La politique de l’eau enjeux et principes
Afin de délimiter le cadre de cette thèse, nous préciserons d’abord en quoi la politique de l’eau constitue une politique publique, puis nous présenterons les grands axes de cette politique. Nous montrerons ensuite que la création du ministère de l’environnement, après celle des agences de l’eau, a favorisé la mise en œuvre de politiques dites « territoriales » relatives à l’aménagement et la gestion des eaux. Enfin, nous nous arrêterons sur les contrats de rivière. L’objectif étant ici de définir la nature, les buts et les procédures de ces contrats.
En quoi la politique de l’eau constitue-t-elle une politique publique ?
Qu’est-ce qu’une politique publique ?
Chacun a, intuitivement, une idée de ce que peut être une politique publique6 . Il s’agit de l’ensemble des textes législatifs et réglementaires mais aussi les déclarations (ministérielles, des partenaires sociaux, de chefs du parti majoritaire, etc.) qui concernent un secteur donné (MULLER et al., 1998). C’est un terme polysémique qui est utilisé dans des contextes très différents (MULLER, 2000, p. 23) et qui soulève de nombreuses controverses entre les analystes (MULLER et al., 1996). Les politiques publiques peuvent exister en l’absence d’une structure ministérielle spécialisée et elles sont bien souvent transversales.
L’interministérialité des politiques environnementales n’est en effet plus à démontrer (POUJADE, 1975 THEYS, 1993) ; en témoigne par exemple la création d’une commission interministérielle de l’eau en 19687 . Selon MENY et al. (1989), une politique publique est conçue et mise en œuvre par un exécutif car elle se présente sous la forme « d’un programme d’action gouvernementale dans un secteur de la société ou un espace géographique [comme] la santé, la sécurité, les travailleurs immigrés… » (MENY et al., 1989, p. 130). LARRUE (2000) préfère parler d’un « enchaînement d’activités, de décisions ou de mesures, cohérentes au moins intentionnellement, prises principalement par les acteurs du système politico-administratif d’un pays, en vue de résoudre un problème collectif.
Ces décisions donnent lieu à des actes formalisés, de nature plus ou moins coercitive, visant à modifier le comportement de groupes cibles, supposé à l’origine du problème à résoudre » (p. 20). De telles définitions soulignent l’importance du pouvoir. Elles ont l’avantage de délimiter les contours de la plupart des politiques, qu’elles soient sectorielles (agriculture, santé, transport, etc.), territoriales (relatives à telle ou telle région par exemple) ou mixtes. Elles présentent cependant l’inconvénient de ne pas nous renseigner sur la genèse sociale des politiques publiques. Or, une politique publique est également « un processus de médiation sociale, dans la mesure où l’objet de chaque politique publique est de prendre en charge les désajustements qui peuvent intervenir entre un secteur et d’autres secteurs, ou encore un secteur et la société globale » MULLER (1998, p. 24).
En définitive, selon THOENIG (1985), cinq traits caractérisent la notion de politique publique
La politique publique se distingue par un ensemble de mesures. En d’autres termes, le travail gouvernemental produit des résultats concrets, ce qu’en anglais on désigne parfois du nom d’output ou d’outcome. L’attention portée tant au contenu qu’au processus qui a conduit à sa création constitue l’une des originalités de l’étude des politiques publiques ; – elle contient des éléments de décision ou d’allocation dont la nature est imposée par les acteurs gouvernementaux à leur environnement.
Elle est une règle énoncée de façon verbale (discours) ou écrite (loi, circulaire), une prescription ou une incitation visant à guider les comportements. La coercition – dont l’autorité publique a l’exclusivité – est un facteur structurel qui sous-tend l’action gouvernementale ; – elle désigne un cadre assez général d’actions qui n’exclut pas la prise en compte de stratégies ponctuelles ou isolées.
D’autre part, toutes les politiques publiques ne sont pas fondées sur des perspectives explicitement définies ; – elle affecte, par son contenu, son impact, un certain nombre d’individus, de groupes ou d’organisations dont l’intérêt, la situation ou le comportement s’en trouvent modifiés ; – elle est normative car elle doit atteindre des objectifs pour satisfaire à des intérêt LARRUE (2000), qui se fonde sur l’approche séquentielle de JONES (1970), a exposé ce que sont, selon elle, les cinq séquences principales d’une politique publique. Une sixième séquence – la terminaison – constitue une séquence très 29 controversée pour les tenants de l’approche séquentielle eux-mêmes, recouvrant de manière ambiguë la question de l’extinction d’une politique et/ou de la réalisation des objectifs fixés (MULLER et al., 1998). L’approche séquentielle de JONES constitue une aide précieuse pour le chercheur.
Elle fournit en effet un cadre d’analyse clair et simple de l’action publique. MULLER et al. (1998) voient surtout dans cette approche une façon « de rompre avec les représentations de l’action publique construites par les élites dirigeantes, dans la mesure où elle permet de substituer une approche sociologique aux représentations juridiques qui restent dominantes dans l’univers des hauts responsables français » (p. 29). En revanche, plusieurs éléments font dire aux auteurs que la grille séquentielle présente des limites. Par exemple, le caractère non linéaire, parfois chaotique, de la politique publique éliminant certaines étapes ou les inversant, ne manque pas de perturber l’analyse.
L’analyse des politiques publiques se heurte à d’autres difficultés. Il se peut que la politique ait des effets différents ou antagonistes de ceux recherchés et influent sur le comportement d’individus ou d’organisations qui n’étaient pas visés par ses concepteurs (parmi les contributions récentes sur cette question déjà ancienne, on retient MULLER et al., 1998, CHAGNOLLAUD, 2002). Dans ce cas, la difficulté est de savoir quels sont les véritables objectifs de la politique publique (existait-il des objectifs ?) et comment distinguer la part de l’explicite (la politique affichée) et celle de l’implicite (stratégie électorale du gouvernement).
Par ailleurs, la perception – on devrait dire la représentation – chez les individus ou les organisations visés est variable d’un individu à l’autre et d’une organisation à l’autre. Une personne peut être affectée de façon contradictoire par une même politique. Par exemple, un propriétaire riverain trouve aberrant en tant qu’agriculteur de payer une taxe pour la protection de la ressource en eau alors qu’en tant que chef de famille il estime cela normal voire insuffisant.