La participation des citoyens dans les projets
d’aménagement urbain à New York
Racines historiques de la démocratie participative
Racines européennes : les libertés anglaises
Quand la colonisation anglaise en Amérique a débuté en 1607, le système politique britannique était dans une période de transition entre monarchie féodale et monarchie constitutionnelle.Certains droits fondamentaux des individus avaient été établis légalement assez tôt (avec la Grande Charte de 1215) dans le royaume d‘Angleterre. Au cours du MoyenÂge, la croissance de la puissance économique de la bourgeoisie marchande s‘est traduite par l‘avènement progressif du Parlement. La Réforme protestante a également joué un rôle clé dans l‘avènement d‘une monarchie constitutionnelle. En mettant l‘accent sur une relation personnelle directe avec Dieu, la Réforme remettait en cause l‘autorité de la hiérarchie religieuse, mais aussi celle de la Couronne. Au XVIIème siècle, des conflits de plus en plus fréquents ont opposé le Parlement, dominé par la bourgeoisie protestante non-conformiste, à la Couronne, qui se sont traduits par la victoire du Parlement lors de la Révolution Glorieuse de 1688-89. La monarchie constitutionnelle qui s‘est établie en 1689 était encore loin d‘être démocratique : la Couronne et l‘aristocratie contrôlaient encore l‘essentiel du pouvoir politique, et la participation politique était réservée à une petite fraction de la population. Néanmoins, les sujets britanniques, en Angleterre, mais également dans les colonies d‘Amérique, jouissaient de libertés qui faisaient l‘envie du reste de l‘Europe, et qui constituaient une composante fondamentale de leur identité nationale naissante.
Racines américaines : égalité sociale et autonomie politique dans les colonies anglaises d’Amérique du Nord – Hiérarchies sociales moins marquées
Dès le départ, les inégalités sociales ont été moins marquées dans les colonies américaines que dans la métropole britannique.2 Comme le remarquait A. de Tocqueville, ce sont rarement les riches qui s‘exilent, et la grande majorité des colons étaient issus des catégories populaires de la population.3 Surtout, l‘accès à la propriété était plus ouvert dans le Nouveau Monde. Par ailleurs, la vie dans un environnement sauvage plaçait les colons à un niveau d‘égalité plus radical : l‘égalité devant les forces de la nature. Les hiérarchies sociales préexistantes n‘avaient plus la même valeur dans un environnement aussi différent. Un autre facteur a contribué à l‘établissement de relations sociales différentes dans les colonies de la Nouvelle Angleterre : la religion protestante. Comme nous l‘avons déjà mentionné, la théologie protestante remettait fondamentalement en cause les hiérarchies religieuses, ce qui avait des implications en termes de hiérarchies sociales. Pour les puritains qui ont fondé les colonies de Nouvelle-Angleterre, la distinction qui comptait le plus était celle qui séparait les élus de Dieu du reste de l‘humanité.4 Ceci étant, les sociétés coloniales étaient loin d‘être complètement égalitaires. Dans les colonies de Nouvelle Angleterre, par exemple, les femmes et les non-puritains étaient complètement exclus du système politique et les puritains exerçaient un contrôle social étroit sur l‘ensemble de la société. De surcroît, la stratification économique s‘est rapidement accentuée dans les colonies. Elle était moins marquée dans les colonies de NouvelleAngleterre, où une large majorité de la population s‘adonnait à l‘agriculture vivrière (une classe de marchands aisés s‘est néanmoins développée au cours de cette période). En Virginie et dans les colonies du sud, c‘est l‘agriculture commerciale (le tabac, l‘indigo et le riz) qui s‘est rapidement imposée comme activité économique principale, et ce système économique a engendré des inégalités économiques très importantes. Une minorité de planteurs a pris le contrôle des meilleures terres, et s‘est enrichie aux dépens de la grande majorité de la population, qui restait cantonnée dans la pauvreté.1 En outre, le développement du système esclavagiste a donné une nouvelle dimension aux inégalités sociales dans les colonies américaines. Cela étant, « à l‘époque de la Révolution, plus de la moitié de la population masculine non-esclave était composée de paysans propriétaires ». 2 – Autonomie de gouvernement et participation politique Du fait de la distance qui les séparait de la métropole, les colonies anglaises d‘Amérique ont rapidement connu un degré significatif d‘autonomie politique. En Virginie, le roi avait accordé les pleins pouvoirs sur un vaste territoire à la compagnie privée qui avait financé le projet de colonisation. Au départ, les propriétaires de cette compagnie confiaient l‘autorité politique dans la colonie au seul gouverneur, qui gouvernait de manière très autoritaire. Mais les conditions de vie dans la colonie ont été extrêmement difficiles au départ, et pour apaiser le mécontentement des colons et tenter d‘en attirer de nouveaux, les propriétaires de la compagnie ont dû rapidement se résoudre à créer une assemblée comprenant des représentants élus par les colons et chargée d‘établir des lois pour la colonie. C‘est ainsi qu‘est née la Chambre des bourgeois de Virginie, en 1619, onze ans seulement après la fondation de la colonie. Les protestants séparatistes qui ont fondé la deuxième colonie anglaise sur le continent nord-américain, le Massachusetts, ne reconnaissaient pas l‘autorité religieuse du roi d‘Angleterre, et étaient venus s‘installer dans le Nouveau Monde pour échapper aux persécutions de la Couronne. Ils n‘ont donc pas hésité à établir un contrat politique, connu sous le nom de Mayflower Compact, qui les unissait les uns aux autres dans un système d‘auto-gouvernement indépendant de la monarchie. Par la suite les colons du Massachusetts ont reconnu la souveraineté du roi d‘Angleterre sur leur colonie, mais au niveau local, le gouvernement a continué d‘être administré par les communautés religieuses puritaines dans lesquelles les décisions étaient prises de façon collégiale par tous les hommes adultes membres de la congrégation. Les treize colonies anglaises qui se sont créées sur le continent américain ont toutes rapidement obtenu du roi ou de leur propriétaire le droit d‘organiser une assemblée législative et judiciaire dont une partie au moins des membres étaient élus. Dans toutes les colonies, le suffrage était limité par des critères religieux et / ou des critères de richesse, et le degré de participation des colons à ces élections variait. Elle était beaucoup plus limitée dans les colonies du Sud, où l‘élite des planteurs exerçait une emprise ferme sur les assemblées coloniales et contrôlait également la politique locale, qu‘en Nouvelle-Angleterre, où la politique locale était gérée par des assemblées villageoises. Le degré d‘autonomie de ces assemblées coloniales était limité : le gouverneur, nommé par le roi ou le propriétaire, détenait un droit de veto sur le législatif. Néanmoins, ces assemblées pouvaient influencer les décisions des administrateurs de la Couronne en refusant de leur verser leur salaire.
Autonomie locale et participation dans la nouvelle république
Au cours du XVIIIème siècle, les treize colonies ont beaucoup prospéré, mais les marchands et les propriétaires terriens se sentaient injustement freinés dans leurs entreprises économiques par les restrictions commerciales établies par la Couronne, et par des droits de douane qu‘ils jugeaient trop élevés. Dans les années 1760-70, les colons américains ont commencé à résister de plus en plus ouvertement aux nouvelles taxes instaurées par la Couronne, en reprenant à leur compte un slogan popularisé en Angleterre lors de la Révolution Glorieuse du siècle précédent : « pas d‘imposition sans représentation ». Fait bien connu, la décision de la Couronne de défendre son autorité par la force a déclenché une guerre entre la Grande-Bretagne et ses colonies américaines et a conduit ces dernières à déclarer leur indépendance en 1776. – Définition des limites du pouvoir du gouvernement fédéral Comme à l‘époque de la Révolution Glorieuse, la question qui préoccupait le plus les Pères fondateurs de la République américaine portait sur la protection des droits individuels contre les abus potentiels du gouvernement. De manière générale, les Américains avaient peu confiance dans le Gouvernement, et ils étaient convaincus de l‘adage selon lequel le meilleur 1 Norton, Katzman et al, 1996, chapitre 3 21 gouvernement est celui qui gouverne le moins.1 Cette méfiance était particulièrement marquée à l‘égard du gouvernement fédéral qui, parce qu‘il était plus éloigné des citoyens, était le plus susceptible d‘abuser de son pouvoir. Les Pères fondateurs ont donc tout d‘abord rédigé des Articles de Confédération, qui accordaient peu de pouvoir au gouvernement fédéral. Mais il s‘est vite avéré que ce système ne permettait pas au gouvernement de régler les problèmes économiques et financiers de la nation (le gouvernement fédéral et les États fédérés s‘étaient beaucoup endettés pendant la guerre d‘Indépendance). Certains dirigeants du Congrès fédéral, en particulier Alexander Hamilton, ont milité en faveur d‘un nouveau système permettant au gouvernement fédéral d‘acquérir une certaine indépendance financière et de mener une politique étrangère cohérente. Finalement James Madison a trouvé un moyen de concilier l‘accroissement de la capacité d‘action du gouvernement et la prévention des risques de dérive autoritaire : en s‘inspirant de l‘analyse du système politique anglais par le philosophe français Montesquieu, Madison a élaboré une constitution dans laquelle les institutions incarnant les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire seraient largement indépendantes les unes des autres et se contrôleraient mutuellement, comme on le sait. Après d‘intenses débats, la constitution a finalement été approuvée par les treize États, mais seulement après que Madison et Hamilton eurent accepté d‘assortir à cette constitution une charte des droits inspirée de celle du parlement britannique. Le débat idéologique entre les Fédéralistes, c‘est-à-dire les partisans d‘un gouvernement fédéral fort, emmenés par Alexander Hamilton et John Adams, et les Républicains-Démocrates, partisans d‘un gouvernement fédéral limité, à la tête desquels se trouvait Thomas Jefferson, s‘est prolongé au delà de la ratification de la constitution. Le système qui s‘est mis en place au fur et à mesure était un compromis entre ces deux visions.2 D‘un côté, Hamilton a réussi à mettre en œuvre une politique économique nationale, avec l‘établissement d‘un droit de douane fédéral, la création d‘une banque nationale et le financement de grands travaux. De l‘autre, le système américain est quand même resté relativement décentralisé : l‘armée fédérale, par exemple, était assez faible ; la sécurité, le maintien de l‘ordre, et la justice étaient organisés au niveau des États et au niveau local. Au delà de son caractère décentralisé, le système américain était remarquable par le fait que les divers niveaux de gouvernement étaient moins impliqués dans différents aspects de la vie sociale que dans d‘autres pays. Au cours de sa visite des États-Unis dans les années 1830, le concluent que c‘est la vision jeffersonnienne qui a prévalu sur celle des Fédéralistes, mais je préfère quant-à-moi parler d‘un compromis. Sandel 1996, a été frappé par la faiblesse des administrations publiques aux États-Unis et par la richesse de la vie associative, écrivant ceci : « Partout où, à la tête d‘une entreprise nouvelle vous voyez en France le gouvernement et en Angleterre un grand seigneur, comptez que vous apercevrez aux États Unis une association ».
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