La prééminence du pouvoir exécutif sur le législatif

La prééminence du pouvoir exécutif sur le législatif

Pour pouvoir appréhender de manière objective cette question de la prééminence de l’exécutif sur le législatif, il nous faut d’abord revenir sur le régime politique qui régit l’Etat malgache. Il est tout d’abord nécessaire de s’entendre sur le sens de certaines formules telles que Constitution au sens formel du mot, Constitution au sens matériel, forme de gouvernement, ou encore le régime politique.
Au sens formel du mot, la Constitution est un document écrit, c’est la Charte fondamentale de l’Etat, c’est un ensemble de règles de droit édictées selon une procédure solennelle qui n’est pas celle, beaucoup plus simple, par laquelle sont élaborées les lois ordinaires. Au sens matériel du mot, une Constitution est l’ensemble des règles qui, dans un Etat donné, déterminent les structures politiques. On peut encore définir la Constitution au sens matériel du mot (on emploie aussi, dans le même sens, la formule «forme de gouvernement») comme l’ensemble des règles relatives à l’attribution et à l’exercice du pouvoir. En ce sens, tout Etat a nécessairement une Constitution, écrite ou non écrite, puisque dans tout Etat il y a, par définition, des règles d’organisation politique.

Le gouvernement responsable devant l’Assemblée Nationale

C’est l’article 63, alinéa 2 de la Constitution qui pose le principe que le Gouvernement est responsable devant l’Assemblée Nationale. Cette responsabilité est mise en œuvre soit par le biais de la question de confiance (art. 100 de la Constitution), soit par le biais d’une motion de censure. Ainsi selon les dispositions de l’article 103 de la loi fondamentale, « L’Assemblée Nationale peut mettre en cause la responsabilité du Gouvernement par le vote d’une motion de censure », et « Si la motion est adoptée, le Gouvernement remet sa démission au Président de la République ; il sera procédé à la nomination d’un Premier Ministre… ».
Il y a donc, du moins en théorie, un contrôle effectif des actions du gouvernement par l’Assemblée Nationale. Contrôle qui se matérialise dans la possibilité de contester les objectifs et l’action de l’exécutif.
Cependant, dans la pratique, le contrôle lié à la mise en jeu de la responsabilité gouvernementale ne peut pas toujours être effectif, en tout cas, pas jusqu’à entraîner la dissolution du Parlement devant l’Assemblée Nationale en vertu de l’article 103, et pas à Madagascar.
Car au vue de la constitution du Parlement aujourd’hui, il apparaît que l’exécutif et le Parlement ont cessé d’être des centres autonomes de pouvoir. Il n’y a pas l’antagonisme qui caractérise le paysage politique de pays comme la France, car les deux pouvoirs sont liés par leur unité d’appartenance au(x) parti(s) porté(s) au pouvoir.
«Bien qu’elle soit encore souvent considérée comme l’issue normale, en raison de la définition même du régime parlementaire, la chute devant le Parlement apparaît statistiquement comme une situation rare».
Voilà donc en ce qui concerne la responsabilité du gouvernement devant l’Assemblée nationale, mais pour le Président de la République, il en va autrement.

Qu’est-ce qu’une procédure législative d’urgence ?

Par procédure législative d’urgence, on se réfère à la procédure régie par le troisième alinéa de l’article 96 de la Constitution . Il faut cependant faire attention à ne pas la confondre avec des circonstances exceptionnelles de l’article 61 de la Constitution. Enfin, cette étude ne porte pas sur les procédures d’urgence de droit, qui régissent le vote des lois de finances, celle-ci présente une différence de nature plus que de degré avec la procédure législative d’urgence ordinaire.
Mais qu’entend-on par urgence alors ? L’urgence est « la qualité de ce qui est urgent », c’est-à-dire « qui ne souffre point de retardement », qui est « pressant ». L’urgence suppose une nécessité qui commande l’action rapide. Elle ressort ainsi d’une conception finaliste du droit; la validité des actions entreprises pour répondre à une situation urgente se mesure en effet à l’aune du bien commun. En outre, l’urgence est une notion qui contient une part de subjectivité, car la capacité de l’évidente nécessité « à être partagée ne peut se penser que in situ et dépend largement des intérêts (variables) que l’on entend défendre absolument ».
Dès lors, de manière générale, l’urgence est conçue en droit public comme justifiant, sous contrôle de son existence par le juge, une légalité d’exception.
La conception de l’urgence dans l’article 96 de la Constitution semble quelque peu différente. Tout d’abord, la règle de droit n’est ici pas mise en échec par l’urgence ; elle l’encadre. En outre, la notion d’urgence est politique plus que strictement juridique: il appartient au gouvernement de la déclarer lorsqu’il le juge nécessaire.

Le gouvernement des juges ou la création prétorienne du droit

« La démocratie ce n’est pas le règne du nombre, c’est le règne du droit ». Cette assertion, que l’on prête volontiers à Georges Gurvitch, légitime la juridicisation du politique. Celle-ci se traduit par la mise sous l’empire du droit de la vie politique. Nombreux sont les auteurs, en effet, qui ont souligné à quel point la politique était, désormais, « saisie par le droit ».
Cette approche rejoint ainsi le discours sur le « gouvernement des juges ». Celui-ci exprime le refus du pouvoir politique, de voir le pouvoir judiciaire empiéter sur ses prérogatives. Et pourtant il semblerait que cet « empiètement soit le résultat de la « constitutionnalisation de la vie politique». Ce principe désigne la limitation du pouvoir par le droit, la subordination de l’activité politique à la Constitution, organe juridictionnel, les Cours Constitutionnelles (la Haute Cour Constitutionnelle dans notre cas)sont aussi des régulateurs du politique dans la mesure où leur contrôle s’exerce a priori et en vue de la création d’une loi. Et c’est justement ce qu’on leur reproche et qui a provoqué cette méfiance qui a donné au terme « gouvernement des juges » si mauvaise presse.
Surtout qu’à Madagascar ou dans 90 % des cas, les lois ont pour origine des projets d’initiative gouvernementale – voire présidentielle -, le juge constitutionnel aurait d’avantage à assurer le contrôle de l’exécutif que celui du législateur. Une situation qui serait perçue comme intolérable par nos hommes politique qui sont si frileux quand il s’agit de rendre des comptes.

Le résultat du financement de la vie politique par les groupes d’intérêt

Le financement est le premier pas vers un lobbying réussi. Notons que ce financement n’est pas seulement limité au cadre des campagnes électorales. Pour illustrer nos propos nous allons rappeler que dans le droit français, le financement de la vie politique concerne non seulement les campagnes électorales mais également sources de financement des partis et des candidats et aux montants en jeu. L’introduction d’une réglementation restrictivequant aux sources de financement des partis politiques et des campagnes électorales a ainsi conduit à priver partis et candidats d’une recette traditionnellement déterminante. Cette interdiction a été néanmoins compensée par l’introduction d’un financement public généreux des partis et des campagnes électorales. Rappelons-nous des critiques formulées par la Banque Mondiale, et les observateurs internationaux lors des dernières campagnes électorales du fait de l’opacité des sources de financement des candidats et de ce que le trop grand écart entre les moyen portait gravement atteinte au bon déroulement du procédé démocratique.
De plus, « donner aux groupes d’intérêts la possibilité de monnayer un accès aux responsables politiques risque, en outre, de concentrer indûment l’influence politique entre quelques mains et pourrait rendre les hommes politiques trop tributaires de certains groupes privés au lieu de veiller aux intérêts de l’électorat dans son ensemble ou des membres des partis. Cela pourrait aussi porter à croire que l’influence politique s’achète. Dans la mesure où des campagnes électorales coûteuses déterminent dans une large mesure les résultats des élections, il est à l’évidence peu souhaitable que les partis dépendent de bailleurs de fonds très proches ou qui représentent leurs intérêts ».

Table des matières

INTRODUCTION 
TITRE I. UN DESEQUILIBRE EN FAVEUR DE L’EXECUTIF
Chapitre I. La prééminence du pouvoir exécutif sur le législatif 
Section I : une prééminence qui se manifeste en amont 
Paragraphe 1. Par le pouvoir de nomination et de dissolution 
A. La nomination des membres du Sénat selon l’article 81 de la Constitution
B. La dissolution de l’Assemblée nationale selon l’article 60
Paragraphe 2. Responsabilité politique 
A. Le gouvernement responsable devant l’Assemblée Nationale
B. Irresponsabilité du Président de la République ?
Section II : une prééminence dans l’élaboration législative 
Paragraphe 1 : Dans l’initiative de la loi 
A. Une prééminence dans l’initiative du fait de la défaillance de l’organe législatif
B. Une prééminence facilitée par le fait majoritaire
1. Essai de définition du fait majoritaire
2. Le fait majoritaire et l’atteinte à la séparation des pouvoirs
Paragraphe 2 : la substitution à l’organe législatif 
A. Une substitution qui peut être très forte : la procédure législative d’urgence
1. Qu’est-ce qu’une procédure législative d’urgence ?
2. Comment la procédure d’urgence nuit au principe de la séparation des pouvoirs ?
B. Une substitution qui peut aussi se traduire par le contrôle de l’organe législatif
Chapitre II : L’inexistence d’un pouvoir judiciaire 
Section I : Le refus de reconnaitre le pouvoir judiciaire 
Paragraphe 1. Le texte constitutionnel 
A. Indépendance et autonomie mais non reconnaissance en tant que troisième pouvoir
B. Un pouvoir judiciaire inexistant mais qui exerce un certain contrôle : le cas de la Haute Cour
Constitutionnelle
Paragraphe 2. Le gouvernement des juges 
A. Le gouvernement des juges ou la création prétorienne du droit
B. Une méfiance injustifiée ?
Section II : l’emprise de l’exécutif et de l’organe législatif sur le fonctionnement de la machine judiciaire : le cas de la Haute Cour Constitutionnelle 
Paragraphe 1. Organisation et fonctionnement des juridictions 
A. Un rôle accru du Parlement dans l’élaboration des textes règles institutives et constitutives de la
Cour
B. Une emprise qui amène des questionnements sur la capacité de la Cour à exercer un contrôle réel
Paragraphe 2. Nomination, promotion et sanction des magistrats 
A. La nomination des juges
B. La promotion et la sanction des juges
TITRE II : L’AVENEMENT DE NOUVELLES FORMES DE POUVOIR ET LEUR IMPACT SUR
LE PRINCIPE DE LA SEPARATION DES POUVOIR 
Chapitre I : le pouvoir exécutif et le pouvoir économique 
Section I : De la notion de pouvoir économique : les groupes d’intérêt
Paragraphe 1 : définition et origine des groupes d’intérêt 
A. Une définition délicate
B. Une origine américaine et des déclinaisons à la française
Paragraphe 2 : les groupes d’intérêt au niveau de l’Etat 
A. La représentation
B. Les caractéristiques organisationnelles
Section II : interaction entre pouvoir politique et pouvoir économique 
Paragraphe I: les lobbies dans la gouvernance ou la main « invisible » du marché 
A. Le résultat du financement de la vie politique par les groupes d’intérêt
B. Influence sur les décisions politiques
Paragraphe II : les enjeux de l’intervention des groupes d’intérêts 
A. Une diversification des sources d’informations parlementaires
B. Le renforcement de l’application des lois
C. Une participation à l’efficacité économique
Chapitre II : la relation entre les institutions internationales et les institutions étatiques 
Section I : les secteurs d’intérêt des Organisations Internationales 
Paragraphe 1 : Classification des organisations internationales économiques 
A. Organisations mondiales et organisations régionales
B. Organisations régulatrices et organisations opératrices
Paragraphe 2 : De la composition des organisations internationales économiques 
Section II : les moyens de pressions des organisations internationales économiques
Paragraphe 1 : le principe de la séparation de la politique et de l’économie 
Paragraphe 2 : Concessionnalité et Conditionnalité 
B. La conditionnalité
Conclusion 
Bibliographie 

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