La pensée informative et la pensée représentative

Les représentations individuelles et collectives

L’origine des concepts de représentations individuelles et collectives provient du sociologue Emile Durkheim qui fut, en 1898, le premier à s’exprimer sur ces domaines (Moscovici, 2011). Par la suite, au début des années 60, ses théories furent reprises par Moscovici lors de la rédaction de la thèse de ce dernier, afin d’élaborer un nouveau concept, les représentations sociales (Moscovici, 2003). Le concept des représentations sociales ne sera que survolé dans ce travail, puisque la recherche réalisée ne permet pas de mesurer le débat que les étudiants pourraient avoir autour du concept des neuromythes. De plus, l’objet de débat ne se centrerait alors pas, sur le fonctionnement du cerveau, mais plutôt sur le sentiment d’efficacité personnelle des étudiants à l’égard de l’enfant face à l’apprentissage. Selon Durkheim (1898), que ce soit la vie mentale ou la vie collective, toutes deux sont faites de représentations, que celles-ci soient individuelles ou sociales. Dans ce travail, ce sont les représentations ou croyances individuelles et les représentations ou croyances collectives des étudiants qui seront abordées. D’après Durkheim (1898), c’est par l’observation que les phénomènes nommés représentations se révèlent. T

outefois, comme le mentionnent Apostolidis, Duveen, et Kalampalikis (2002), les représentations individuelles ou collectives sont diffuses et parfois difficiles à déceler, puisqu’elles n’auraient pas d’objet spécifique. Pour ce qui est à proprement parler des représentations collectives, celles-ci rencontrent nos représentations individuelles passées pour en former des nouvelles et peuvent agir les unes sur les autres. Les représentations collectives dérivent et débordent des représentations individuelles et sont produites par les actions et réactions plus ou moins définies d’un groupe d’individus. Ces dernières peuvent également engendrer de nouvelles croyances individuelles ou des représentations sociales, car elles sont un préambule continu au sein d’une communauté (Kalampalakis, 2002). Toutefois, ces représentations ne peuvent devenir individuelles « sans être retouchées, modifiées et, par conséquent faussées » (Durkheim, 1960, p. 622). En outre, les croyances collectives sont plus faciles à déceler que les croyances individuelles, notamment en ce qui a trait aux phénomènes de la vie collective (e.g. croyance et pratique religieuse et règles de la morale ; Durkheim, 1960).

De plus, elles ont leurs propres caractéristiques et leur contenu leur est propre. En effet, elles sont le produit d’une collaboration où un certain nombre d’individus ont permis la création de ces entités (Durkheim, 1960), mais où la foi et la confiance ont un certain poids, puisqu’elles permettent l’adhésion à une idéologie (Jodelet, 2002). Durkheim (1960) mentionne aussi que les croyances collectives sont plus stables que les croyances individuelles, car alors que l’individu est sensible au changement, les croyances collectives ne peuvent être modifiées que par un évènement suffisamment grave pour bouleverser un ensemble de position. Ce dernier explicite son propos par l’exemple des représentations religieuses. Selon lui, celles-ci sont des représentations collectives qui sont à la fois, l’expression de réalités collectives, et à la fois, des produits de la pensée collective. Les représentations ou croyances religieuses vont exprimer la nature des éléments sacrés, mais aussi leur histoire et leurs rapports avec le profane. Les croyances seraient donc l’expression d’une adhérence individuelle ou collective à un objet et permettraient de donner réponse à un questionnement (Jodelet, 2002).

En outre, les croyances de tout ordre vont être communes à un groupe déterminé qui y adhère et accepte d’observer les rites et les règles de la croyance. En effet, elles seront les piliers des pratiques communes à un groupe (Kalampalikis, 2002). D’ailleurs, Jodelet (2002) rappelle que la « spécificité de la croyance renvoie à des aspects culturels, symboliques, économiques dans les échanges sociaux ». De plus, selon Apostolidis et al. (2002), c’est le pouvoir de la croyance qui va engendrer la force nécessaire à nos réalités de se constituer et de se lier les unes aux autres. Comme cela fut précédemment dit, les croyances contrairement aux représentations sociales sont plus diffuses et ne s’intéressent pas à un objet spécifique. Elles seraient des champs constituants des représentations sociales et fourniraient « un arrière-fond culturel des significations partagées » (Apostoldis et al., 2002, p. 10). En effet, les représentations collectives sont des choses sociales produites par la pensée collective, mais ne deviendraient sociales notamment que lorsqu’elles sont partagées et négociées (Kalampalikis, 2002).

La communication

La pensée représentative peut être renforcée par les canaux de communication existants. Selon Moscovici (1976), il existe trois systèmes de communication qui sont à la base de la formation des représentations sociales (Clémence, 2002), à savoir la diffusion, la propagation et la propagande. La diffusion vise la communication à grande échelle, sans se soucier des groupes ou des individus qu’elle atteint. Ainsi, l’objet n’est traité que de manière générale et l’information se voudrait neutre et objective, mais perdrait de par son aspect général des informations capitales qui constituent le savoir scientifique (Bonardi & Roussiau, 1999). De plus, les auteurs sont récipiendaires d’informations provenant directement des spécialistes (Doise, 2003). Dès lors, dans ce type de communication, tous les thèmes peuvent être abordés et il n’y a pas de prise de position de la part de l’auteur. Ce moyen de communication aurait peu d’impact sur l’opinion des gens (Bonardi & Roussiau, 1999 ; Rouquette, 2011). La propagation, contrairement à la diffusion, souhaite atteindre un groupe d’individu en particulier et est donc proche de leurs questionnements et intérêts. Aussi, elle va aborder les deux aspects d’un problème. On peut la comparer à une diffusion spécialisée et contrôlée qui souhaite toutefois mener le groupe à une certaine forme de connaissance (Bonardi & Roussiau, 1999 ; Rouquette, 2011). Selon Bonardi et Roussiau (2001), les informations qui seront transmises au groupe social sont le début d’une représentation. En effet, il s’agira d’une vision du monde ayant sa propre organisation où d’autres savoirs sont introduits et réorganisés pour correspondre au modèle établi (Doise, 2003).

La propagande, elle, est une communication qui se développe particulièrement dans des rapports conflictuels (Doise, 2003). Ici, les positions sont poussées à l’extrême et sont puissantes. Il s’agit plus clairement de prendre position pour ou contre un objet donné. On la connaît notamment par son utilité dans le monde politique, mais elle permet aussi de valider une certaine vision du monde et son partage dans un groupe. Aussi, il s’agit du mode qui permet le mieux de révéler les représentations (Rouquette, 2011). Lorsqu’une représentation est diffusée par cette voie de communication, elle s’imposera comme vraie pour l’ensemble du groupe social et le guidera (Bonardi & Roussiau, 1999). A ces trois modes de communication, il faut encore ajouter le concept des rumeurs qui est une forme spécifique de la communication de masse (Rouquette, 2011).

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En effet, en plus de diffuser, elle fabrique des informations. Ce mode est construit par un groupe d’individus qui en plus de partager les objets communiqués, trouvera écho auprès des récepteurs. Rouquette (2011) mentionne aussi qu’elles peuvent agir sur la réalité après un certain temps. Ce dernier évoque également le lien qui peut exister entre les rumeurs et les médias qui, bien malgré eux, peuvent transmettre des informations erronées et, par là même, manquer de contrôle sur les effets que cela pourrait avoir sur la population. Comme le mentionne Rouquette (2011), la communication de masse et les représentations sont intimement liées puisqu’elles agissent l’une sur l’autre donc, les représentations sont créées ou influencées par la communication de masse, et inversement. Dès lors, les représentations utilisent la communication de masse pour faire valoir leur point de vue et proposer une image constituante d’une réalité partagée (Capozza, Robusto, & Busetto, 1999), puisque celles-ci sont « des prises de position de nature différente, même si parfois des repères communs peuvent être utilisés » (Doise, 1989, p. 227).

Utilisation partielle du cerveau Un des mythes les plus répandus est l’utilisation partielle du cerveau. En effet, Dekker et al. (2012) soulignent que près de la moitié des participants ont mentionné croire qu’ils n’utilisaient que 10% de leur cerveau. Selon divers auteurs, les origines de ce mythe demeurent « obscures » (Baillargeon 2013 ; Beyerstein, 2004 ; Geake, 2008 ; Lilienfeld, Lynn, Ruscio, & Beyerstein, 2009 ; Radford, 1999). Si l’on accorde souvent ce mythe à un discours tenu par Albert Einstein lors d’une conférence tout public, et dont il ne reste aucune trace écrite, il semblerait que William James ait lui aussi avancé dans une conférence, la légende que nous n’utilisons que très partiellement notre « potentiel intellectuel » (sans pour autant mentionner un quelconque pourcentage), et qui se serait transformée en mythe tel que nous le connaissons désormais (Baillargeon 2013 ; Beyerstein, 2004 ; Geake, 2008 ; Lilienfeld et al. 2009 ; Radford, 1999).

Aussi, Geake (2008) mentionne la propagation de publicités faisant état du 10% dans les années 40 qui auraient elles aussi, pu reprendre cette légende. Ces publicités vantaient l’utilité de produits ménagers qui seraient fort utiles du fait que les personnes manquaient d’intelligence. D’après les propos de Baillargeon (2013), le fait « pseudo-scientifique » principal qui explique les raisons de cette légende est que le chercheur Karl Lashley pensait qu’une zone dans le cerveau nommée « silent cortex » ne servait à aucune fonction, ce qui fut démenti par la suite. En effet, il a pu être démontré que toutes les zones du cerveau sont en interaction constante. De plus, cette zone a depuis changé de nom et se nomme désormais « le cortex d’association et aurait une importance vitale pour notre langue, la pensée abstraite et l’exécution de tâches sensori-motrices1 » (Lilienfeld et al., 2009, p. 24). En outre, selon Radford (1999), « l’attrait le plus puissant du mythe est probablement l’idée que nous pourrions développer les capacités psychiques, ou au moins à avoir une longueur d’avance sur la concurrence en améliorant notre mémoire ou notre concentration »2 (p. 2).

Table des matières

Table des matières
Liste des figures
Liste des tableaux
Remerciements
1 Introduction
1.1 Les représentations
1.1.1 Les représentations individuelles et collectives
1.1.1.1 Les mythes
1.1.3 Entre science et sens commun
1.1.3.1 La pensée informative et la pensée représentative
1.1.3.2 La communication
1.1.4 Brève conclusion intermédiaire
1.2 Les neuromythes
1.2.1 Utilisation partielle du cerveau
1.2.2 Cerveau gauche/ cerveau droit ou la préférence hémisphérique
1.2.2.1 Latéralisation du langage
1.2.2.2 Les systèmes croisés moteur et visuel
1.2.2.3 Les patients split brain
1.2.2.4 Le neuromythe de la préférence hémisphérique
1.2.3 Auditif/Visuel/Kinesthésique ou les 71 learning styles
1.2.4 La méthode Doman-­‐Delacato
1.2.5 Brain Gym
1.3 But de l étude
2 Méthodologie
2.1 Les participants
2.1.1 Les populations suisses et québécoises
2.1.3 Les répondants
2.1.3.1 Formation
2.1.3.2 Age des participants
2.2 L instrument de collecte de données -­ Outils
2.3 Traitement des données
3 Résultats
3.1 Croyances à l égard des neuromythes
3.1.1 Moyennes et ANOVAs pour les dimensions et les variables pays et formation
3.1.1.1 Les croyances liées aux VAK
3.1.1.2 Les croyances liées au cerveau gauche/droit
3.2 Durant mes études, j ai appris
3.2.1 Item 10.1 : « Durant mes études, j ai appris que le fonctionnement cérébral des élèves peut être visuel, auditif et kinesthésique
3.2.2 Item 10.2 : « Durant mes études, j ai appris que certains élèves sont plutôt «cerveau gauche, d autres cerveau droit »
3.3 Données signalétiques et croyances
3.4 Source des croyances par les habitudes et les expériences
3.4.1 Les croyances liées aux VAK
3.4.2. Les croyances liées au cerveau gauche et droit
3.4.3 Les étudiants en enseignement spécialisé et l item 9.6 : « J ai suivi un cours en neurosciences lors de ma formation en enseignement
4 Discussion
4.1 Rappel des résultats
4.2 Les neuromythes
4.2.1 Les croyances liées au Brain Gym® et les fausses croyances générales
4.2.2 Les croyances liées aux VAK
4.2..3 Les croyances liées au cerveau gauche/droit
4.3 Les neuromythes et les habitudes et expériences des étudiants
4.3.1 Discussion générale
4.3.2 Les croyances liées aux VAK
4.3.3 Les croyances liées au cerveau gauche/droit
4.4 Questions et hypothèses de recherche
4.5 Le besoin d une formation en neurosciences
5 Conclusion
6 Bibliographie
7 Annexes
7.1 Questionnaire proposé aux étudiants
7.2 Appendice
9 Résumé

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