La présentation et L’INTERPRETATION DES CONTRATS
Il s’agit de permettre au consommateur de connaître mieux, non pas les qualités du produit ou du service qu’il achète, ce qui dépasserait largement le cadre des compétences du législateur communautaire, mais les modalités juridiques de la convention qu’il accepte. Cela passe par un droit à la clarté des clauses contractuelles (I) mais aussi par une règle d’interprétation spécifique aux clauses qui demeurent ambiguës (II).
Le droit à la clarté des clauses contractuelles
L’inégalité entre les parties concernant le contenu du contrat est évidente : s’agissant dans la quasi-totalité des cas de contrats d’adhésion, le professionnel en connaît précisément les clauses, les ayant rédigées ou souvent pratiquées, alors que le consommateur qui n’a pas participé à cette étape de la formation du contrat s’est contenté d’y adhérer. Il s’agit donc d’éviter que le professionnel ne profite de la faiblesse du consommateur pour lui faire accepter un contrat dont ce dernier ne connaît pas toutes les clauses. Dans cet objectif, l’article 5 de la directive exige que, dans un contrat écrit entièrement ou en partie, les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible. Une telle disposition, posant le principe de transparence, peut sembler n’être qu’une pétition de principe et aurait mérité des précisions. La proposition modifiée de directive, présentée par la Commission en 1992, imposait un formalisme informatif, nettement plus efficace. Dans le but de permettre au consommateur de s’engager en pleine connaissance de cause, l’article 5 comportait un deuxième paragraphe qui disposait : « Indépendamment du caractère abusif ou non, les clauses n’ayant pas fait l’objet de négociation individuelle ne sont considérées comme ayant été acceptées par le consommateur que lorsque celui-ci a eu effectivement l’opportunité d’en prendre connaissance avant la conclusion du contrat ». Or, le Conseil supprima ce principe, estimant qu’il ne relevait pas du cadre juridique de la directive, mais des règles nationales relatives à la formation des contrats. Afin de pallier l’insuffisante protection du consommateur face à la pratique qui consiste à faire figurer des clauses, en caractères microscopiques, dans des documents annexes au contrat non soumis à la signature des parties, le 20ème considérant de la directive a donc été ajouté. Cette disposition doit être reliée avec le point i de l’annexe qui présume abusive une clause constatant de manière irréfragable l’adhésion du consommateur à des clauses dont il n’a pas eu effectivement connaissance avant la conclusion du contrat, prévoit que le consommateur doit avoir eu l’occasion de prendre connaissance de toutes les clauses. Le droit pour le consommateur de prendre connaissance de l’ensemble des stipulations contractuelles, avant la conclusion du contrat, n’est donc garanti par aucune disposition contraignante de la directive. Le recul des institutions communautaires concernant ce point pourtant essentiel de la protection contre les clauses abusives, traduit parfaitement le souci de ces dernières de ne pas intervenir de façon excessive dans la sphère contractuelle respectant en cela les compétences nationales. Effectivement, au nom de l’exigence classique de la réalité du consentement, les juges nationaux veillaient déjà à vérifier que le consommateur avait bien adhéré à ces clauses dont l’emplacement est douteux 743. Il en est de même pour les stipulations prétendument incluses dans le contrat par voie de référence à des documents annexes, lorsque le consommateur n’a pas eu la possibilité matérielle de prendre connaissance de la clause de renvoi. Malgré ces prescriptions, la présence d’une clause ambiguë ne peut être totalement exclue. Une règle d’interprétation spécifique a donc été inscrite dans la directive pour parer à cette éventualité.
L’interprétation des clauses ambiguës
L’article 5 de la directive dispose quant à lui qu’ « en cas de doute sur le sens d’une clause, l’interprétation la plus favorable au consommateur prévaut ». Cette disposition met en œuvre l’adage contra proferentem qui prévoit que, contre toute vraisemblance, une clause ambiguë doit toujours être interprétée contre son rédacteur et par extension contre son utilisateur. On considère ici que c’est le rédacteur qui doit « supporter les conséquences des imperfections et des interrogations engendrées par l’imprécision de sa plume » 744. Cette application tient compte du fait, que dans de nombreux cas, l’ambiguïté de la clause est volontaire, l’objectif du rédacteur étant de « voiler derrière un rideau de fumée » 745 des clauses qui, si elles avaient été claires, n’auraient certainement pas été acceptées. 311. La loi française de transposition de la directive a expressément retranscrit ce principe 746 pourtant largement connu du droit commun des obligations. L’idée de l’interprétation dans le sens favorable à la partie la plus faible avait été émise par Domat au XIXème siècle 747 et a été systématisée par le Code de 1804. L’article 1162 dispose ainsi « dans le doute, la convention s’interprète contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l’obligation » La jurisprudence, quant à elle, utilisait déjà fréquemment cette règle d’interprétation 748. L’indication expresse de ce principe dans la directive communautaire et par conséquent dans la législation de tous les Etats membres permettra sans aucun doute aux juges de donner un sens équitable à une clause sans avoir à effectuer un contrôle concret de son contenu. La définition de la notion de clause abusive ainsi que l’édition d’une liste indicative auraient été vaines si les rédacteurs de la directive n’avaient pas prévu les modalités concrètes d’élimination des clauses abusives. §2 – L’élimination des clauses abusives 312. Afin d’éliminer toute clause abusive des contrats conclus avec les consommateurs, la directive allie deux méthodes différentes : la répression, d’une part, en déterminant le sort réservé à une telle clause et au contrat qui la contient (I), et la prévention, d’autre part, en obligeant les Etats membres à certaines actions préventives (II).
La sanction du caractère abusif
La sanction logique d’une clause abusive est son éradication. Mais le sort de la clause concernée pose nécessairement la question de celui du contrat qui la contient. Le législateur communautaire prévoit à la fois le droit à l’inefficacité de la première (A) et au maintien du second (B). A – Le droit à l’inefficacité de la clause 314. La directive est très souple sur les techniques à mettre en œuvre pour l’élimination des clauses réputées abusives. L’article 6 impose seulement aux Etats membres de faire en sorte que de telles clauses « ne lient pas les consommateurs », tout en laissant aux Etats la définition du régime juridique applicable dans ce cas. Ce peut être indifféremment la nullité absolue ou relative, l’inopposabilité ou encore l’inexistence 749. L’Allemagne, la Belgique, le Portugal, la Suède, les Pays-bas et le Danemark ont opté pour cette dernière solution. L’Italie affirme, quant à elle, que ces clauses sont « inefficaces », alors que la Grèce, le Royaume-Uni et l’Irlande se contentent de reprendre l’expression de la directive : ces clauses « ne lient pas le consommateur ». Le Luxembourg enfin répute ces clauses « nulles et non écrites ». 315. L’article L 132-1 du code de la consommation français transposant la directive affirme que les clauses abusives sont « réputées non écrites ». L’inscription de cette formule plutôt que celle de la nullité résulte d’un choix délibéré du législateur français, qui reprend les termes employés dans la loi de 1978. Il s’agit d’une sanction civile originale, qui sur le plan théorique ne doit pas être confondu avec la nullité. Pour reprendre une analogie utilisée par Messieurs Trochu, Trémorin et Brechon 750, avec le domaine du mariage : « il peut y avoir entre le caractère non écrit et la nullité, la distinction qui a pu être faite […] entre le mariage inexistant parce qu’impossible par la nature des choses, tel celui entre personnes du même sexe, et le mariage nul, possible par la nature des choses mais invalide par la nature du droit, tel celui opéré en l’absence d’un consentement autorisé ». Cette sanction, répandue en droit français, relève de la fiction juridique : une clause réellement écrite n’est pas écrite.