La présence sur les tituli lors du triomphe romain
Nous savons qu’à l’occasion du triomphe romain étaient représentés sur des panneaux les paysages et éléments des nations vaincues. Reste à déterminer si on y retrouvait également des personnifications. Il est assez difficile de savoir si lors de tous les triomphes romains se trouvaient la présence de représentations des nations ou de provinces captives. Certains textes donnent des détails sur le cortège, d’autres ne font qu’indiquer l’acquisition du triomphe et les raisons militaires de celle-ci, sans nous donner quelque détail que ce soit. Le manque de données pour les premiers triomphes de la Rome royale et républicaine, s’explique par le manque de détails en possession des auteurs. En effet, ce sont des sources littéraires majoritairement de Tite Live, de Plutarque, de Dion Cassius ou encore de Denys d’Halicarnasse qui nous sont parvenues, des auteurs du Ier av. J.C., et des Ier et IIe ap. J.C., ayant vécu jusqu’à neuf siècles après les événements. Pour écrire leurs ouvrages, ils consultaient les archives et transcrivaient les légendes qui parcouraient les rues de Rome. Les détails sur le cortège n’avaient pas d’importance. Pour les auteurs la priorité était d’écrire une histoire dont celle des triomphes, avec le souci d’en nommer les bénéficiaires et surtout en mentionnant la guerre qui donna lieu à la cérémonie. La liste des triomphateurs avait traversé le temps, mais les détails de la cérémonie n’étaient que très rarement restés dans les esprits Néanmoins il nous est parvenu plusieurs textes qui permettent de voir l’évolution de ce type de représentation. La première attestation de la présence d’effigies de villes ou de lieux géographiques conquis fut lors du triomphe de Lucius Cornelius Scipio Asiaticus. Ce triomphe célébré en 189 av. J.C. sur l’Asie, est narré par Tite Live et d’autres auteurs. A travers les « oppida simulacra » mentionnés par Tite Live, sont faites allusion les cités qui ont été conquises par le consul342 L’origine hellénistique de ce type de représentation, ne fait aucun doute. Durant sa procession à Corinthe, Ptolémée II avait fait défiler dans son cortège, des figures féminines qui représentaient des cités grecques. Nous en avons connaissance grâce au texte d’Athénée . 343 Certains textes nous parlent des captifs qui étaient exhibés lors de la cérémonie triomphale, que ce soit des prisonniers vendus par la suite comme esclave ou les rois et les reines des royaumes vaincus345 Jean Bayet mentionne « les personnifications des provinces qui figurèrent aux triomphes de Jules César » . Il ne s’agit pas encore de la représentation de nations, d’ethnies ou de provinces, mais c’est une première d’après les sources littéraires qui nous sont parvenues. 346, en renvoyant au texte de Suétone, mais dans cette source il n’est nullement indiqué la présence de simulacra mais celle de « titulum … ceteris »347. Il en est de même pour le triomphe de Pompée qui, d’après le témoignage de Plutarque, mentionne la présence de tituli représentant les régions géographiques348 Cornelius Balbus triompha en 19 av. J.C. sur les Garamantes, population d’Afrique. Comme l’indique Pline l’Ancien, celui-ci parader les figurations des villes conquises à l’occasion de sa victoire triomphale.
DES REPRÉSENTATIONS DES NATIONES / GENTES
L’intégration des ethnies et prouinciae dans de grands complexes architecturaux entrepris à titre privé I.1.a. De Pompée, avec les quatturodecim nationes de Coponius … Du Théâtre de Pompée … La présence des statues des nations au Théâtre de Pompée nous est connue par deux auteurs. Le premier est Pline l’Ancien, à partir de sources qu’il reprit de Varron. Elles nous indiquent qu’il existait des images de quatorze nations que l’on devait au sculpteur Coponius et que celles-ci se trouvaient « circa Pompeium »360 Le second auteur à faire mention des figurations est Suétone. Ce dernier indique « modo a similacris gentium ad Pompei theatrum dedicatarum circumiri arcerique progressu » . D’après le texte « circa » peut aussi bien dire « disposées autour » que « sur le pourtour », ce qui ne nous aide pas à savoir si les statues se trouvaient dans le théâtre même, sur la façade de la cavea (PL. X), ou à proximité dans le portique accolé au théâtre Dans ce cas, la particule « ad » peut aussi bien signifier « à proximité » ou « dans », ce qui ne nous aide pas plus que le texte de Pline l’Ancien. Ce second texte est moins important pour déterminer l’emplacement précis des statues car, comme nous le verrons par la suite, dans le « Porticus ad nationes », les sculptures de Coponius ont été déplacées du théâtre au portique au début du Ier siècle ap. J.C. Et le texte de Suétone est postérieur à ce déplacement. Seule la source de Varron, qui nous est transmise par Pline, permet une éventuelle localisation d’origine des nations. Cette détermination de l’emplacement des statues dans le Théâtre de Pompée nous est néanmoins possible à partir de plusieurs éléments. Dans l’enceinte du complexe de Pompée se trouvait un temple dédié à Venus Victrix. La présence du temple de Vénus n’est pas anodine. Venus Victrix est la divinité de la victoire comme l’indique son étymologie. De plus, le complexe a été financé grâce aux victoires de l’imperator. Il ne serait donc pas surprenant de voir également, dans l’enceinte du monument, des effigies de nations vaincues. Comme le fait très bien remarquer Gilles Sauron « l’expression ‘circa (theatrum) Pompei’, employée par Pline, ne saurait désigner, qu’un décor rythmant la façade convexe du monument, car bien souvent circa est employé avec exactement le même sens que circum ». Il situe donc les statues dans le Théâtre de Pompée, à partir des textes, mais aussi avec des exemples postérieurs qui auraient pu s’inspirer du modèle de Pompée. Il se réfère au théâtre qu’Hérode le Grand fit construire à Jérusalem et qu’il orna de trophées de nations qu’Auguste avait vaincues Antonio Monterosso Checa localise également ces statues autour du théâtre, et cela à partir du texte.