LA POLYARTHRITE RHUMATOÏDE
La polyarthrite rhumatoïde en phase d’état
La phase de début de la PR est de durée variable : quelques mois à un an ou même plus. La phase d’état s’installe progressivement. Elle comporte souvent des déformations articulaires caractéristiques qui sont cependant inconstantes : environ 30% des patients atteints de PR n’ont pas de déformation articulaire ni d’anomalie radiographique. Il existe, à la phase d’état des manifestations articulaires. Ces atteintes articulaires peuvent s’accompagner d’autres manifestations tendineuses et/ou extra-articulaires..
Manifestations articulaires
La synovite chronique et le développement du pannus sont responsables de lésions articulaires et ostéo-cartilagineuses susceptibles d’aboutir dans certains cas à la destruction de l’articulation touchée. Il faut cependant noter que les lésions articulaires peuvent s’installer même lorsqu’il n’y a pas de signe inflammatoire local. Cela est lié à la prolifération synoviale chronique secondaire à l’activation des cellules synoviocytaires. Il y a donc parfois une sorte de dissociation entre d’une part l’inflammation et d’autre part la destruction ostéocartilagineuse chronique, ce qui explique certaines constatations faites en clinique quotidienne. Le handicap, initialement lié à l’inflammation, est dans un deuxième temps dû aux lésions ostéoarticulaires. A cette phase de la maladie, la synovite chronique se traduit cliniquement par une tuméfaction articulaire avec souvent hydarthrose et un épaississement de la synoviale. L’atteinte articulaire évolue volontiers par poussées, elles-mêmes parfois déclenchées par des facteurs extérieurs (traumatisme affectif par exemple). Chaque poussée articulaire entraîne une aggravation des lésions préexistantes et souvent de nouvelles localisations articulaires apparaissent. Ainsi, dans certaines formes de PR particulièrement graves, l’évolution des poussées successives conduit à une atteinte articulaire extrêmement diffuse très invalidante ; Les déformations s’installent progressivement ; elles dépendent de la sévérité des lésions articulaires et évoluent en fonction de la gravité de l’atteinte. Initialement réversibles, elles se fixent secondairement, entraînant d’une part un handicap fonctionnel plus ou moins marqué, et d’autre part des déformations qui touchent notamment les mains où elles sont inesthétiques et très gênantes du point de vue fonctionnel. Seuls le rachis dorsal, le rachis 18 lombaire et les articulations sacro-iliaques ne sont pratiquement jamais touchés par cette maladie [73].
Les nombreuses déformations font parties des éléments du retentissement psychologique de la maladie. En effet, elles extériorisent la maladie qui demeurait, jusque-là, un vécu personnel [59]. a. Atteinte des mains L’atteinte des mains est la plus fréquente (90% des PR) et souvent la déformation inaugurale de la pathologie. Les déformations des doigts sont très variables mais souvent invalidantes [6]. – doigts en boutonnière : Il s’agit d’une hyperextension de l’interphalangienne distale et d’une flexion de l’interphalangienne proximale. – doigts en col de cygne : flexion de l’interphalangienne distale et hyperextension de l’interphalangienne proximale. – doigts en maillet : flexion de l’interphalangienne distale et rectitude de l’interphalangienne proximale. – pouce en Z : flexion de la première métacarpophalangienne et hyperextension de l’interphalangienne. – Coup de vent cubital : déviation vers le cubitus de tous les rayons de la main atteinte. – Pouce adductus : il est secondaire à une arthrite trapézo-métacarpienne. (Photo 1) 19 Photo 1: Déformations des mains dans la polyarthrite rhumatoïde [109]. b. Atteinte des poignets – Touche « piano » : luxation dorsale de la styloïde cubitale, réductible à la pression. Cette déformation peut provoquer une rupture des tendons extenseurs. – Dos de chameau : liée à une subluxation antérieure de l’articulation radiocarpienne associée à une ténosynovite des tendons extenseurs des doigts. 20 c. Atteinte des pieds [16] Les pieds sont fréquemment le siège de déformations. Peuvent être observés un pied plat valgus, un valgus calcanéen. L’avant-pied est le plus touché, avec notamment un avant-pied triangulaire, un hallux valgus ou un quintus varus. Les orteils peuvent se subluxer, et prendre un aspect en « griffe » ou en « marteau ». (Photo 2) Photo 2: Déformation des pieds dans la polyarthrite rhumatoïde [109]. d. Autres atteintes articulaires [6] Toutes les articulations du corps peuvent présenter les synovites chroniques et les érosions osseuses caractéristiques de la PR. Les articulations, autres que celles décrites précédemment, sont moins systématiquement concernées par la pathologie et leurs lésions n’entrainent que plus rarement un handicap fonctionnel important. Atteintes des genoux : Plus de la moitié des patients souffrent d’atteinte des genoux se manifestant par des épanchements articulaires et un risque de dislocation capsulo-ligamentaire et de désaxation. Une particularité des genoux polyarthritiques est l’apparition d’un kyste de Baker de taille variable, peu douloureux mais pouvant entrainer s’il est volumineux une gêne mécanique à la flexion et un œdème du membre inferieur. La principale complication de ce kyste est sa rupture spontanée. Bien que d’excellent pronostic et le plus souvent sans gravité, ces ruptures présentent un tableau clinique semblable à celui d’une phlébite de la jambe. Dans de telles circonstances, l’examen radiographique de profil est indispensable afin d’écarter la possibilité d’une rupture d’un kyste de Baker. Atteintes des épaules : Les épaules sont touchées dans au moins 60% des cas. Les lésions sont multiples et complexes. Elles concernent notamment l’articulation scapulo-humérale. Ces arthropathies de l’épaule se manifestent par une limitation douloureuse de l’amplitude articulaire évoluant, sans prise en charge, vers un enraidissement des épaules responsable d’une gêne fonctionnelle majeure. De plus ces lésions peuvent être à l’ origine de dorsalgies chroniques. Atteintes du rachis cervical : Les atteintes du rachis cervical concernent également environ 60% des patients avec toutefois une préférence pour les PR érosives et anciennes. Les principales lésions sont alors l’arthrite occipito-atloïdienne et surtout l’arthrite atloïdo-axoïdienne. L’atlas (C1) étant la première vertèbre cervicale sous l’os occipital tandis que l’axis est en deuxième position (C2). Les plus fréquentes des manifestations cliniques sont alors des cervicalgies hautes, une limitation douloureuse des mouvements de rotation et une antépulsion de la tête. Le risque principal de ces lésions est la luxation atloïdo- axoïdienne antérieure pouvant aboutir à une compression médullaire fréquemment mortelle avec signes neurologiques.
L’exploration par IRM permet d’apprécier ce risque neurologique et d’aider, si nécessaire, à la décision d’une intervention neurochirurgicale. Atteintes des coudes : Touchant près de 50% des patients, ces atteintes ne réduisent généralement pas la capacité d’extension du bras que de quelques degrés. Ce n’est qu’en cas d’arthrite sévère du coude que les mouvements seront douloureux et très limités. Atteintes des hanches : La coxite rhumatoïde est relativement rare (15% des cas) et survient souvent tardivement, une fois les autres articulations déjà très atteintes. De plus elle n’est souvent décelée qu’une fois les dégâts radiographiques de la hanche très avancés. Quand elle s’avère symptomatique, cette atteinte nécessite fréquemment une intervention chirurgicale. Atteintes des chevilles : Les atteintes des chevilles entraînent une gêne aux mouvements de flexion dorsale et plantaire du pied ainsi que des difficultés à la marche. Cependant ces atteintes ne surviennent que dans 5 à 9% des cas de PR. Les douleurs articulaires aux niveaux des chevilles sont plus souvent liées à des atteintes des pieds et particulièrement de l’articulation Talo-naviculaire. Atteintes de l’articulation temporo-mandibulaire : Bien que très fréquente (80% des patients), elle se limite dans la grande majorité à des cas de douleurs lors de la mastication. Notons qu’une discordance entre l’importance des lésions radiographiques et la rareté de la gêne fonctionnelle est fréquemment observée.
INTRODUCTION |