La pourriture charbonneuse

La pourriture charbonneuse

La pourriture charbonneuse causée par Macrophomina phaseolina affecte le niébé à tous les stades de son développement. L’essai mené au champ pour le criblage de certaines lignées de niébé par rapport à la pourriture charbonneuse a révélé une variation entre les lignées des différents paramètres observés au cours du temps. En effet, un fort taux de levée de 70% est en moyenne noté sur les lignées criblées. Ces résultats peuvent être expliqués par une faible incidence du pathogène à ce stade permettant aux plants de se soustraire de la fonte de semis. Cette observation est en accord avec les travaux de Somda & Membres (2013), qui stipulent que Macrophomina phaseolina peut provoquer la fonte de semis avec une pourriture charbonneuse qui commence généralement sur les cotylédons avant d’envahir l’hypocotyle qui s’affaisse. De plus, au semis de l’essai, une pluviométrie de 250 mm favorable au développement des cultures et une forte humidité relative sont enregistrées au CNRA de Bambey.

Ces conditions ne sont pas en faveur de l’établissement du champignon qui préfère les climats chauds et secs (Beas-Fernández et al., 2006; Reyes-Franco et al., 2006). Les observations menées également sur cet essai ont révélé une augmentation de l’incidence et de la sévérité de la maladie au cours de la fructification et de la maturité de la plante. En effet, les conditions climatiques et le stade de développement jouent un rôle crucial dans l’établissement et l’expression du champignon Macrophomina phaseolina. Seulement une incidence moyenne de 4,77% est enregistrée au stade de la ramification, sans différence significative entre les lignées. Ce faible pourcentage de l’incidence s’explique par les conditions climatiques défavorables à la croissance du champignon. L’analyse des paramètres climatiques du milieu a révélé une forte pluviométrie de 230 mm et de basses températures à ce stade. Cependant, à la floraison, une hausse considérable de l’incidence de la pourriture charbonneuse a été observée (88,9 %). L’augmentation du pourcentage d’infection du pathogène à la floraison est exclusivement attribuée au stade de développement des lignées. Beaucoup d’études ont démontré l’importance de cette phase (floraison) dans l’expression des symptômes de la maladie.

Ainsi, selon Wyllie and Scott (1988), Short et al., (1978), MayekPérez et al., (2002) et Sarr (2015), c’est à ce stade, que les hyphes fongiques de manière intracellulaire colonisent le tissu vasculaire à travers le xylème et forment des microsclérotes qui bloquent les tissus et détruisent les cellules hôtes. A la maturité, seules quelques 10 lignées sur 153 présentent une incidence inférieure à 100%. A ce niveau, les conditions du milieu sont très propices à l’infection et au développement du champignon. Discussion 36 La sévérité de la pourriture charbonneuse est également devenue très importante au stade de la maturité (67,86%) mais avec une différence très significative notée entre les lignées. L’agressivité du champignon à la maturité peut être expliqué par le stade de développement de la plante, les conditions climatiques du milieu mais aussi et surtout par la réaction des différentes lignées par rapport à la pourriture charbonneuse. En effet, au stade de reproduction et proche de la maturité, le niveau d’infestation par M. phaseolina dans les racines et les tiges est élevé. Les plants infectés montrent alors une perte de vigueur, les feuilles chlorotiques et nécrotiques restent fixées sur la tige.

Les symptômes de la maladie s’accentuent davantage et une décoloration grise ou argentée peut être observée sur les cellules épidermiques et sousépidermiques des racines et des tiges (Ammon et al., 1974). Outre le stade de développement de la plante, les paramètres climatiques jouent un rôle essentiel dans l’expression du pathogène. La comparaison des paramètres climatiques du milieu avec la sévérité de la maladie a montré que cette forte expression du pathogène à la maturité est accompagnée par une pluviométrie très faible (vers la fin de la saison pluviale) des températures élevées oscillant entre 30 à 35°C et une humidité relative généralement faible. Ces conditions sont en effet très favorables à l’agressivité du champignon M. phaseolina. Les travaux de Paré (1988) et Ndiaye (2007) expliquent que les facteurs qui influencent l’infection et la sévérité de la pourriture charbonneuse sont d’ordre abiotique et biotique. Pour ce qui est des facteurs abiotiques, ils citent les conditions qui réduisent la vigueur de la plante telles que le faible niveau de fertilité du sol, les températures élevées, la faible humidité du sol. Selon ces mêmes auteurs, parmi les facteurs biotiques qui prédisposent les plantes à l’attaque de M. phaseolina figure le stade de développement de la plante qui est un facteur intrinsèque influençant l’établissement et l’agressivité du pathogène.

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La différence significative notée sur la sévérité entre les lignées à la maturité est liée à leur caractère de tolérance ou non à la pourriture charbonneuse. L’évaluation in vitro des extraits (poudre et solution) d’Azadirachta indica sur le champignon M. phaseolina a montré, une forte réduction de la croissance mycélienne. Ces résultats corroborent avec ceux de Dubey et al., (2009) qui ont révélé que la culture in vitro d’extraits de feuilles d’A. indica a eu un effet inhibiteur sur la croissance du champignon M. phaseolina. En effet, l’azadirachtine (principe actif) contenue dans les feuilles de neem présente des propriétés antifongiques efficaces contre le champignon. Cependant, cette efficacité est plus importante avec les extraits aqueux qu’avec la poudre de neem. Un pourcentage d’inhibition moyen de 65,03% obtenue avec la solution de neem à Discussion 37 15 % alors qu’avec la poudre de neem à 15%, le pourcentage moyen est de 57,42. La solution de neem semble donc plus efficace sur le champignon que la poudre ajoutée directement au milieu de culture. Les extraits de feuilles de Lawsonia inermis ont aussi montré une bonne efficacité sur la plupart des isolats du champignon. Une inhibition maximale de 85,7% est notée sur la croissance mycélienne sur une moyenne de 69% à la concentration de 10%. Lawsonia inermis aurait donc également une activité antifongique inhibitrice sur la croissance in vitro du champignon M. phaseolina.

Au cours des dernières décennies, une large gamme d’activités biologiques a été attribuée au henné, y compris les propriétés antifongiques (Abdellaoui et al.,). Selon Ghédira & Goetz, (2017), le henné contient majoritaire du lawsone, des terpénoïdes et des flavonoïdes très connus pour leurs effets antimicrobiens et antifongiques. Et les activités antifongiques des feuilles de henné sont dues aux effets des naphtaquinones et à la fixation des fonctions libres des acides aminés en particulier les ions thiol (-SH) expliquant que certains quinones soient inhibitrices des enzymes du champignon . La comparaison faite entre l’activité antifongique des deux extraits végétaux a révélé que le henné (L. inermis) est plus efficace sur la croissance in vitro du champignon (69%) que le neem (48,9%). Ces derniers résultats ne s’accordent pas avec ceux de Meena et al., (2014) qui affirme que pour des extraits aqueux évalués in vitro pour leur effet inhibiteur sur la croissance mycélienne de M. phaseolina, l’extrait d’A. indica a produit une inhibition maximale (63,57%) de la croissance de l’agent pathogène suivi d’extraits de feuille de L. inermis (60,17%) à la concentration de 10%. Pour tous les deux extraits, il est aussi noté que l’efficacité sur le champignon varie en fonction des isolats. Ainsi, une inhibition maximale de 84,78% est obtenue avec l’isolat 75 testé avec de la poudre de neem à 15%. Ceci pourrait être lié aux caractéristiques morphologique et biologique propres à chaque isolat du champignon.

CONCLUSION ET PERSPECTIVES

Les travaux menés dans le cadre de l’évaluation de plusieurs lignées de niébé ont permis de voir, le comportement de ces lignées par rapport à la pourriture charbonneuse due au champignon Macrophomina phaseolina. En effet, sur 153 lignées criblées par rapport à la maladie, seules 27 lignées ont pu résister à l’attaque du champignon Macrophomina phaseolina. Le choix de variétés résistantes devient ainsi peu prometteur. L’utilisation de moyens de lutte efficaces contre le pathogène semble alors être une alternative pour l’amélioration des rendements du niébé. Ainsi, l’évaluation des extraits d’Azadirachta indica et de Lawsonia inermis sur le pathogène M. phaseolina a révélé une forte inhibition de la croissance mycélienne du pathogène en culture in vitro. Cette réduction varie cependant, en fonction des isolats testés mais aussi selon la nature et la concentration de l’extrait.

L’extrait de Lawsonia inermis aurait un effet antifongique plus élevé que les extraits d’Azadirachta indica sur la croissance in vitro du champignon Macrophomina phaseolina. A l’issu de ce travail, les perspectives suivantes peuvent être dégagées :  faire le suivi des lignées ciblées comme tolérantes à la pourriture charbonneuse ;  tester l’activité antifongique des extraits d’Azadirachta indica et de Lawsonia inermis en serre puis au champ ;  analyser la composition chimique des extraits végétaux pour identifier les molécules à activité antifongique.

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