LA POESIE ARABE DE LA PREMIERE GENERATION DES DISCIPLESDE

LA POESIE ARABE DE LA PREMIERE GENERATION DES DISCIPLESDE

Les étapes de l’appel de Cheikh Ahmadou Bamba

En 1883, à Mbacké Kadior, lorsque Serigne Touba lança son initiative réformatrice appelée plus tard le Mouridisme, le public n’était pas préparé à accepter un discours qui remet en cause l’efficacité de l’enseignement livresque pour former un citoyen modèle dans les milieux religieux. C’est la raison pour laquelle il fit face à un refus catégorique de son projet par la majorité des étudiants qui fréquentaient l’école de son père Mame Mor Anta Saly. Aussitôt après avoir terminé sa fameuse déclaration : « Ceux parmi vous qui m’ont accompagné dans le but d’acquérir la science, doivent désormais aller chercher un maître, et ceux qui veulent ce que je veux, doivent me suivre, et observer mes ordres »,60 la majeure partie des étudiants boudèrent le daara sous la pression de quelques cadres malintentionnés qui scandaient ce commentaire : « nous ne connaissons aucun chemin conduisant au paradis sauf celui de l’acquisition de la science et de l’enseignement officiel ». Et une infime minorité préféra rester accompagner le guide dans sa nouvelle méthode éducative. Avec ce petit groupe Cheikh Ahmadou Bamba commença à dérouler sa nouvelle mission d’éducation spirituelle. L’auteur de « Irwâ u-n-Nadîm » affirme avoir entendu d’une source digne de foi que Serigne Touba aurait reçu du prophète l’ordre suivant : « Donne à tes disciples une éducation spirituelle et ne leur donne pas une éducation livresque ».62 La ferveur religieuse dans laquelle l’initiateur de la nouvelle doctrine entrainait ses compagnons, consistait en une gymnastique faite d’austérité, de faim, de labeur fréquent, d’invocations, de déclamation des poèmes, du maintien de la pureté rituelle, de l’isolement et de se tenir à l’écart des femmes.63 Comme vous le constatez, ces exercices nécessitent un effort supplémentaire à l’acquisition des connaissances théoriques. Ils exigent un encadrement très rapproché de la part de l’éducateur. C’est ce qui explique la nouveauté dans la démarche de Khadimou Rassoul qui voulût inculquer à ses disciples la sincérité ou le dévouement  total à Dieu, dévouement qui transparaît dans leurs gestes, leurs paroles, leurs croyances et leurs états manifestes et cachés. 64 Ces qualités ne sauraient être acquises par l’enseignement seulement « car la tâche de l’enseignant se limite à l’explication des textes. Ensuite au disciple de s’évertuer à vivre en conformité avec les connaissances transmises par l’enseignant. Il peut réussir ou échouer dans son entreprise. L’enseignant ne peut lui être d’aucune utilité ici».65 Contrairement à l’éducateur spirituel qui s’efforce d’orienter et d’encadrer le disciple en lui imposant une série d’obligations le disposant à s’instruire, à instruire, à servir et à pratiquer toutes les actions de bienfaisance « les éducateurs tiennent à rendre le disciple conscient de ses propres défauts. Afin de l’inciter à s’en purifier».66 Emprunter cette dure voie de labeur spirituel, requiert une évolution progressive très réfléchie de la part du guide spirituel et de ses disciples. D’où la nécessité d’aborder les principales étapes de l’appel au mouvement du mouridisme. Il s’agira dans cette partie d’évoquer ces temps forts « pour y insérer quelques éléments caractéristiques, susceptibles de révéler l’ambiance dans laquelle se déroulèrent les phases de cette existence, et l’état d’esprit qui pouvait être celui du Cheikh et de ses contemporains ».67 Il est évident que cet aperçu pourra nous aider à mieux comprendre l’œuvre et la personnalité de Cheikh Ahmadou Bamba qui ont constitué la principale source d’inspiration des poètes mourides. En définitive, nous pouvons constater que les grandes étapes de l’appel au Mouridisme sont les suivantes :  1- L’étape de fondation. Cette phase s’étend du lancement de l’appel en 1883 à la fondation de Darou Salam en 1886. Elle visait apparemment l’istallation des pures pratiques soufies chez les compagons du guide de la nouvelle doctrine mouride. Deux grands faits marquent les péripéties de cette étape : la consolidation des acquis et les actes de représailles contre ses disciples. Sans nul doute, en voulant opérer un changement qualitatif dans sa société, Cheikh Ahmadou Bamba sentit la nécessité de mieux approfondir ses connaissances et ses pratiques religieuses, en allant s’abreuver aux sources authentiques du patrimoine mystique. Plusieurs périples furent effectués par Serigne Touba à l’intérieur comme à l’extérieur du territoire sénégalais, du Saloum au Walo, en passant par le Baol. Il est allé à la quête de références soufies authentifiées, en suivant la trace des élites des écoles soufies classiques. Un voyage le conduit en Mauritanie où il rencontra une bonne partie des chefs religieux appartenant aux différentes confréries. Il a même réussi à recevoir de leurs mains les licences des Wirds qu’il gardait jalousement. C’est dans ce cadre que Cheikh Ahmadou Bamba a testé le wird shdhalite pendant huit ans, et celui tijànite un peu plus long.68 A côté des Wird reçus et utilisés, il se mit à étudier les ouvrages collectés au cours de ses différents périples, avec « un soin assidu, un engagement réel et une intention sincère…ainsi s’accrurent son attachement exclusif à Dieu le Très Haut et son éloignement des créatures ».69 Tout en s’efforçant à consolider ses acquis, Serigne Touba tenait à entretenir ses compagnons, à les encadrer dans un élan de rigueur et de ferveur religieuse sans faille, ce qui n’était pas forcément du goût des autres communautés socio -religieuses. C’est pourquoi les premières années de la naissance du Mouridisme furent émaillées de troubles et d’échauffourées entre les mourides et les populations appartenant à d’autres communautés religieuses ou même faisant partie des sujets des rois traditionnels. Cheikh Mouhamadou Lamine Diop  Serigne Mouhammadou Lamine Diop Dagana jouait à côté de Serigne Touba, le rôle de secrétaire particulier. Né en 1887 à Dagana où il a été initié au coran plusieurs maîtres coraniques, avant de rejoindre son maître spirituel Cheikh Ahmadou Bamba qui séjournait à la Mauritanie. Dès son arrivée à Koumak, il fut confié à Serigne Mor Mbacké Touré pour mieux apprendre les sciences islamiques et littéraires. Il acheva son cursus académique à Thiéyene Diolof auprès de Serigne Mouhammadou Lamine 30 leurs biens, enchaînés, battus, expulsés de leurs propres maisons dans le but de les disperser, n’en furent que plus fermes. Comme si les violentes réactions de leurs adversaires exacerbèrent leur volonté de suivre leur guide ». Et Paul Marty de mieux préciser les conséquences nées de la guerre psychologique contre les mourides « les familles réclament leurs enfants, les chefs indigènes se plaignent ». Devant la complexité d’une telle situation, le guide savait bien galvaniser ses troupes. Il leur tenait ce discours : « les compagnons du prophète subirent une plus grande persécution. Massacres, pillages et expulsions ne les détournèrent pas de leurs objectifs…ne savez-vous pas que ces hommes sont vos ancêtres dans la religion».73 2-L’étape de la construction : Cette étape couvre la période de Darou Salam et une partie de celle de Touba. En effet, après quelques années d’incompréhension, de violence et d’agitations tout azimut contre les compagnons de Serigne Touba, une période d’accalmie relative s’en est suivie particulièrement à partir de la fondation du village et centre d’éducation Darou Salam en 1886. L’installation du Cheikh dans cette localité totalement isolée de ses adversaires lui a permis de mieux repenser son projet de réforme. La première condition qui lui garantit le succès, c’est de trouver un environnement propice à l’épanouissement de sa vision, loin de l’influence négative de la société traditionnelle. C’est dans un tel contexte qu’il fonda Darou Salam74 en 1886. 75 Un nouveau chapitre s’ouvre dans l’histoire du Mouridisme, la vie sourit pour la première fois aux disciples de Cheikh Ahmadou Bamba. Car pendant l’année que le Cheikh a passée dans le village de Darou Salam, « ses disciples observaient une conduite irréprochable, leur solidarité se renforçait et leur nombre ne cessait d’accroitre. Les groupes de visiteurs se succédaient chez lui et des biens affluaient Bara Gaye Khary Fall, de Serigne Mouhammadou Lamine Bara Gaye Faty Mbodj et Serigne Mouhammadou Lamine Gaye. A Diourbel, le Cheikh lui confiait d’importantes missions liées à la consolidation des savoirs. Il a su profiter de sa proximité avec lui pour écrire au moins six ouvrages portant sur sa biographie dont le fameux traité « Irwâ-un-Nadîm » une des sources les plus fiables de la biographie de Serigne Touba. Ce grand serviteur du Mouridisme est disparu en 1968.  – Une cité religieuse qui se situe à l’est de la commune de Mbacké Baol.  vers lui comme une pluie ».Cette situation favorable a encouragé l’extension de l’environnement de l’appel. Et Touba fut fondé en 1887. En effet, la fondation de la ville sainte de Touba, marque un saut qualitatif dans la marche du système de réforme mis en en place par Serigne Touba. Elle offrait une sorte de bouffée d’oxygène à la communauté mouride et à son guide spirituel. Cette opportunité a été savamment exploitée par Cheikh Ahmadou Bamba pour concevoir et mettre en application une théorie de « Cité Idéale » dont les grands traits se lisent à travers son fameux poème « Mațlabu-l Fawzayni » où sont traitées, entre autres, des questions relatives à l’éducation, à la science, à la défense, à la sécurité, à la production et à l’environnement physique et moral.L’auteur de « Minanu-l Bȃqi-l Qadîm » nous plonge dans la géographie physique du village de Touba en 1887, en affirmant que cet endroit était « situé au milieu d’un désert sans eau, donc sans culture, qui ne pouvait être atteint qu’à grandpeine et qu’on n’habitait qu’avec la volonté de se détacher des hommes ».78 Malgré l’environnement physique peu enviable de cette localité, le guide de la communauté mouride se sentait à l’aise avec ses disciples qui se sont donnés à fonds pour le développement intégré de la cité idéale de Touba, en connivence avec son fondateur qui mesurait à leur juste valeur Touba et Darou Salam qui lui étaient chers. « Il disait à leur propos : la raison pour laquelle je les aime plus que les autres villages, réside dans la sincérité de l’intention qui m’a inspiré de les construire. En effet je n’y suis pas venu pour suivre les traces d’un ancêtre, ni pour chercher un site propice à l’agriculture, ni pour découvrir un pâturage. Mais je m’y suis installé uniquement pour l’adoration de Dieu l’Unique… ».79 Cette volonté clairement affichée d’adoration exclusive de Dieu a été matérialisée grâce à un système performant d’éducation spirituelle et sociale qui a permis un accès équitable aux fruits de l’éducation, une croissance démographique accélérée, et une extension mesurée du périmètre urbanisé de Touba. L’auteur de « Irwâ-u-n Nadîm » résume les paramètres de ce développement lorsqu’il dit : « seul Dieu l’omniscient sait les détails de sa vie intime à cette époque et de ses rapports avec son seigneur et des différents aspects de l’éducation et de l’enseignement qu’il donnait à ses disciples, et ses  relations avec les dignitaires religieux marquées par des tiraillements à cause … de la conversion de leurs propres disciples à sa voie, ainsi que ses disputes avec les souverains et leurs ministres qui voyaient en lui une menace sérieuse à leur pouvoir ».80 Quelques faits marquants retiennent notre attention à la période Touba : A-L’extension du réseau des centres d’éducation spirituelle et sociale tels que Dâru-l Minan, Dâru-r Rahmane et Dâru-l Quddȗs81 ; B-Le processus d’autonomisation des grands disciples entamé peu avant la fondation de Darou Salam, fut largement poursuivi à Touba. C- Une nouvelle réalité sociologique est née à Touba qui ne milite pas en faveur du système éducatif conçu pour former les jeunes mourides. En effet, une grande partie des dignitaires du mouridisme se sont mariés et ont installé leurs familles à Touba. Cette cohabitation entre les familles et les Talibés n’a pas été du goût de Cheikh Ahmadou Bamba qui commença aussitôt à concevoir des solutions alternatives ; 3- L’étape de l’indépendance vis-à-vis des confréries. L’an1311H/1894 marque un tournant décisif dans la vie spirituelle de Cheikh Ahmadou Bamba. En effet c’est à partir de cette date qu’il a opéré une rupture fondamentale dans ses rapports avec la hiérarchie spirituelle préétablie entre le disciple qu’il était, et les maîtres spirituels des confréries de qui il s’inspirait dans sa marche résolue vers le perfectionnement. Désormais le Cheikh est directement connecté à la source du prophète Mouhammad. « Au lieu de se servir des moyens (les cheikhs), il avait finalement utilisé le meilleur et le premier moyen, à savoir le seigneur de l’existence (Mouhammad) à qui il a formellement prêté serment, et l’a isolé des autres moyens ». Pour officialiser sa nouvelle orientation spirituelle, il composa un long poème dont chaque vers débute par une des lettres de l’alphabet. En substance, il déclare :  « Par un service, je prête serment aujourd’hui au Messager, l’Elu et demande à Dieu de m’aider à rester fidèle ». « Je m’engage devant Dieu à prendre le livre tout en servant l’Elu, la porte de la vérité ». « Le Messager de la miséricorde est le plus digne de toutes les créatures de mes services rendus en poésie et en prose ».83 Faisant allusion à ses anciens guides spirituels des différentes obédiences confrériques et dans un langage fortement imagé, il précisa : « Le lever d’un soleil m’a empêché de regarder les étoiles et la lune du ciel ».84 Malgré ce changement de paradigme sur le plan spirituel, Serigne Touba vouait un profond respect aux guides religieux dont il a pratiqué les Wird. Mieux il les considérait comme des maîtres spirituels : « Mes Maîtres spirituels sont : notre seigneur Al- Jîlânî ainsi que Aṡ-Ṡâḍalî et At- Tijjânî ».85 L’on se rappelle que, peu avant de porter définitivement son choix spirituel sur le Prophète, Cheikh Ahmadou Bamba se prenait pour un fervent disciple de la « Qâdriyya ». Ainsi il composa un poème dédié à Cheikh Abdu-l Qâdir Al-Jîlânî, dans le quel poème, il prêta serment, et jura fidélité, engagement et servitude au fondateur de la confrérie Qâdrite.86 Quoi qu’il en soit, le Cheikh respecta son pacte d’allégeance à son désormais patron hiérarchique direct qui est le Prophète Mouhammad (P.S.L). Désormais, il est choisi pour porter le titre de Khadimur-Rassul ou le Serviteur du Prophète. Le nouveau bail conclu avec le prophète fut rythmé par des faits marquants :  L’abandon par Cheikh Ahmadou Bamba des Wird soufis. En effet, 1311H /1893 marque une date repère de l’histoire du Mouridisme. C’est à cette date que le Cheikh décida de mettre un terme à l’utilisation des Wird qu’il pratiquait en tant qu’adepte de certaines confréries de la place. Dorénavant, il  ne dépendra plus que du prophète Mouhammad ; il s’est libéré de tous les intermédiaires et fut spirituellement autonome.  L’accroissement de son désir ardent d’effectuer le pèlerinage à la Mecque et de rendre visite au prophète Mouhammad (P.S.L). On dirait même que Cheikh Ahmadou Bamba comptait séjourner définitivement dans le voisinage des deux saintes mosquées de la Mecque et de Médine. Selon Cheikh Mouhammadou Lamine Diop, le Cheikh avait déjà entamé les tractations pour effectuer le périple sacré du pèlerinage. Il en a parlé à un mauritanien du nom de Muḥammad Ibnu Hamad Al- Abhumî en ces termes : « veux-tu te rendre aux deux lieux saints ? Oui ! Certainement ! Qui pourrait m’en donner la possibilité ? Rétorque le mauritanien. Vas rejoindre ta famille et reviens m’accompagner à la fin de l’année ! dit Cheikh Ahmadou Bamba. Je m’en suis allé, dit le maure, pour régler mes affaires et celles de ma famille et brusquement survinrent les troubles qui ont abouti à la déportation d’Ahmadou Bamba.87 De cette entreprise avortée Cheikh Ahmadou Bamba dit en 1311H : -49 وهو الذي عيق جسمي عن زيارته لكن لساني له كالقلب زوار 49- C’est lui (le prophète) dont je suis physiquement bloqué pour lui rendre visite, toutefois, ma langue et mon cœur lui rendent visite fréquemment ».88 A-la restructuration de son système éducatif pour prendre en charge cette évolution de taille. Ainsi, tout au début de l’année 1895, prenant acte d’un certain dysfonctionnement du service de l’éducation et de la formation, né de la cohabitation entre les étudiants et les familles des disciples établies à Touba. Il prit la décision de nommer Cheikh Abdou Rahmane Lo comme chargé de l’enseignement coranique et Mame Thierno Birahim comme chargé de l’enseignement et de la formation académiques. Il transféra en avril 1895 tout le service de l’éducation à Mbacké Bari au Jolof avec un effectif estimé par un chercheur à 500 talibés.89 87 – Diop, Cheikh Mouhammadou Lamine Dagana, op.cit, p.91. 88 – Mbacké, Cheikh Ahmadou Bamba, Dîwânu Sa’âdât Al-Murîdîn, op.cit, p.3. 89- Cf. Marty, Paul, op.cit, p.226. 35 B- Le lancement d’un nouveau programme d’enseignement et d’éducation articulé autour de la revitalisation du modèle comportemental de la génération des compagnons du prophète. Son fameux poème plus connu sous le nom de « ḤUQQA ».90 comporte les grandes lignes de cette nouvelle trajectoire résolument engagée par la communauté mouride. Dans ce poème, l’auteur retrace la méthode éducative efficacement pratiquée par les contemporains de Mouhammad P.S.L « ce beau poème est, en fait, un panégyrique des maîtres sûfis imitateurs du prophète (paix et salut sur lui), les quels demeurent les prototypes de ces grands disparus et sont d’ailleurs, en réalité, visés par l’allusion de la question ».91 « En d’autres termes, le Cheikh ne faisait que décrire sa propre personne, ses frères en la foi, et ses disciples qui étaient alors avec lui à Touba en l’an 1311H après son attachement définitif à l’Elu le Messager ». 92 Donc, en décrivant la méthode des prédécesseurs, le Cheikh déclina le programme qu’il voulait mettre en œuvre au profit de sa nouvelle communauté religieuse, après son attachement exclusif au prophète. Outre le fait que la nouvelle tournure idéologique d’Ahmadou Bamba provoqua l’incompréhension d’une certaine classe confrérique, l’on constate que ce fut l’opportunité saisie par l’autorité coloniale pour engager les hostilités contre le guide de la confrérie mouride. 

L’étape de la confrontation avec les autorités coloniales.

Les historiens du mouridisme affirment que l’installation du Cheikh au Diolof date d’Avril 1895. Pour justifier le déplacement du Cheikh vers le Diolof, Cheikh Mouhammadou Lamine Diop, dans son traité « Irwâ-u-n Nadîm»,93 citant Cheikh Mbacké Bousso convoque, entre autres, des raisons sociologiques défavorables aux conditions d’études et de formation des Talibés. La cohabitation entre les étudiants et les familles des grands disciples était devenue insupportable aux yeux de Cheikh Ahmadou Bamba ; car elle constituait une entrave à l’objectif de fondation du centre éducatif de  Touba. Par conséquent, le guide des mourides consulta son disciple de cousin, en l’occurrence Cheikh Mbacké Bousso à propos de la fondation d’un autre centre « où il pourrait maintenir la séparation établie entre, d’une part, les deux principaux groupes de ses disciples : les étudiants et le les travailleurs et d’autre part, entre ceux parmi le premier groupe qui apprenaient le Coran et ceux qui apprenaient les sciences pour permettre à chaque groupe de se consacrer à son activité propre ».94 Ce texte prouve que le déplacement vers Diolof était motivé par des soucis de l’organisation de l’administration scolaire mise en place à Touba. Contrairement à cette affirmation , Paul Marty présente une autre version des faits pour expliquer le mobile de l’installation de Serigne Touba au Diolof, en évoquant un ensemble de raisons et de circonstances politiques liées à la mort du Tègne du Baol, au démembrement du Baol, et au désir d’Amadou Bamba de ne pas rester inactif.96 Quelle que soit la version validée, les colons suivirent la thèse qui condamna le guide de la Mouridiyyah, conformément aux soupçons qui les animaient depuis belles lurettes. Rappelons que bien avant son développement fulgurant, peu après sa fondation, Touba avait attiré l’attention des autorités coloniales. Selon Paul Marty, c’est vers la fin de l’année 1888 « que pour la première fois l’administration commence à s’inquiéter de ce mouvement naissant ».97 A peine installés à Mbacké Bary dans le Diolof en Avril 1895, les Talibés de Serigne Touba commencèrent à le rejoindre venant de divers horizons. A ce propos, Serigne Bassirou Mbacké dit : « les hommes se tournèrent vers lui et les chefs de tout village briguèrent son amitié, et des mourides, des cheikhs et des princes vinrent lui rendre visite ». 98 Ce mouvement extraordinaire attisa la jalousie des chefs traditionnels de la localité qui tenaient coûte que coûte à se débarrasser des mourides par la calomnie, les soupçons et les mensonges auprès des autorités coloniales99, qui « à force de les  entendre répétés par des hommes qui prétendaient être leurs agents et collaborateurs, ces mensonges finirent par créer des soupçons chez les français ».100 Force est de signaler que l’administration coloniale n’entretenait pas jusqu’ici de relations directes avec le Cheikh ; elle ne l’avait connu qu’à travers des intermédiaires qui l’assimilaient à des prédécesseurs considérés comme des guerriers de la foi, à l’instar d’Elhadji Oumar Tall,101 de Maba Diakhou Ba102 ou encore d’Ahmadou Cheikhou Ba.103 C’est dans un tel contexte que furent décrétées par les colons l’arrestation de Cheikh Ahmadou Bamba le 10 Aout 1895, puis sa déportation le 5 Septembre de la même année. Il passa sept ans d’exil au Gabon, puis il retourna dans sons pays en Novembre 1902. Quelques mois plus tard, en Juin 1903, un autre exil cette fois ci en Mauritanie fut imposé à Serigne Touba ; suite à de fausses accusations de préparer une guerre sainte contre les colons. Après quatre ans de séjour en Mauritanie, il obtint une autorisation de revenir au Sénégal en 1907. En résidence surveillée, il s’établit à Thiéyene Diolof de 1907 à 1912, l’année à laquelle il est autorisé à séjourner en résidence surveillée à Diourbel où il passa le reste de sa vie jusqu’à 1927 l’année de sa disparition. Malgré les préjudices subis pendant cette dure épreuve de confrontation qui a duré trente-deux(32) ans, Serigne Touba, n’a jamais négligé sa mission principale de réforme morale et d’éducation spirituelle de ses Talibés.

Table des matières

1- Définition de la confrérie mouride. 2- les fondements de la confrérie
mouride. 3- les étapes de l’appel mouride. 4- la première génération des disciples de Cheikh Ahmadou Bamba et leur attachement à la culture et à la littérature arabes
Première partie : la poésie arabe mouride : fondements et architecture.
Chapitre 1 : les racines de la poésie arabe dans le milieu mouride
I- Définition de la poésie arabe
II- genèse de la poésie mouride
III- évolution et sources
Chapitre 2. Les expériences poétiques chez les premiers mourides
I- définition de l’expérience poétique
II- Les types d’expérience poétique
Chapitre 3. L’architecture de la poésie mouride
I- La structure du poème
II- Le lexique poétique
III- La musicalité
Deuxième partie : les thématiques de la poésie chez la première génération des disciplines mourides
Chapitre 1. Les thématiques classiques
I- La poésie panégyrique
II- la poésie de l’élégie
III- la poésie érotique
Chapitre 2. Les thématiques à caractère rénové
I- la description
II- la poésie d’imploration
III- le pastiche et la compétition poétique
Chapitre 3. La poésie didactique
I- La tendance scientifique
II- La tendance littéraire
III- La tendance moraliste
Troisième partie : la rhétorique dans la poésie de la première génération des mourides
Chapitre 1 : Les figures tropiques
I- La comparaison.(At-Taṡbîh)
II- La métaphore. (Al-Isti’âra)
III- La métonymie/synecdoque (Al-Majâz al-Mursal)
IV-la périphrase (Al-Kinâya)
Chapitre 2 : les valeurs syntaxiques
I- La dimension figurée de la parole déclarative
II- La corroboration du discours
III- Les variations du sujet (Al-Musnad Ilayhi)
IV-Les variations du prédicat (Al-Musnad)
Chapitre 3 : les figures d’ornement
I- Les figures de mots
II- Les figures de pensée

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