La notion de service et les spécificités du marketing des services
L’émergence de la littérature sur les entreprises de services s’est faite autour d’une réaction à l’inadaptation des outils développés en marketing des biens de consommation, aux cas des entreprises de services. Devant le développement spectaculaire des services, il était temps, pour les gestionnaires de se poser le problème de savoir si les modes de réflexions et de décisions élaborés dans le contexte des produits sont adaptés à celui des services. Ceci ne veut certainement pas dire qu’il existe deux marketings, l’un pour les produits, l’autre pour les services. Les concepts et les techniques sont pareils ; ce qui diffère, ce sont essentiellement les critères de segmentation ainsi que le contenu et la mise en œuvre des variables du mix marketing. Mais avant tout et surtout, c’est le rôle central et majeur que joue le client dans les services, puisque, pour un service donné, il est à la fois producteur et consommateur ; son comportement et son traitement en sont donc drastiquement affectés [Eiglier Pierre & Langeard Eric1 (1999)].
LE SERVICE ET LA SERVUCTION
Le secteur des services peut se caractériser par sa diversité. Les entreprises de service se situent sur une échelle de taille allant d’énormes sociétés internationales, dans des domaines tels que le transport aérien, les opérations bancaires, les assurances, les télécommunications, les chaînes d’hôtel, à un large éventail de petites affaires détenues par de simples personnes et agissant localement, comprenant les restaurants, les taxis, les opticiens, les coiffeurs…etc. L’une des premières difficultés à surmonter est celle de la définition même des services. Mais qu’est-ce qu’un service ? Judd2 (1963) définit un service marchand comme « un échange marchand par une entreprise dont l’objet est autre chose que le transfert de propriété d’un bien tangible ». Il divise les services en trois types :l’échange utilise un produit l’échange est la création ou la réparation d’un bien l’échange est le transfert d’une compétence ou d’une expérience Gummesson3 (1987) quant à lui met l’accent sur la différence admise comme la plus importante entre les produits et les services, il s’agit ici de l’intangibilité, en définissant les services comme « quelque chose qui peut être acheté et vendu mais que vous ne pouvez pas vous laissez tomber sur le pied » On peut citer aussi la définition de Grönroos4 (1990) qui explique qu’ « un service est une activité ou série d’activités de nature plus ou moins tangible qui, normalement mais non nécessairement, prend place dans les interactions entre le consommateur et un employé de l’entreprise de services, et/ou des biens et ressources physiques, et/ou des systèmes du fournisseur de services, et qui est proposée comme solution aux problèmes du consommateur » Cette dernière définition met l’accent sur les trois composantes de l’activité de services : le personnel, les moyens et les systèmes. Comme on peut le constater à travers cette brève revue de littérature, la notion de service reste toujours floue, ainsi pour mieux comprendre ce que c’est un service, il faut tout d’abord comprendre comment un service est créé ou fabriqué, avec quels ingrédients , et quel en est le processus. Cette approche est celle de la servuction. Comment donc un service, au même titre qu’un bien quelconque, est-il fabriqué ?
Le concept de servuction
D’un point de vue étymologique les mots « produit » et « service » ne possèdent ni le même sens ni les mêmes connotations. D’après le Robert il existe trois mots clés autour de « produit » qui sont : production, produire et produit, qui se réfèrent respectivement au processus, à l’action et au résultat. La racine du mot « produire » vient du latin producere, mener en avant, faire avance ; la première signification en français est « faire exister ce qui n’existe pas encore ». Il s’agit en faite de la création, activité noble par excellence. Autour du mot « service », on ne trouve que deux mots clés : servir et service ; ils viennent tous deux du latin servitium, signifiant esclavage. On voit tout de suite la connotation extrêmement péjorative du terme, en opposition totale avec celle de produit. D’autre part, si l’on retrouve bien dans « servir » et « service » les notions d’action et de résultat, il n’existe pas de mot équivalent à production pour exprimer le processus de création, de fabrication du service. C’est pour cette raison, et devant ce manque, que le néologisme servuction a été proposé par Eiglier Pierre et Langeard Eric 5 (1999), désignant le processus de création de service. Afin de mieux comprendre la servuction et son système, il faut tout d’abord comprendre en parallèle le processus de fabrication des produits tangibles.
La fabrication d’un produit tangible
Pour fabriquer un produit tangible, autrement dit, un objet quelconque, deux étapes au moins sont nécessaires : la conception et la réalisation. La première consiste à définir très précisément ce que sera le futur produit (ses fonctions, sa forme, ses dimensions, ses couleurs, etc.). Pour concevoir ou développer correctement un produit, le souci du client doit être omniprésent ; il doit permettre au produit d’être adapté et attractif. La fabrication s’effectue ensuite dans l’usine, il faut réunir ainsi trois ensembles d’éléments qui sont nécessaires. Il s’agit de la main d’œuvre, des machines et des matières premières. Le produit dans ce cas-là, est l’aboutissement de l’interaction de ces trois éléments. Une fois le produit fabriqué, il sort de l’usine, il faut alors le stocker, puis le distribuer, c’est-à-dire de le mettre physiquement à la disposition de ses éventuels acheteurs, autrement dit, le vendre à un détaillant qui lui même le revendra à un de ses clients, comme le démontre le schéma 1