La pauvreté au Sénégal
Les principaux travaux sur la pauvreté au Sénégal
A la faveur du développement du système d’information sur les conditions de vie des ménages au Sénégal38, de nombreux travaux ont été menés pour analyser et cerner l’ampleur de la pauvreté39. Ces travaux ont permis des avancées importantes dans la compréhension de la pauvreté et révèlent tous que le phénomène est largement répandu particulièrement dans les zones rurales et les villes de province. La plupart de ces travaux portant sur le Sénégal ont largement utilisé l’approche monétaire pour appréhender la pauvreté. Les analyses basées sur les données issues des enquêtes auprès des ménages sont exploitées de deux manières. La première consiste à chercher les déterminants du niveau de vie compte tenu du groupe socioéconomique auquel appartient le ménage40. La seconde consiste à examiner les facteurs explicatifs du statut de la pauvreté, notamment les travaux de Ki et Cissé. Cette approche, bien qu’unidimensionnelle, permet de construire un classement des ménages selon leur niveau de pauvreté. Le niveau de vie des ménages est appréhendé à travers le niveau des dépenses de consommation41 . Toutefois, ces différentes études divergent sensiblement sur leurs conclusions, notamment au niveau de l’incidence de la pauvreté et de sa distribution régionale. De même, nombre de ces études tendent à conclure à une pauvreté moins importante de groupes pourtant réputés vulnérables. Ainsi, les ménages dirigés par des personnes divorcées ou veuves – catégorie à dominante féminine –, apparaissent moins exposés au phénomène malgré l’identification de ces situations sociales comme facteurs anthropiques de pauvreté.
Répartition spatiale et caractéristiques des chefs de ménage
La population du Sénégal demeure très inégalement répartie dans l’espace. Avec une densité moyenne de 50 habitants par km² ; 10 habitants par km² dans le sud-est du pays et de 3963 habitants par km² à Dakar, la capitale administrative et économique du Sénégal. L’examen de la répartition spatiale de la population fait apparaître en effet qu’au Sénégal, avec 12 millions d’habitants et plus 58 % de la population vit en zone rurale en 2006. Après Dakar, les régions de Thiès, Diourbel, et Kaolack sont les plus peuplées. La dégradation de la densité de la population suit un gradient Ouest – Est. La taille des ménages reste importante, plus de la moitié de la population vit dans un ménage de plus de dix personnes (tableau 0.1). Environ la moitié des chefs de ménage sont monogames, néanmoins la polygamie reste très importante au Sénégal et concerne plus de 40 % des chefs de ménage. Ce phénomène est probablement dû à différents facteurs culturels et à l’influence de la religion. Si l’on en croit le rapport national du recensement général de la population et de l’habitat (RGPH, 2006), la polygamie est plus courante en milieu rural (55,6 %) qu’en en milieu urbain (41 %). Les conditions de vie des populations en milieu urbain, notamment de logement et la modernisation sont certainement à la base de ces différences. Les autres chefs de ménage sont pour la plupart soit divorcés, soit veufs. Un peu plus de deux chefs de ménage sur trois disposent d’un emploi. Une grande majorité des chefs de ménage travaille pour son propre compte, souvent dans le secteur tertiaire ou l’agriculture, et 15 % sont dans l’administration publique ou privée ou dans des organisations non gouvernementales. Cela signifie aussi que seuls 17 % des chefs de ménage sont salariés.
Organisation du travail
L’objectif de ce travail est de tenter de comprendre la pauvreté au Sénégal et son évolution entre 2002 et 2006 dans toutes ses dimensions en mobilisant divers modèles économétriques et en s’appuyant sur les deux dernières enquêtes ESAM II – 2002 et ESPS – 2006 réalisées au Sénégal (annexe 0.2). Le présent travail est composé de quatre chapitres. Le chapitre premier est une analyse de la pauvreté en termes monétaires à partir des informations statistiques transversales des deux enquêtes menées auprès des ménages en 2002 et 2006. Nous proposons tout d’abord une estimation des seuils régionaux de pauvreté au Sénégal en mettant en évidence leurs disparités selon les différentes régions. Dans un second temps, ce chapitre présente les outils méthodologiques nécessaires à l’appréhension de la dynamique de pauvreté monétaire (indices de pauvreté, décompositions des indices de pauvreté). Nous explorons la contribution relative des inégalités intra et interrégionales à l’inégalité nationale et examinons les effets de la décomposition de la pauvreté en fonction de la localisation géographique. Enfin, nous analysons les disparités interdépartementales en termes de taux de pauvreté et les facteurs déterminants de la pauvreté en 2006. Nous proposons un modèle économétrique spatial permettant de mettre en évidence les facteurs socioéconomiques susceptibles d’expliquer les différences géographiques de pauvreté constatées en 2006. Introduction générale 32 Dans le second chapitre, nous proposons un modèle dichotomique à partir duquel il est possible de rendre compte des déterminants de la pauvreté des ménages. Nous analysons les facteurs déterminants de la pauvreté monétaire des ménages en nous appuyant sur la décomposition des différents indicateurs de Foster, Thorbecke et Greer (FTG) (1984) en fonction des caractéristiques des ménages, préalablement développées dans le chapitre premier. L’intérêt de ce travail réside dans la comparaison des résultats du modèle économétrique avec les indices de pauvreté issus de la décomposition de FTG, et aussi dans l’introduction de nouveaux paramètres dans la compréhension de la pauvreté (les moyens de communication, la localisation géographique selon le type de quartier, l’identification des chefs de ménage par niveau d’éducation). Par ailleurs, pour cerner les multiples aspects de la pauvreté au Sénégal, nous proposons dans le troisième chapitre une analyse multidimensionnelle à travers une estimation des degrés de privation de certains besoins essentiels des ménages. L’approche par la théorie des ensembles flous est utilisée à cet effet. Nous nous sommes intéressés aux dimensions dominantes de la pauvreté multidimensionnelle entre 2002 et 2006. Notre objectif principal est, dans ce chapitre, de dégager les tendances des différents aspects de la pauvreté. Nous avons adopté comme méthode celle de Dagum et Costa (2004), complétée par les méthodes de décomposition introduites par Mussard et Pi Alperin (2005). La contribution de chaque indice unidimensionnel et de chaque groupe à l’indice de pauvreté a été également calculée.
INTRODUCTION GENERALE |