthode et la science cartésienne semblent appeler l’exigence de la métaphysique qui, dans son système, constituera leur racine, c’est-à-dire le point de départ de la philosophie. Car elle nous amène à la connaissance d’une nature « vraie et immuable ». Aux yeux de Descartes, le modèle mathématique introduit une réflexion qui amène à la découverte de l’existence de l’être qui pense : « je pense donc je suis »6 . Ces trois étapes de la pensée font preuve de la première certitude. Cette mathématique cartésienne veut atteindre la source des connaissances. Car elle nous fait connaitre les choses les plus universelles qui soient vraies et réelles. C’est pour cela que la philosophie première saisit les fondements des choses, permettant ainsi de retrouver l’ordre de la raison qui fait l’unité de la science cartésienne. C’est dans cette perspective que la métaphysique requiert son statut de science première. La première thèse proprement métaphysique que Descartes affirme est celle de la création des vérités éternelles lesquelles constituent les évidences logiques : les essences des choses, les valeurs morales et aussi les structures mathématiques. A ne pas oublier que le cartésianisme est constitué par une suite des moments intellectuels donc chacun suppose celui qui le procède et engendre celui qui le suit. Il se présente donc comme une suite de démarche vécue qui succède naturellement dans un ordre ne pouvant être modifié. Nombreux sont les exposés de ces démarches qui, à quelques différences près, suivent la même voie. Tous commencent par le doute.
Le doute comme appui intellectuel
Nous connaissons le but des Méditations, il n’est autre que de trouver un fondement à la science. C’est bien d’ailleurs ce que déclare l’Abrégé : « Dans la première, je mets en avant les raisons pour lesquelles nous pouvons douter généralement de toutes choses, et particulièrement des choses matérielles, au moins tant nous n’aurons pas d’autres fondements dans les sciences que nous avons eus jusqu’à présent » . Pour s’assurer de la solidité de nos connaissances, il nous faut trouver une bonne fois pour toute un fondement inébranlable à partir duquel nous pourrions déduire tout le reste. Ainsi peut-on dire que la méthode cartésienne commence en réalité par la mise en doute de toutes les connaissances qui nous semblent assurées. Dans les trois exposés que Descartes a donné au public de sa métaphysique, il a toujours suivi le même ordre : le doute sur l’existence des choses matérielles et sur la certitude des mathématiques la certitude inébranlable du « je pense donc je suis », la démonstration de l’existence de Dieu, la garantie que cette existence apporte à ceux de nos jugements qui sont fondés sur des idées claires et distinctes, les certitudes qui en résultent sur l’essence de l’âme qui est la pensée, sur l’essence du corps qui est l’étendue. La métaphysique va donc du doute à la certitude, ou plutôt d’un premier jugement certain, implique dans le doute même, le cogito, à des jugements certains de plus en plus nombreux ; car seule la certitude peut produire la certitude. Les académiciens et les sceptiques, depuis le IIIème siècle avant Jésus-Christ, avaient accumulé les raisons de douter des choses sensibles. Descartes reprend ce raisons, dans les illusions de sens, dans les rêves nous croyons vraies des choses que nous estimons ensuite être fausses, raison suffisante pour nous méfier de sens qui nous ont une fois trompés. Mais si ses arguments sont les mêmes que ceux des sceptiques, ses intentions sont bien différentes. C’est dans sa réponse au sensualiste Hobbes qu’il a donné la raison de ce doute : « Je m’en suis servi en partie pour préparer les esprits des lecteurs à considérer les choses intellectuelles et à les distinguer des corporelles, à quoi elles m’ont toujours semblé très nécessaire » Et il déclare dans l’Abrégé des Méditations : « Le doute nous prépare un chemin très facile pour accoutumer notre esprit à se détacher de sens » , détachement qui est la condition même de la certitude. Le doute concernant les choses matérielles est donc un doute méthodique, une ascèse, comparable à l’effort du prisonnier de Platon10pour se tourner vers la lumière ; et Descartes utilise le scepticisme pour prendre conscience, dans le néant du sensible, de la réalité spirituelle. Les théologiens qui firent des objections à Descartes ne s’y sont pas trompés, et les objections contre le doute lui vinrent non pas d’eux mais des sensualistes Hobbes et Gassendi. Le doute cartésien, en un sens, va bien plus loin que le doute sceptique : car, une fois établie une raison de douter, si légère qu’elle soit, Descartes n’hésite pas à supposer d’autre raison qui accroissent et portent à son comble ce doute léger, procédant en cela, dit-il à Gassendi, comme ceux qui « prennent des choses fausses pour véritable afin d’éclaircir davantage la vérité » , par exemple les géomètres qui ajoutent de nouvelles lignes à des figures données. C’est ainsi que le «doute hyperbolique » devient possible qui porte sur les propositions mathématiques : ce doute, si extraordinaire puisqu’il amène à tenir pour incertaines les connaissances considérés comme le plus certaines de toutes, est possible, moyennant l’hypothèse d’un malin génie auquel on accorde la toute-puissance ; cette puissance supposée est telle qu’il peut faire que je me trompe « toutes les fois que je fais l’addition de deux et de trois, ou que je nombre les côtés d’un carré, ou que je juge de quelque chose encore plus facile ». Ce sont donc les connaissances données dans les Regulae comme intuitive, dont l’hypothèse du malin génie amène à douter. Mais comment concevoir la possibilité même d’un pareil doute si l’on ne songe au Dieu de Descartes qui a décrété les vérités éternelles par sa toute puissance ? Si nous supposons, au lieu de Dieu, dont nous ne connaissons pas encore l’existence, mais qui est malin, il sera capable de changer la vérité des choses à l’instant même où nous les percevons et de faire ainsi que nous nous trompions. Le doute cartésien, en un autre sens, va pourtant moins loin que celui des sceptiques : il s’arrête devant les « notions si simples que, d’elles mêmes, elles ne nous font avoir la connaissance d’aucune chose qui existe » 14, cela veut dire que les notions de pensée ou d’existence ou les notions communes doivent y avoir au moins autant de réalités dans la cause efficiente et totale que dans son effet. En outre, il est d’une nature différente du doute sceptique, car tandis que le sceptique s’en tient au doute, Descartes veut que l’on convienne de considérer comme effectivement fausses toutes les propositions qui donnent la moindre occasion de doute, ne laissant ainsi aucun milieu entre la certitude et l’absence de certitude. Ce doute n’aurait pas d’issue, si Descartes envisageait seulement ses objets, puisque ce sont tous les objets de la connaissance, les intelligibles comme les sensibles ; il ne peut donc, comme le prisonnier de Platon, se tourner vers un mode de réalités qui échapperaient au doute. Mais il considère cette incertitude en elle-même, en tant qu’elle est ma pensée et ma pensée ; sous cet aspect, mon doute, qui est ma pensée, est lié à l’existence de ce moi qui pense ; je ne suis donc concevoir que je pense sans voir avec certitude que je suis : « Cogito ergo sum ». Si je venais à douter de cette liaison, ce doute emporterait à nouveau mon affirmation ; et toutes les raisons de doute que j’ai pu me donner, doute sur les choses sensibles, existence du malin génie, ne sont que de nouvelles raisons de répéter cette affirmation. Ainsi Descartes dit : « la certitude de mon existence comme pensée est la condition de mon doute » 15. Descartes arrive donc à un premier jugement d’existence, en substituant à la vaine recherche des objets la réflexion sur cela même qui recherche.
L’esprit du doute
Le doute est un concept qui a plusieurs significations. Ainsi, il change de sens suivant son emploi. Dans son sens le plus usuel, le doute indique l’état de celui qui hésite à prendre parti, à porter un jugement. Il peut être ramené à la notion d’indécision ou d’hésitation. C’est le fait de ne pas croire à telle ou telle conception, sans l’avoir testée par l’entendement qui est « la puissance de connaître ». Mais cette puissance est bornée dans la mesure où on ne peut ni tout connaître, ni tout savoir sur sa fonction simple. Le doute peut aussi marquer un manque de confiance dans la sincérité de quelqu’un, la qualité ou la réalisation de quelque chose. Le concept renvoie à la notion de méfiance ou de soupçon. En ce sens, le doute est contraire de l’esprit crédule. Ce dernier, ne cherche pas à connaître ni à mettre en doute ce qui se passe pour qu’il puisse avoir d’éclaircissement. C’est-à-dire qu’il accepte aveuglément comme vérité tout ce qu’on lui propose. Par contre, celui qui a l’esprit du doute est celui qui porte tant de réflexion avant d’affirmer quoi que ce soit. C’est un esprit qui fait appel à la méfiance à toute vérité, à toute conception qui semble être apparemment vraie. Le fait de mettre en suspension ces genres de réalités, marque l’exigence ou le chemin qui pousse l’homme à se trouver devant une connaissance indiscutable et indubitable. La nécessité de poser des questions, face aux apparences relève des évidences. C’est-à-dire s’interroger sur des réalités incertaines est le point de départ pour s’éloigner des opinions sensibles. Descartes la confirme en disant : « Pour examiner la vérité il est besoin une fois en sa vie de mettre toute choses en doute autant qu’il se peut. »16 C’est la raison pour laquelle, Descartes doutait de l’enseignement traditionnel afin de ne plus douter du résultat obtenu. Douter est un processus pour lutter contre les idées erronées ; c’est avoir une arme intellectuelle qui nous permet de trouver le fondement de toutes les réalités existantes. Il est à noter que pour être certain à toutes idées, il faut se placer au dessus d’un esprit suiveur, car celui-ci nous empêche de découvrir l’essence de tout être. On peut avancer également que l’esprit du doute se diffère de l’esprit suiveur dans la mesure où ce dernier suit toutes idées ou toutes actions sans porter de critiques. L’esprit critique, matérialisé par le doute, se distingue de l’esprit de critique dans la mesure où le premier est 16 René DESCARTES, Principe de la philosophie, p.49 12 une notion fondamentale pour s’échapper de conceptions incertaines, tandis que le second, ne voulant pas sortir de la critique, relève du scepticisme. C’est une prise de conscience qui nous enseigne que, si nous affirmons dogmatiquement toute idée sans chercher à savoir sa validité, nous en arrivons à dire quelque chose qui n’est pas fondé. Pour cela, nous pouvons évoquer que, avoir un esprit critique est totalement d’un esprit de critique car celui-ci présente l’esprit d’un homme qui marche dans les ténèbres, c’est-à-dire l’homme aveugle. Il est ainsi, car il critique seulement pour le plaisir de critiquer, alors qu’avoir l’esprit critique c’est aussi avoir le sens du doute. Le doute est une phase primordiale, pour tout être humain qui a l’ambition de vivre sans les connaissances certaines et évidentes. Il est donc un mouvement de l’esprit humain qui a pour objet propre l’acquisition des réalités indubitables ou des réalités non douteuses.
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