La pragmatique de l’interactionnisme systémique de l’école de Palo Alto

la pragmatique de l’interactionnisme systémique de l’école de Palo Alto 

Introduction au modèle de l’école de Palo Alto 

Au début des années 50, une équipe multidisciplinaire, sous la direction du renommé anthropologue de la communication Grégory Bateson et ayant un intérêt marqué pour la psychologie, forme l’école de Palo Alto en référence à cette ville. Dans le célèbre article intitulé « Vers une théorie de la schizophrénie », Bateson propose une approche qui bouleverse les théories fondamentales de la communication. Cet article qui expose les bases de la théorie de la double contrainte influencera la compréhension des paradoxes dans les relations. C’est dans le but de comprendre les formes pathologiques de communication au sein des familles que Grégory Bateson et ses collaborateurs de l’école de Palo Alto ont élaboré la théorie de la double contrainte, qui contribuera grandement à la compréhension des discours paradoxaux.

C’est ainsi que le MRI (Mental Research Institute) dirigé par les chercheurs de Palo Alto se consacre aux recherches sur les interactions humaines (la communication interpersonnelle) et leurs impacts que ce soit au niveau de la création des problèmes ou de la thérapie.

Les chercheurs de l’école de Palo Alto ont énoncé cinq axiomes qui s’ inscrivent dans la logique pragmatique de la communication. Ces axiomes remettent en perspective de la dimension relationnelle de la communication.

L’axiomatique de la communication de l’école de Palo Alto
a. Axiome d’impossibilité
On ne peut pas ne pas communiquer. Selon l’école de Palo Alto, la communication est à la base de tout comportement. C’est en suivant cette logique que nous avançons la proposition selon laquelle la corruption est un acte de communication, étant donné que tout comportement est communicatif. Ce paradigme renvoie à l’idée selon laquelle il est impossible de ne pas communiquer. D’ailleurs, Goffman (1981) explique que même si un individu peut s’arrêter de parler, il ne peut s’empêcher de communiquer par le langage du corps et que, dès lors, il ne peut pas ne rien dire. Par exemple, lorsque deux individus sont en face l’un de l’autre, ils n’ont pas le choix de communiquer. Cette communication peut passer par l’acceptation de la communication ou son refus. Or, ce refus doit être communiqué. Car « Communiquer, c’est exercer consciemment ou non une forme d’influence sur autrui et donc, s’ il est impossible de ne pas communiquer, il est impossible de ne pas influencer. »(Keller, 2006) De plus, non seulement il est impossible de ne pas communiquer, mais aussi dans un système interactionnel tel que vu par l’école de Palo Alto, les interactions entre les personnes sont systématiquement conçues dans les deux sens. Les interactants, même s’ils ne formulent pas des injonctions de façon explicite/verbale, communiquent en effet. Chose encore intéressante: ils s’ influencent mutuellement. Lorsqu’un individu X parle à un individu Y et que ce dernier choisit d’annuler l’ interaction, donc de ne pas répondre, il communique effectivement son envie de ne pas parler. Forcément, ce refus de communication de l’individu Y aura une influence sur le comportement de l’individu X. Donc, deux choses l’une : soit X continuera d’ insister, soit il se taira. Cela nous montre en effet que toute communication suppose un engagement et définit la manière dont l’émetteur voit sa relation vis-à-vis du récepteur (Watzlawick et al., 1972).

b. Axiome d’englobement
Toute communication présente deux aspects, le contenu et la relation, tels que le second englobe le premier et, par suite, est une métacommunication.

Définie comme étant la communication sur la communication, la métacommunication est un concept central dans l’approche de l’école de Palo Alto. C’est un savoir-faire communicationnel qui peut engendrer des paradoxes, mais aussi permettre aux personnes en situation d’interaction de sortir d’impasses relationnelles. Ce second axiome nous indique que la communication ne sert pas uniquement qu’à transmettre une information. Elle suppose un engagement et définit par su ite la relation . En effet, en transmettant une information (contenu), cela crée forcément un comportement. Ainsi, le contenu consiste à dire quelque chose et la relation renvoie à la manière de le dire. Ces deux séries de propositions s’opèrent dans une communication de façon spontanée et simultanée. Le contenu du message est décrit sous deux aspects selon les travaux de Bateson (1970) et de Shannon. Le premier est caractérisé par l’aspect  « indice» qui concerne le message informatif et que l’approche systémique nomme « information-représentation», mais qu’Austin (1970) a appelé énoncé constatif. Le second aspect est désigné « ordre» par Shannon et par Bateson (1970). Il s’agit là d’ une « information-décision» pour l’approche systémique et un énoncé performatif selon Austin (1970). La relation est ainsi caractérisée par cette célèbre formulation de Watzlawick et al. (1972) : « C’est ainsi que je me vois … C’est ainsi que je vous vois … C’est ainsi que je vous vois me voir … » (p. 49). Cette citation met en évidence un fait intéressant en matière de communication, à savoir la capacité à communiquer sur la manière dont les informations sont échangées, et par la même occasion sur le type de relation qu’entretiennent les interlocuteurs dans leur échange. C’est la métacommunication qui aide effectivement à décoder cette relation dans les échanges entre les interlocuteurs.

c. Axiome de ponctuation
La nature d’une relation dépend de la ponctuation des séquences de communication entre les partenaires. La communication ressemble à un fil sans début ni fin. Ce n’est à partir de sa propre position qu’on opère une ({ ponctuation de séquence» dans le processus circulaire et continu de la communication. Pour expliquer le concept de la ponctuation telle que vue par Watzlawick, Leclerc (1999, p. 230) nous propose de la voir comme à travers une clôture : « Ponctuer une interaction, c’est lui attribuer un début et une fin, c’est poser une clôture artificielle dans la communication afin de pouvoir donner un sens à une situation. Cela a pour conséquence arbitraire d’éliminer certains éléments qui se situeront à l’extérieur de la clôture et faire apparaÎtre les événements comme une suite de causes et effets ».

Très souvent, la ponctuation sert à identifier le caractère moral d’une action. Selon la théorie de l’attribution causale présentée par Mayers et Lamarche (1992), l’homme a tendance à identifier l’autre comme coupable de ce qui va mal, tout en s’attribuant le mérite de ce qui va bien. Leclerc (1999, p. 231) donne l’exemple suivant pour illustrer la ponctuation de séquence: « Pierre est fâché contre Sylvie parce qu’il considère qu’elle ne tient pas compte de ses idées. Sylvie refuse de tenir compte des idées de Pierre parce qu’elle n’accepte pas le ton agressif qu’il prend pour exprimer ses idées. Édith, qui arrive sur les entrefaites, croira que Sylvie n’accorde pas d’attention à Pierre parce qu’elle est là et que Pierre a un ton agressif parce qu’il n’apprécie pas sa visite impramptue ».

Table des matières

INTRODUCTION
PROBLÉMATIQUE
État de la question
Définition de la corruption
Dynamique sociale de la corruption
CADRE THÉORIQUE
La pragmatique de l’interactionnisme systémique de l’école de Palo Alto
Introduction au modèle de l’école de Palo Alto
L’axiomatique de la communication de l’école de Palo Alto
La communication paradoxale
La pragmatique des actes de langage
Théorie des actes de langage
L’implicite: une stratégie d’euphémisation
QUESTION ET PROPOSITION DE RECHERCHE
MÉTHODOLOGIE
Protocole de recherche
L’Afrique : une généralisation valide
Contexte de la collecte de données
La page Facebook Alerte Corruption Afrique
Méthode de collecte de données
Le discours rapporté dans le récit, sélection des données
Choix de trois corpus
Méthode d’analyse
RÉSULTATS
Présentation des résultats
Remarques préliminaires
Explication des résultats
La nature de la relation
Les injonctions paradoxales
Les discours implicites
Bilan des résultats de cette recherche
DISCUSSION ET CONCLUSION

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