DE LA VICTIME
La reconnaissance de la victime est en effet un phénomène à la fois juridique et social. Si elle fut longtemps celle qui subit le drame qui la fois touche, passive face son destin, la victime, quelle qu’elle soit (d’un acte de délinquance mais également des catastrophes, des scandales sanitaires…), est progressivement devenue un personnage actif de sa situation, souhaitant agir, comprendre et obtenir réparation, au point que Guillaume ERNER a pu parler de l’émergence d’une « société des victimes », selon cet auteur la victime est devenue au sein de la société contemporaine une catégorie sociale à part entière, représentée et même valorisée. Son avis n’est pas isolé, d’autres auteurs constatent l’apparition d’un « culte de la victime » et « d’une victimisation des relations sociales », La situation des victimes est-elle, ainsi que ces auteurs s’affirment, si enviable de victime et tenter d’en proposer une définition.
Le champ de la victimisation revêt une extrême diversité, avec d’un côté les grandes catastrophes collectives et de l’autre la délinquance quotidienne, allant des atteintes physiques graves aux incivilités. On peut être victime d’un scandale sanitaire, d’un crime contre l’humanité, d’un accident de la route. La notion de victime revêt également un caractère extrêmement subjectif puisque pour être victime il faut en effet en tout premier lieu se considérer comme tel.
Pour le victimologue Robert CARIO doit être considéré comme une victime « toute personne en souffrance, dès lors que cette souffrance est personnelle, réelle et socialement reconnue comme inacceptable » ; la victime est ainsi celle qui souffre injustement. Légaliste la notion de victime est plus technique, exigeant l’existence d’un préjudice spécifique et d’un texte de loi. Il faut tout d’abord noter que le droit pénal français ne donne pas définition de la victime. Le code de procédure pénale ne définit que l’action ivile en précisant que celle-ci ne peut être exercée que par la personne ayant « personnellement souffert du dommage causé par l’infraction ».
UNE PARTIE DOTEE DE DROITS SPECIFIQUES
L’évolution législative a été traversée par deux mouvements, premier imposant aux différents acteurs du processus judiciaire de prendre en compte la victime en leur assignant des obligations visant à assurer à cette dernière un véritable droit à influence sur la tenue et le déroulement du procès en lui attribuant un droit à l’action.
UN DROIT A LA CONSIDERATION
L’obligation de considérer la victime, de la respecter, de l’accompagner, a été imposée et promue par le législateur, lequel a soumis les différents acteurs du service de la justice mais également les médias à des obligations particulières. La considération de la victime signifie de reconnaitre en elle cette qualité ainsi que sa légitimité à intervenir dans le processus judiciaire. En d’autres termes, « être reconnu veut dire être considéré face à l’autre ou l’autre face à nous comme un être libre, méritant le respect, capable de réponse. Exister comme un être humain, c’est offrir et exiger ce respect. C’est là l’essentiel du lien social » .
La loi du 15 juin 2000 a imposé aux différents organes médiatiques de respecter la dignité de la victime en interdisant la diffusion de la reproduction des circonstances d’un crime ou d’un délit en cas d’atteinte grave à sa dignité ainsi que celle de renseignements concernant l’identité ou l’image d’un plaignant victime d’agressions ou d’atteintes sexuelles. Mais la considération de la victime s’impose tout particulièrement aux différents agents qui concourent au service public de la justice, elle leur enjoint de l’informer tant de ses droits que de l’état de la procédure qui concerne, de répondre à son besoin d’écoute et de lui assurer la compensation de la souffrance résultant la commission de l’infraction.
LE DROIT D’ETRE INFORME
Le rapport Lienemann, regrettant l’ignorance dans laquelle est trop souvent laissée la victime une fois le dépôt de sa plainte, affirmait que « l’information délivrée aux victimes constitue un des fondements de l’accompagnement qui doit leur être offert». Le mouvement d’accompagnement s’est alors engagé à partir de la loi du 15 juin 2000 qui affirme, dans un article préliminaire au code de procédure pénale, que l’autorité judiciaire garantit l’information des victimes. En effet, l’effectivité des droits qui lui ont été plus ou moins récemment accordés dépend de l’information qu’on lui a donnée afin qu’elle puisse pleinement les exercer. De nombreuses dispositions du code de procédure pénale furent ainsi modifiées ou ajoutées au fil des réformes afin d’assurer cette information aux différents stades de la procédure et par les différents acteurs que rencontra la victime au cours de son parcours judiciaire. Ainsi, tant les magistrats, du parquet ou du siège, que les agents de police sont soumis par la loi à l’obligation de prendre en considération la victime en lui apportant les renseignements nécessaires relatifs à l’état de son affaire et aux droits dont elle dispose.
L’INFORMATION SUR LES DROITS DE LA VICTIME
Les officiers et agents de police ont l’obligation d’informer les victimes de leur droit « d’obtenir réparation du préjudice subi et d’être aidées par un service relevant d’une ou plusieurs collectivités publiques ou une association conventionnée d’aide aux victimes ». Ainsi, les agents doivent désormais informer la victime des différentes options procédurales qui s’ouvrent à elle : se constituer partie civile lorsque l’action publique a déjà été mise en mouvement par le procureur, citer directement l’infracteur devant la juridiction compétente ou porter plainte devant le doyen des juges d’instruction. La victime doit également être informée de son droit d’être assistée par un avocat et de saisir la commission d’indemnisation des victimes d’infractions. Cette dernière information est particulièrement importante puisqu’elle intervient dès le premier contact de la victime avec un représentant de l’Etat au stade de l’enquête, ce qui lui permettra, si elle le souhaite, de mettre en route la procédure d’indemnisation au plus tôt, bien avant. Auparavant cette information n’était en effet délivrée qu’au stade de jugement par la juridiction qui le rendait, lorsqu’elle condamnait l’infracteur.
Le devoir d’information s’impose également au juge d’instruction, lequel doit avertir la victime d’une infraction de l’ouverture d’une procédure mais également de son droit de se constituer partie civile et des modalités d’exercice de ce droit. Forte de cette information, la victime pourra alors choisir de devenir ou non partie à la procédure. Si la loi du 15 juin 2000 n’avait pas retenu l’obligation de l’informer de son droit d’être assistée par un avocat, malgré une proposition en ce sens des sénateurs.
L’INFORMATION SUR L’AVANCER DE LA PROCEDURE
En application de la loi, le procureur de la République est tenu d’informer les victimes, lorsque celle-ci sont identifiées, des poursuites ou des mesures alternatives, qui ont été décidées à la suite de leur plaine ou de leur signalement. L’information exigée par le législateur est encore plus poussée lorsque le procureur décide de prendre une décision de classement sans suite. Dans ce cas, au regard de la frustration et de l’incompréhension que peut susciter chez la victime une telle décision, le magistrat doit non seulement transmettre à la victime le contenu de sa décision mais également lui indiqué les raisons juridiques ou d’opportunités qui la justifient. La loi systématise également les pratiques déjà mise en œuvre dans les parquets en imposant au procureur d’avertir la victime de la date d’audience en cas de convocation par procès-verbal ou de comparution immédiate.
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