La place de l’industrialisation dans les grandes théories de l’évolution économique

Le développement économique est la finalité de toute stratégie de lutte contre la pauvreté. Es que l’industrialisation est une bonne voie vers le développement économique ? Ou bien le développement économique passe-il nécessairement par l’industrialisation ? En tout cas, le concept développement est connu à partir de l’Angleterre, aux pays voisins de l’Europe puis aux Etats-Unis, Canada, Australie et vers le reste du monde (Amérique Latine, Extrême Orient, Asie). Ceci grâce au phénomène d’industrialisation. L’histoire économique mondiale montre que le développement d’une nation est tributaire du dynamisme de son secteur industriel. Les pays développés ont connu un processus d’industrialisation très poussée tandis que certains Pays en Développement qui ont pu accéder au rang des pays à revenu moyen le sont grâce aux efforts de développement industriel.

Les Pays les Moins avancés, qui sont également les plus pauvres du monde, sont caractérisés par la prédominance de l’économie de subsistance et un niveau faible d’industrialisation. En effet, il y a une corrélation positive entre l’industrialisation et le développement économique. Nombreux sont les avantages apportés par l’industrialisation, ceci est vérifié par l’expérience des pays précités. L’industrialisation représente des investissements, et dans ce sens elle est d’une part une source de croissance économique, condition préalable au développement, et d’autre part elle permet de créer beaucoup plus d’emplois, un moyen efficace de lutte contre la pauvreté. L’industrialisation est souvent accompagnée de progrès technique (innovation, techniques modernes de productions, produits nouveaux,…) qui permet au pays d’accroître son niveau de productivité et de compétitivité, de moderniser et de diversifier son économie. En outre, les activités industrielles exercent des effets de liaison et d’entraînement sur les autres secteurs de l’économie, conduisant à la hausse de revenu. Ainsi, des transformations structurelles telles que le développement du salariat, la classe moyenne, l’urbanisation, les échanges monétaires et l’amélioration du bien être auront lieu grâce à l’industrialisation.

La place de l’industrialisation dans les grandes théories de l’évolution économique

Théorie du décollage de W. W. Rostow : « Rôle de l’industrie motrice » 

Rostow a mis en exergue le rôle de l’industrialisation dans son ouvrage « Les étapes de la croissance économique ». Il a tenté de « dégager les caractéristiques uniformes de la modernisation des sociétés ». Selon lui, les sociétés parcourent au cours de leur développement cinq différentes étapes :

1ère étape : la société traditionnelle agricole, qui est caractérisée par la part essentielle du secteur agricole de subsistance, un système de valeur fondé sur le fatalisme, l’importance de l’organisme familiale, des connaissances fondées sur la tradition et la routine, caractérisé par la faiblesse de l’épargne.

2ème étape : les conditions préalables au décollage : elles sont essentiellement l’évolution des idées et des comportements, le développement de l’éducation, l’augmentation du taux d’épargne et d’investissement, la diffusion des techniques de production nouvelles, le développement des infrastructures et l’amélioration du cadre juridique assuré par un Etat centralisé, et enfin le développement du système bancaire, du commerce et l’apparition des entrepreneurs.

3ème étape : le décollage ou take-off, c’est la période pendant laquelle les anciens blocages et résistances au changement sont vaincus. Le taux d’investissement passe à 10% du revenu national. Des élites créent des industries, diffusent des techniques, modifient l’organisation économique et sociale en un sens plus favorable à la croissance.

4ème étape : la marche vers la maturité : phase où le taux d’investissement s’élève à 20% et le progrès se généralise à toute la société.

5ème étape : la société de consommation de masse, dans cette dernière phase, les besoins fondamentaux sont satisfaits pour toute la population, tandis qu’une classe moyenne nombreuse accède à la consommation des biens durables et atteint un niveau de vie élevé .

Le rôle de l’industrialisation est apparu pendant la phase de Take-off. En effet, durant la deuxième étape, c’est-à-dire «les conditions préalables au décollage » la société connaît des profondes mutations dans les trois secteurs non industriels, à savoir l’agriculture, les transports, et le commerce extérieur. Dans cette étape, Rostow souligne le rôle plus important dévolu au secteur agricole qui par les gains de productivité qu’il enregistre permet de nourrir une population croissante, assure les exportations nécessaires à l’équilibre des échanges extérieurs et autorise la réunion des conditions nécessaires au développement industriel sus citées. Ces conditions étant réunies, l’industrialisation se produisit et le pays se trouve dans la troisième étape qu’est le « décollage économique» ou « take off ». C’est la phase du développement industriel et le rôle qu’y jouent les industries motrices est primordial, selon Rostow.

En effet, les industries motrices ont des effets industrialisants. Elles sont susceptibles d’entraîner l’apparition d’industries d’amont et d’aval. Ces secteurs qui croissent beaucoup plus vite que l’économie dans son ensemble et constituent des facteurs de dynamisme pour le reste de l’économie. Ces industries pourront être stimulées dans leur croissance par le développement du commerce extérieur ou encore par la substitution de la production nationale aux importations.

Thèse de « Destruction Créatrice » de Joseph Schumpeter

Ne partageant pas la vision de Rostow, l’approche de Joseph Schumpeter à l’évolution économique est tout à fait différente. Selon lui l’innovation joue un rôle majeur dans la rupture d’un Etat stationnaire. Et le processus de développement est caractérisé par des successions des ruptures d’une société vieillie et par la naissance d’une nouvelle société. Il qualifie ce processus de « destruction créatrice». Cette notion propre à Schumpeter a pour objectif de qualifier d’une manière générale les innovations. Dans son modèle, Joseph Schumpeter souligne que sans innovation, l’économie est stationnaire. Le circuit économique est alors fermé. Ces innovations se manifestent par la fabrication de biens nouveaux, des nouvelles méthodes de production, l’ouverture d’un nouveau débouché, l’utilisation de nouvelles matières premières et la réalisation d’une nouvelle organisation du travail. Ce sont donc des conditions nécessaires au développement industriel. Selon lui, la destruction créatrice est un processus de mutation industrielle qui révolutionne incessamment de l’intérieur la structure économique, en détruisant continuellement ses éléments vieillis et en créant continuellement des éléments neufs . L’industrie est un vecteur d’innovation et cette dernière est à l’origine du développement industriel. Il y a alors une relation de renforcement mutuelle entre l’industrialisation et l’innovation.

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La  » destruction créatrice  » permet la croissance grâce à l’investissement qui en résulte et surtout génère l’évolution du capitalisme, elle génère des déséquilibres et en créer de nouveaux. Il y a tout d’abord, une véritable rupture technologique avec le processus de production précédent et il faut d’autre part que ce développement d’industries nouvelles puissent déclencher une vague secondaire d’essor caractérisée par la diffusion de pouvoir d’achat dans l’économie ce qui revient à une augmentation de la demande. Les anciennes entreprises deviennent obsolètes et sont évincées. Les innovations arrivent par grappes ou essaims et se généralisent par diffusion entraînant le circuit économique dans une évolution cyclique. En effet le phénomène de grappe va induire une hausse de l’investissement productif qui va lui-même engendrer une augmentation de la production et aboutir à la création de nouveaux emplois. La réussite d’autres entrepreneurs incite d’autres entrepreneurs à innover. Des innovations dans certains secteurs peuvent donner naissance à d’autres innovations dans d’autres branches .

Modèle de changement structurel d’Arthur Lewis

Dans son premier modèle, Lewis analyse « l’économie duale » des pays en développement. Son modèle comprend deux secteurs : le secteur capitaliste et le secteur traditionnel. Le premier est composé du secteur primaire qui emploie la plus grande partie de la population, qui inclut l’agriculture traditionnelle et les activités informelles urbaines, ceci est orienté vers la subsistance. Le second regroupe le secteur secondaire orienté vers l’économie de marché et de l’environnement industriel.

Lewis affirme que dans le secteur de subsistance (ou traditionnel), le salaire est très faible et déterminé par le produit moyen du travail. De plus, ce secteur dispose un surplus de main d’œuvre dont la productivité marginale est à peu prés égale à zéro. Il résulte que cet excédent de main d’œuvre correspond au chômage déguisé et qui devrait être absorbé par le secteur capitaliste. Lewis qualifie cette situation « d’offre illimitée de main d’œuvre ». Cependant, les travailleurs du secteur traditionnel ne sont pas disponibles pour les empois du secteur capitaliste (emplois industriels) à un salaire égal é leur productivité. Ainsi, selon Lewis, le salaire dans le secteur capitaliste doit être légèrement supérieur pour inciter la main d’œuvre à changer de secteur. Le processus de développement commence quand le secteur capitaliste réinvesti son surplus et absorbe progressivement la main d’œuvre du secteur traditionnel.

Lors de la phase initiale de développement, l’offre de travail dans le secteur capitaliste excède la demande de travail. Le niveau des salaires peut donc rester faible et stable durant une période assez longue au cours de laquelle s’effectue ce transfert de travailleurs. Il en résulte des profits élevés et donc, une épargne et une accumulation du capital dont dépend le développement économique. Cette phase s’achève quand le surplus de travail a été absorbé et que les salaires augmentent.

Table des matières

INTRODUCTION GÉNÉRALE
PARTIE I : DÉBAT THÉORIQUE SUR L’INDUSTRIALISATION
Chapitre 1 : La place de l’industrialisation dans les grandes théories de l’évolution économique
1- Théorie du décollage de W. W. Rostow : « Rôle de l’industrie motrice »
2- Thèse de « Destruction Créatrice » de Joseph Schumpeter
3- Modèle de changement structurel d’Arthur Lewis
4- Théorie des avantages comparatifs : « la spécialisation industrielle »
CONCLUSION
Chapitre 2 : Approches théoriques sur les stratégies d’industrialisation
1- Les stratégies de croissance
2- Les stratégies d’insertion internationale
3- Les facteurs de réussite de l’industrialisation
CONCLUSION
PARTIE II : L’INDUSTRIALISATION EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE : CAS DE MADAGASCAR
Chapitre 1 : Situation industrielle de l’Afrique Subsaharienne
1- Stratégie d’industrialisation de l’ASS
2- L’industrialisation de l’ASS face à la mondialisation : Retard et marginalisation
3- Développement récent du tissu industriel en ASS
Synthèse
CONCLUSION
Chapitre 2 : Situation industrielle de Madagascar
1- Histoire industrielle de Madagascar
2- Période d’Ajustement structurel
3- Période du DSRP au MAP
4- Modèle de Baumol appliqué à l’économie malgache
5- Récapitulatifs des problèmes du secteur industriel malgache
6- Stratégies de renforcement du secteur industriel
CONCLUSION GÉNÉRALE
ANNEXES
BIBLIOGRAPHIE

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