La pensée historique de Saint Augustin à travers « La cite de dieu »

L’explication du terme « La cité de Dieu »

Déjà à Carthage, Augustin s’éveillait à l’amour de la sagesse. Sa lecture de Cicéron l’y aidait, et devint son orientation pour son professorat. Pourtant, sur un autre angle, l’anthromorphisme biblique heurta ses exigences rationnelles. Le christianisme de sa jeunesse lui apparaît comme une religion « bonne pour les simples ». Ce ne fut qu’à trente trois ans, déçu du manichéisme*, et grâce à sa rencontre avec Ambroise, Evêque de Milan, qu’il accéda à une intelligence de la foi chrétienne. Augustin reconnaissait ses fautes. Aussi confessa-t-il ses erreurs : « Mon péché, c’était de chercher les plaisirs, les grandeurs, les vérités, non en lui, mais dans les créatures, en moi et chez les autres » .
Aveu d’un transformé qui cherchait dans la sagesse païenne la vraie vérité qui aurait fondé son existence et qui désormais prenait une nouvelle orientation.

Le combat spirituel

L’illumination divine : Dans les Confessions, Augustin racontait son retour à soi, muni de nouveaux outils intellectuels par rapport à la foi de son enfance. Dans le jardin de Milan, alors qu’il médita en compagnie de son ami Alypius, il entendit un enfant chanter « Tolle ! lege ! », « Prends et lis » Cette voix qui retentit aux oreilles d’Augustin, pénétra en lui pour changer radicalement sa manière de se situer par rapport à la vérité qu’il ne cessait de chercher. La conversion marqua pour Augustin le retour à soi même, perçue comme l’effet d’une grâce. Désormais, ce qu’il découvre, c’est la paix de l’âme.
« C’est qu’il faut plutôt croire, c’est que la nature de l’âme intellectuelle est ainsi faite que, soumise aux réalités intelligibles selon un ordre naturel, elle les voit dans une sorte de lumière de même nature qu’elle, à la façon dont l’œil de chair voit ce qui l’entoure dans la lumière corporelle, adapté et conforme à celle de sa création ».
Pour Augustin, la paix de l’homme prend sa source dans la possession de la vérité, dans le dépassement de l’être fini moyennant, un retour à soi afin d’y trouver la lumière et la vérité. La connaissance de soi est inséparable de la quête de la vérité.
La conversion : La trentième année d’Augustin constitue le tournant de sa vie, une étape décisive pour son don de soi à Dieu.
« Laissons ces vanités, ces bagatelles, donnons-nous à la seule recherche de la vérité ». Il abandonna sans regret les biens terrestres et s’orienta vers l’essentiel. De là, il acquit l’unité stable de sa vie intérieure et participa ainsi à l’éternelle stabilité de l’être. Tel est l’effet du bien suprême auquel Augustin parvint. Tel fut aussi l’arrière-fond qui motiva le désir de la cité de Dieu, cité mystique proposé à l’universalité des hommes qui veulent reconnaître Dieu, et veulent vivre sous sa loi.

Les premières grandes convictions d’Augustin

La découverte de Dieu : L’œuvre d’Augustin est une lecture, une saisie, une compréhension de texte de l’Ecriture.
Elle est une nécessité à la lumière d’une intelligence divine. La préoccupation principale d’Augustin est de rendre intelligible la foi chrétienne. Il va prendre en compte les données principales comme : – la tradition juive, – le détour par la philosophie à laquelle il empruntera les concepts opératoires essentiels pour sa lecture et sa saisie de la vérité. Toutefois, chez lui, la pensée elle-même n’est qu’un détour sans cesse référé à l’Indicible qu’est Dieu. Il affirme et confesse :
« Mais moi, sans doute, j’affirmais, je croyais fermement que vous êtes incorruptible, inaltérable, absolument immuable, ô vous, notre Seigneur, Dieu vrai, qui avez fait non seulement nos âmes, tous les êtres et toutes les choses. »
Cette conviction l’avait encouragé à persévérer dans sa longue recherche. Sa définition de l’être est évidence. Le génie augustinien réside dans l’alliance inédite qu’il a opérée, entre la donnée chrétienne inspirée par la foi, et la donnée païenne, inspirée par la raison.
La découverte de la sagesse chrétienne : La méthode philosophique d’Augustin est basée sur la liaison entre les deux réalités qui vont toujours de pair. D’où la maxime qui lui est chère : « Il faut croire pour comprendre et comprendre pour croire ».
Cela signifie que la foi révèle l’existence évidente de Dieu et la raison justifie cette existence par des preuves concrètes : la création par exemple. De cette thèse, Augustin tire une bonne méthode allant à double sens : réfléchir sur Dieu en partant du monde, et réfléchir sur le monde en partant de Dieu.

Expérience de la décadence

La responsabilité d’Augustin : Comprendre l’histoire d’une pensée, c’est aussi comprendre de référents historiques : social, politique et culturel, qui entoure cette pensée. L’œuvre d’Augustin porte l’empreinte de son époque. D’abord il y a l’Afrique de son enfance : une Afrique paisible jusqu’à l’invasion des Vandales. C’est dans cette Afrique relativement en paix, que l’enfance et l’adolescence d’Augustin prennent racine. L’éducation de sa mère contribuait d’une manière constante à éveiller en lui sa passion de la vérité, quête qui s’avérait inassouvie.
Ensuite, Saint Augustin voyagea, s’informa, vit les réalités politiques de l’Empire. A Rome, il se rendra compte que cette fameuse soi-disant « cité éternelle » est une cité corrompue, laminée par les guerres, d’abord étrangères mais ensuite civiles. Elle finit par chuter, lorsque prise et pillée par Alaric en 410. Quelle souffrance pour Augustin de faire le constat amer d’une ruine aussi inouïe, mais souvent mal interprétée par ses contemporains ! A. Fourgerat, dans son introduction de La cité de Dieu a bien exprimé l’affliction d’Augustin en ces termes :
« Le cœur partagé d’Augustin s’y révèle : sa sensibilité de Romain qui souffre du scandale de tous, de l’effondrement de cette capitale, tête et centre de la civilisation et de l’ordre latin. Et d’autre part, ses convictions chrétiennes renforcées de toute haute conscience de sa mission épiscopale ne sauraient admettre qu’on rende responsables de la catastrophe d’abandon des faux dieux du paganisme et la conversion de la ville et de l’Empire, au seul vrai Dieu »
Dès lors, pour Augustin, la question du bien, de maux et de leur mélange dans le monde et le problème de la providence, se trouvent posés par ce cas de conscience sociale, voire politique.

La religion chrétienne éprouvée

La cité de Dieu est d’abord une œuvre apologétique, visant à éclairer les esprits qui pensaient que Rome aurait été victime de l’abandon des divinités traditionnelles de l’empire romain qui venait d’adopter la religion chrétienne religion de l’Etat. Accusation fort probable car effectivement, depuis l’Edit de Constantin en 380, le christianisme devint une religion officielle et l’Empereur, devenu chrétien, l’imposait pour l’ensemble de l’Empire. Il faut dire que la mentalité du IVème siècle, tout comme toute la mentalité primitive, ne pouvait se contenter d’apprécier les évènements et les choses, tant qu’elles ne comprennent pas leur « pourquoi » et leur raison profonde. Aussi, les contemporains d’Augustin se posaient-il les questions : pourquoi la ruine de Rome ?, pourquoi cela eut- il lieu au moment de la conversion de l’Empire, n’est- elle pas le signe que la nouvelle religion n’était pas efficace ?
Au fond, ce fut l’image même de Dieu qui était en jeu. Qui est ce Dieu, incapable de protéger sa ville, en laissant les barbares s’emparer de ses lieux saints, de sa cité éternelle.
Nous mesurons ainsi l’enjeu des objections auxquelles Augustin dut faire face. Il chercha à convaincre les citoyens romains de l’impuissance de dieux anthropomorphiques. Il tenta d’y répondre en écrivant ce livre à visée apologétique. Il exhorta, argumenta, et fit appel aux Romains pour avoir la conscience des situations.
« Elève tes désirs, âme romaine… tu possédais la gloire, la vraie religion manquait à ton choix. Prends ton essor vers la liberté » .
L’existence de l’antinomie, aux yeux d’Augustin n’est pas nécessairement une raison de remettre en doute la bonté de Dieu. Il fallait une conscience claire, un esprit illuminé. D’où les efforts déployés par Augustin pour dénoncer la fausseté du paganisme et l’illusion qu’il recelait. Pour lui, seul le bien des chrétiens est le vrai bien, le reste c’est de l’idolâtrie qu’il faut dénoncer à titre de mensonge.

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
PREMIERE PARTIE  : CHEMINEMENT DE VIE D’AUGUSTIN ET SES SOURCES  PHILOSOPHIQUES
PREMIER CHAPITRE : REPERES ESSENTIELS DE LA VIE D’AUGUSTIN 
I-1 Enfance et jeunesse 
I-1.1 Enfance
I-1.2 Jeunesse
I-1.3 L’explication du terme « La cité de Dieu »
I-2 Le combat spirituel 
I-2.1 L’illumination divine
I-2.2 La conversion
I-3 Les premières grandes convictions d’Augustin 
I-3.1 La découverte de Dieu
I-3.2 La découverte de la sagesse chrétienne
DEUXIEME CHAPITRE : SAINT AUGUSTIN ET LA CITE ROMAINE
II-1 Expérience de la décadence 
II-1.1 La responsabilité d’Augustin
II-1.2 La destruction de la cité romaine
II-2 Reproche des païens 
II-2.1 L’origine de maux de Rome
II-2.2 La religion chrétienne éprouvée
II-2.3 Dévalorisation de la sagesse païenne
II-3 Les réponses d’Augustin 
II-3.1 Expérience de la présence de Dieu
II-3.2 La ruine de Rome s’explique par le refus de la vérité
II-3.3 La politique comme recherche de la paix chez Augustin
TROISIEME CHAPITRE : LES RAPPORTS D’INFLUENCES COMME SOURCES PHILOSOPHIQUES D’AUGUSTIN
III-1 Les sources philosophiques grecques 
III-1.1 Les sources philosophiques grecques : Platon et Plotin
III-1.2 L’idée de l’Un de Plotin comme source du christianisme
III-2 Le manichéisme 
III-2.1 L’attribut de Dieu comme Créateur
III-2.2 La coexistence du bien et du mal
III-3 Les influences chrétiennes 
III-3.1 L’éducation familiale
III-3.2 La vie de professorat à Milan et sa rencontre avec Ambroise
DEUXIEME PARTIE : SAINT AUGUSTIN ET LA PENSEE DE DEUX CITES 
Introduction de la deuxième partie 
PREMIER CHAPITRE : PRESENTATION STRUCTURELLE DE LA CITE DE DIEU 
I-1 Compréhension générale 
I-1.1 Description de Rome où La cité de Dieu est née
I-1.2 La naissance de La Cité de Dieu
I-1.3 Explication du terme « La cité de Dieu »
I-2 Inventaire des éléments 
I-2.1 L’achèvement de l’ouvrage
I-2.2 Première partie : Les livres I-X
I-2.3 Deuxième partie : Les Livres XI-XXII
I-3- La méthode augustinienne de réappropriation des éléments philosophiques
I-3.1 La recherche de la vérité à partir du réel
I-3.2 La voie de la charité dans l’expression de l’amour
I-3.3 La voie de l’humilité ou l’homme est passionné de la vérité
DEUXIEME CHAPITRE: ANALYSE DE LA PENSEE D’AUGUSTIN DANS LES DEUX CITES
II-1- La cité terrestre 
II-1.1 La cité terrestre, cité du mal
II-1.2 La cité terrestre, cité de l’amour de soi
II-2 La cité céleste 
II-2.1 La cité céleste, lieu de la justice et du bonheur
II-2.2 La cité céleste, vraie destinée de l’homme
II-3 La coexistence et le conflit permanents des deux cités 
II-3.1 Genèse des deux cités
II-3.2 La contradiction et la complémentarité de deux cités
II-3.3 La notion de la liberté dans la pensée augustinienne
TROISIEME CHAPITRE : VALEUR DES DEUX CITES 
III-1 Valeur anthropologique 
III-1.1 La connaissance de soi
III-1.2 La connaissance de Dieu
III-2 Valeur philosophique 
III-2.1 L’essence de l’existence
III-2.2 La découverte de la vérité
III-3 Valeurs éthiques 
III-3.1 Incarnation de la volonté bonne et droite
III-3.2 La découverte des vertus morales
TROISIEME PARTIE : LIRE AUGUSTIN AUJOURD’HUI 
INTRODUCTION DE LA TROISIEME PARTIE 
PREMIER CHAPITRE : COMMENT AUGUSTIN CONCILIE-T- IL LES DEUX CITES DANS SA CONCEPTION DU TEMPS 
I-1 La conception augustinienne du temps
I-1.1 La définition du temps
I-1.2 Le rôle de l’esprit dans la conscience du temps
I-1.3 Le passage du passé et du futur vers le présent
I-2 Le temps et la raison de la cité terrestre
I-2.1 Le temps permet à l’homme de comprendre sa vie
I-2.2 La vie passée est le fondement de la vie future
I-3 Le temps et la foi dans la cité céleste 
I-3.1 Le temps permet d’aspirer au bonheur
I-3.2 Le temps permet de mémoriser le passé et de contempler l’avenir
DEUXIEME CHAPITRE : AUGUSTIN COMME REFERENCE DE LA PENSEE CONTEMPORAINE 
II-1 Présence d’Augustin dans l’histoire de la philosophie 
II-1.1 Reconnaissance de ses contemporains
II-1.2 Des héritiers contemporains
II-1.3 Des influences actuelles
II-2 Augustin comme existentialiste avant la lettre 
II-2.1 La naissance de l’existentialisme
II-2.2 La pensée de l’individualité
II-2.3 Augustin, comme fondateur de la philosophie de l’existence
II-3 Augustin, homme de notre époque 
II-3.1 Vladimir Jankélévitch et la conscience du temps
II-3.2 Marcel NEUSCH
TROISIEME CHAPITRE : EVALUATION CRITIQUE SUR LA PENSEE DES DEUX CITES D’AUGUSTIN 
III-1 Augustin, un passionné du vrai amour, de la vérité et de la liberté 
III-1.1 Augustin, un passionné du vrai amour
III-1.2 Augustin, un passionné de la vérité
III-1.3 Augustin, un passionné de la liberté
III-2 La coprésence des deux cités en soi, dans la société et dans le monde
III-2.1 La coprésence des deux cités en soi
III-2.2 La coprésence des deux cités dans la société
III-2.3 La coprésence des deux cités dans le monde
III-3 Le temps, lieu de l’incarnation de la vérité du sujet 
III-3.1 Le temps comme impression de l’esprit
III-3.2 Le temps comme condition de la réflexion, de la vérité
CONCLUSION GENERALE 
BIOGRAPHIE

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