La notion de taux de change d’équilibre de long terme
Essayer de préciser le niveau du taux de change d’équilibre de long terme présente de l’intérêt pour les investisseurs comme pour les gouvernements. Pour les premiers, celui-ci devrait représenter l’ancre sur laquelle ils fondent leurs prévisions. Dans un marché efficient, le taux de change actuel devrait s’écarter de son niveau de long terme en fonction des écarts de taux d’intérêt et des primes de risque. En principe, on voit mal comment il serait possible de faire des prévisions économiques dites fondamentales sur le marché des changes sans une idée assez précise des niveaux soutenables à moyen terme. Pourtant, il ne s’agit pas d’un sujet sur lequel la réflexion des intervenants sur le marché des changes semble très active.
En ce qui concerne les gouvernements, l’évaluation du taux de change d’équilibre a en principe une importance fondamentale pour ceux des pays qui choisissent un système de change fixe. C’est d’autant plus vrai qu’ils ont une interprétation maximaliste de cette notion de change fixe et sont prêts à aller très (trop) loin dans la défense de la parité qu’ils ont choisie.
L’approche dominante pour estimer un taux de change d’équilibre de long terme est bien expliquée dans FMI (1998a) et Wren-Lewis et Driver (1998). Le point de départ est la recherche du solde extérieur soutenable dans une perspective de moyen et long terme. Cette notion de soutenabilité peut avoir un double sens. Pour un pays non contraint au niveau de son financement extérieur, le solde soutenable est déterminé par le niveau d’épargne nette (épargne-investissement) que le pays génère quand il est sur un sentier de croissance équilibrée (investisse- ment normal, chômage normal, épargne publique et privée normales).
Cette épargne nette, investie à l’étranger ou empruntée de l’étranger si elle est négative, est nécessairement égale au solde des transactions courantes
.Pour un pays contraint par les financements externes, le solde soutenable des transactions courantes est fixé par la disponibilité des fonds (c’est alors à l’épargne publique, c’est-à-dire au déficit budgétaire, de s’adapter).
La deuxième étape consiste à rechercher le niveau de compétitivité qui permet au solde extérieur de se situer sur son niveau soutenable. La question peut également être posée en partant de l’économie réelle et en utilisant un vocabulaire de tonalité plus keynésienne : quel est le niveau de compétitivité qui permet à l’économie d’être au plein emploi de ses capacités de production quand la demande intérieure est à son niveau d’équilibre ? Si le taux de change est trop élevé, les exportations nettes seront trop faibles et l’économie sera en sous-emploi. C’est une façon différente de poser exactement la même question.
Pour y répondre, on utilise des équations de commerce extérieur — décrivant le lien entre échanges extérieurs, compétitivité et demande intérieure — pour trouver le niveau d’équilibre de la compétitivité, sous les hypothèses retenues en matière de demande intérieure et d’exportations nettes.