La naissance : pourquoi se préparer?
Les origines : « le mal joli »
La préparation à la naissance et à la parentalité est apparue progressivement à partir du début du XXème siècle. Le but premier étant de soulager les femmes au moment des contractions utérines. Pendant longtemps et dans toutes les sociétés, celles-ci étaient acceptées par tous comme normales. Les femmes y étaient résignées et se soumettaient à ce qui était inévitable. Dans les société judéo-chrétienne, elles étaient la punition des femmes pour le péché originel et inscrites dans la bible : « …tu enfantera dans la douleur… ». Il fallut attendre le milieu du XIXème siècle pour reconsidérer cette théorie. En effet lors de l’accouchement de la reine Victoria, le médecin James Young Simpson utilisa l’anesthésie au chloroforme pendant les contractions afin de la soulager. On commença alors à s’intéresser à la douleur des femmes pendant l’accouchement et à ne plus la considérer comme une fatalité.
A partir du XXème siècle, les milieux ruraux on commencé a être désertés. Les accouchements se faisaient autrefois à la maison, dans un environnement familial, quelque part rassurant. La future mère en travail était entourée par des femmes ayant elles mêmes accouché et donc capable de prodiguer des conseils tout en lui laissant la liberté de mouvements. Progressivement, les accouchements ont été délocalisé dans les hôpitaux. Dès lors, les femmes en travail se retrouvaient seules pour accoucher et s’occuper de leur enfant après sa naissance. L’accouchement devenait alors un moment très angoissant pour les femmes puisqu’elles devenaient passives, soumises aux décisions du personnel médical.
En partant de ce constat, certaines personnes ont alors essayé de répondre aux demandes des femmes : rendre les femmes plus actives de leur accouchement et supprimer les douleurs de l’enfantement.
De l’accouchement sans douleur (ASD) à la psychoprophylaxie obstétricale (PPO)
A la fin du XIXème siècle, l’hypnose fait son entrée en France par J.M Charcot, un psychiatre français. Certains médecins (psychiatres et obstétriciens) tentent alors de l’introduire lors de l’accouchement mais cette pratique est rapidement abandonnée après quelques essais désastreux. Cependant l’hypnose a permis de réaliser d’autres travaux, comme ceux de I. Pavlov, médecin russe, sur les théories du conditionnement comportemental.
C’est dans les années 1950 que F. Lamaze, un obstétricien français, en s’inspirant des travaux de I. Pavlov, va créer des cours qu’il dispensera aux femmes enceintes. Le but étant d’apprendre aux femmes à maîtriser la douleur des contractions utérines, Lamaze va donc baptiser ces cours, des cours d’accouchement sans douleur (ASD). Pour cela, pendant les séances, Lamaze a cherché à combler leur manque de connaissances sur l’anatomie et la physiologie de la grossesse et de l’accouchement d’une part, et d’autre part à leur apprendre des exercices de relaxation et de respiration qu’elle devaient répéter tous les jours chez elles. Selon sa théorie, le jour de leur accouchement, les femmes se concentreraient sur des idées autres que la douleur des contractions comme leur respiration ou l’ouverture du col, ce qui permettrait d’obtenir un vécu non douloureux. En 1952, à la maternité des Bluets à Paris, a eu lieu le premier accouchement selon la méthode ASD.
Toutefois cette méthode a été beaucoup contestée. Pour les femmes, il s’agissait d’une « publicité mensongère » puisqu’on leur promettait qu’elles ne souffriraient pas si elles respiraient comme on leur avait enseigné. Par ailleurs, la méthode n’avait pour but que d’apprendre aux femmes à « bien accoucher » mais ne prenait pas en compte les sentiments que les femmes éprouvaient. Les séances ne comprenaient aucun temps d’échanges, uniquement des cours magistraux et des exercices de relaxation ou de respiration.
Progressivement, l’ASD s’est vue modifiée en Psychoprophylaxie Obstétricale (PPO) vers la fin des année 50 par P. Vellay, un obstétricien français. La PPO reprend la base de l’ASD mais y ajoute une dimension psychique en y laissant une place pour le futur père (et le reste de la famille), ainsi que des moment d’échanges entre les différents membres du groupe en plus des cours magistraux. C’est ce que E. Galactéros définira dans les année 70 comme l’espace psychoprophylactique, qu’il décrit dans son ouvrage « préparons nous à te mettre au monde et à t’aimer » comme un accompagnement de la maternité capable d’assurer la sécurité psychologique de la mère, du père et de l’enfant. La préparation à la naissance devient alors l’affaire d’un couple. En parallèle, certaines personnes comme F.Leboyer, un obstétricien français, cherche à humaniser les salles de naissance, afin d’accueillir les enfants à naître de manière plus douce et donc moins médicale.
La préparation à la parentalité
A partir de là, une nouvelle dimension s’est donc ouverte: la parentalité. Aujourd’hui les deux notions sont indissociables, c’est pourquoi on parle de préparation à la naissance et à la parentalité depuis la fin du XXème siècle. Accèder à la parentalité est un processus psychologique qui passe par le désir d’enfant. Or si pour le couple le projet d’enfant est conscient, ce n’est pas le cas du désir d’enfant. En effet, le désir d’enfant est un acte inconscient qui est propre à chacun en fonction de ces origines et de son histoire personnelle. Le couple va donc se construire en tant que parents selon sa propre relation aux images parentales.
Pour la femme, la grossesse est un événement capital. On parle de crise maturative car cela implique pour elle un remaniement psychique important qui lui permettra de se constituer une nouvelle identité, de devenir mère.
Ce remaniement chez la femme que Winnicott nomme la préoccupation maternelle primaire repose sur une question :
« suis-je capable d’être une bonne mère ». Et cette question ramène toujours la femme enceinte à l’image maternelle de référence : sa propre mère. Elle comprend alors qu’elle va devenir son égale. Chez la femme, la grossesse permet de prendre conscience plus facilement de l’enfant à venir. Parfois elle se tourne vers lui de manière à se détacher totalement du monde extérieur. Inconsciemment, pour elle, du bon déroulement de sa grossesse dépendra sa capacité à être une « bonne mère ». En clair, si la grossesse ne se passe pas bien, un sentiment de culpabilité pourra naître en elle, accompagné d’un sentiment d’incapacité à s’occuper de son enfant. Pendant l’accouchement, le douloureux travail de la femme consistera en un travail de deuil: deuil de la grossesse, deuil de l’enfant imaginaire, deuil de la « petite fille » qu’elle était.
Pour l’homme, accéder à la paternité est plus difficile puisqu’il ne subit pas les modifications physiques de la grossesse. Il ne peut se voir devenir père autrement que par les paroles de la future mère. Ainsi le travail psychique de l’homme pour accéder à la paternité sera facilité par le discours maternel. Par exemple « tu vas être père » ou « nous attendons un enfant ». Fréquemment, certains hommes développent pendant la grossesse de leur compagne des symptômes typiques de femmes enceintes (prise de poids, douleur lombaire, nausées, envies, voire des « contractions » pendant l’accouchement…).C’est ce qu’on appelle la couvade. Ce phénomène peut être plus ou moins prononcé. D’après certains chercheurs, ces symptômes démontrent une implication et un intérêt du futur père dans cette grossesse. Après la naissance, l’existence du père dans le discours maternel est également important et permettra une bonne évolution de l’enfant. (Le rôle du père étant essentiellement de séparer la dyade mère-enfant pour permettre à l’enfant de s’autonomiser et de s’individualiser.).
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