LA PLACE DE L’OBLIGATION DE FAIRE OU DE NE PAS FAIRE
L’exception.- « Tout acte où l’on supposerait spontanément une part au moins d’altruisme est par essence suspect : L’auteur ne peut être animé que par son propre intérêt ou, si celui-ci n’est pas clairement décelable, par d’autres visées alors plus tortueuses, et à la limite par la folie »..Tout acte positif ou négatif est, dans ce sens, prémédité donc la sanction doit être la même pour tous. Le devoir de rattacher l’article 1134 du code civil à l’exécution forcée en nature a pour effet, l’instauration de la hiérarchie des sanctions, à son sommet l’exécution forcée en nature des contrats. Car, « Chaque partie est supposée rationnelle, le cocontractant agit par intérêt et pour son propre intérêt ».581 Dans le cas d’une inexécution contractuelle d’obligation de faire, le créancier en principe, selon l’article 1142 du code civil, ne peut demander que des dommages et intérêts. L’incidence de la force obligatoire du contrat, influence en quelque sorte, la décision judiciaire (§1). Sa liberté d’appréciation permet de prévenir un recours à la justice privée .
L’INCIDENCE DISCRÉTE DE LA FORCE OBLIGATOIRE DU CONTRAT SUR LES DÉCISIONS DU JUGE
L’influence.- Si on se réfère aux termes des articles 1143 et 1144 du code civil français, on trouve que le principe selon lequel les obligations de faire ou de ne pas faire se résolvent par des dommages et intérêts, n’est pas sans appel. En effet, l’article dispose que : « En cas d’inexécution d’engagement, le juge pourra, compte tenu des stipulations de l’article précédent, autoriser celui au profit duquel l’engagement est fait, à accomplir l’acte aux frais du débiteur ».582 La condamnation à l’exécution forcée en nature, repose sur plusieurs principes découlant des règles de la loi et de la jurisprudence. L’instauration d’une sorte de dialogue entre les articles du code civil et la jurisprudence reste un peu difficile (A). Cependant, pour une grande coordination avec les articles du même code, une relecture de l’article 1142 est indispensable (B). Condition.- L’obligation pour qu’elle soit passible d’une condamnation à l’exécution forcée, doit être exécutable, autrement dit, matériellement possible et sans contrainte sur la personne. La jurisprudence s’est, pendant très longtemps, refusée d’admettre l’influence de la force obligatoire sur la condamnation à l’exécution forcée en nature, de tout type d’obligation contractuelle et a continué à ne pas ordonner l’exécution forcée en nature des obligations de faire ou de ne pas faire, avant de connaitre un revirement (1). On distingue en droit positif français trois types d’obligations : Obligation de donner (dare du droit romain), de faire (facere) ou de ne pas faire (non facere). Cette distinction est très contestée par la doctrine française.583 L’exécution des obligations de donner, ne pose pas de problèmes. La difficulté s’emble se poser par l’exécution des obligations de faire ou de ne pas faire(2).
L’EXÉCUTION FORCÉE EN NATURE DES OBLIGATIONS DE FAIRE OU DE NE PAS FAIRE
Définition.- La doctrine a essayé de mettre en place une définition claire de l’obligation de faire ou de ne pas faire. Une partie la définit comme « La prestation d’un fait positif que le débiteur promet d’accomplir ».584 L’exécution de l’obligation de faire ou de ne pas faire pose toujours un problème. La jurisprudence est restée très longtemps hésitante et a pendant plusieurs années appliquée l’article 1142 du code civil à la lettre. Elle n’a pas voulu condamner un débiteur défaillant à l’exécution forcée en nature des obligations de faire ou de ne pas faire, en s’appuyant sur l’arrêt de la chambre civile de la Cour de cassation du 4 juin 1924 ou sur l’arrêt du 19 janvier 1926. En l’espèce, le juge avait rejeté une proposition d’indemnisation faite par le débiteur après avoir causé des avaries à des objets matériels ; la Cour avait affirmé que « Le juge ne peut rejeter l’offre d’indemnité faite par les responsables [des avaries] et le condamner à exécuter, à ses frais, les réparations ».585 410. La révolution jurisprudentielle.- L’arrêt de la chambre civile de la Cour de cassation du 20 janvier 1953, constitue le point de changement et une évolution jurisprudentielle. En l’espèce, un créancier a demandé à son débiteur la restitution des objets matériels comme il a été prévu dans le contrat. Cependant, le débiteur refuse de restituer les objets. Il estime que l’obligation de restitution constitue une obligation de faire et cela se règle par des dommages et intérêts comme le prévoit l’article 1142 du code civil qui stipule que : « Toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout par des dommages et intérêts, en cas d’inexécution de la part du débiteur » ; la Cour a rejeté les arguments du débiteur et affirme que « Ce texte ne peut trouver application qu’en cas d’inexécution d’une obligation personnelle de faire ou de ne pas faire … que dès lors que le texte visé au pourvoi sans application dans la cause et qu’en jugeant qu’une restitution par équivalent d’objets de même nature pouvant se trouver dans le commerce sera le meilleur mode de réparation du préjudice, la cour d’appel n’a fait qu’user de son pouvoir souverain d’appréciation ».586 Il est donc clair que, hormis les obligations de caractère personnel, situation dans laquelle l’exécution forcée en nature est prohibée, toutes les autres obligations peuvent se résoudre ou bien par l’exécution forcée en nature ou par des dommages et intérêts, selon le cas.