La nécessité d’un système de planification flexible et répondant aux nouveaux enjeux

La nécessité d’un système de planification flexible et répondant aux nouveaux enjeux

 Nous avons déjà souligné la nécessité de la révision du cadre réglementaire concernant l’élaboration de schémas directeurs dans les villes syriennes, notamment le décret législatif n°5 de 1982. Cette révision doit renforcer le rôle des instances locales dans la planification urbaine, en adoptant des procédures flexibles pour la ratification de schémas par l’Etat centrale. En dépit de l’exclusion de 8500 ha de l’organisation spatiale, mais ne pas du périmètre administratif, nous ne pouvons pas ignorer le contexte de l’étalement urbain de la SOG de la ville d’Alep. Les anciennes expériences de la ville nous montrent que le conseil municipal n’est pas capable d’exécuter l’ensemble du SOG. Vu les ressources limitées du conseil municipal et les coûts très élevés de la mise en œuvre d’infrastructures de ce SOG 2012 étalé, nous proposons de ne pas recourir à la mise en œuvre du SOG dans son périmètre global et d’orienter les investissements vers les projets locaux d’urbanisme pour les zones urbaines, en fonction des besoins réels (zones d’extension, zones urbaines informelles,…). Notre proposition ne signifie pas l’abrogation définitive du SOG, ce dernier pourrait être considéré comme un outil structurel spatial d’orientation générale du développement pour le territoire aleppin. Il serait aussi fondé sur la stratégie de développement que la ville d’Alep a lancé en 2008, à condition d’être révisée en prenant en compte les nouveaux enjeux liés à la situation actuelle, et fixée pour une période bien définie (entre 10 et 15 ans). En l’absence d’une institutionnalisation d’un cadre de la concertation, à l’échelle nationale, à l’élaboration de documents d’urbanisme, le conseil municipal d’Alep, quant à lui, pourrait introduire des mesures de la consultation publique dès les premières phases du projet, et avant toute décision sur les plans d’urbanisme. Il est à noter que le conseil municipal d’Alep a déjà donné un lieu à la valorisation de la coordination horizontale, plusieurs expériences locales peuvent être citées ici, notamment celles qui sont réalisées avec l’appui de GTZ. Elles consistent à valoriser la participation de la société civile dans la démarche de planification (les campagnes de Madinatouna, les campagnes de GTZ dans le cadre du programme du développement urbain de la ville d’Alep et surtout l’agenda 21 local). De surcroît, deux éléments-clés doivent être pris en compte par le conseil municipal d’Alep pour renforcer le processus de la planification urbaine. Ces éléments, que nous allons expliquer ci-après, sont : l’élaboration d’un mécanisme pertinent de choix du site pour les projets locaux d’urbanisme ; et la mise en consultation de nouveaux mesures pour répondre aux enjeux de la phase post-guerre. 

Vers un mécanisme de choix de site pour les projets locaux d’urbanisme

 Dans la première partie de cette recherche, nous avons constaté l’importance de la localisation d’un projet d’éco-quartiers. Nous avons réussi à extraire certains critères à partir des démarches méthodologiques analysées pour évaluer le choix du site, dans le contexte aleppin (site en continuité urbaine, site à proximité du réseau de transports et d’infrastructures existants, site assurant une densification urbaine maîtrisée, protection des zones agricoles,…). La vision partagée sur le développement de la ville d’Alep, réalisé par Thomas Stellemakh, 237 pourrait être une source d’inspiration pour la définition d’un mécanisme de choix du site pour la ville d’Alep. Malgré la différence du contexte entre la ville d’Alep et les villes françaises, nous avons constaté une possible complémentarité entre les principes proposés dans cette vision et les critères définis par les démarches d’éco-quartiers. Comme nous l’avons expliqué précédemment, la vision partagée du développement urbain prévoit une croissance urbaine maîtrisée, selon deux phases principales, jusqu’en 2025. L’équipe d’étude a élaboré un plan précisant le périmètre territorial pour chacune de ces phases (Figure 72). L’analyse de ce plan nous dévoile certains enjeux liés au choix du site, tels que la croissance urbaine en continuité de la ville existante et au long des principaux axes routiers, ainsi que la protection d’espaces ayant un caractère agricole. Par conséquent, ce plan pourrait être un outil d’aide au choix de site pour les futurs projets du développement urbain, à condition d’être mis à jour, surtout avec l’accélération de la croissance urbaine informelle durant la première année de la crise syrienne, ainsi que l’exclusion de 8500 ha au nord-ouest de la ville. Pour un projet urbain durable, le site doit s’inscrire dans le périmètre de la ville existante ou dans le périmètre de la première phase de croissance, pour répondre aux enjeux précités ci-avant.La vision partagée du développement durain de la ville d’Alep a défini un réseau de centres secondaires qui constituent des zones géographiques stratégiques, grâce à sa localisation autours des axes routiers, ainsi qu’autour des principales gares routières, de l’aéroport et de la gare ferroviaire (Figure 73). L’équipe de la stratégie de développement recommande une forte densification urbaine pour ces centres, en donnant un caractère urbain distinctif par rapport au reste de la ville (Stellmach & Saad, 2010). A notre avis, l’implémentation de projets urbains dans le périmètre des centres secondaires est pertinente. Il est à noter que le choix des sites pour les projets d’extensions urbaines et/ou de requalification n’a pas suivi cette réflexion.

Le recours aux projets urbains durables dans les pôles du développement stratégique, comme le cas précédant, nous fait rappeler à la tendance de projets d’ « éco-quartiers de gare », comme par exemple l’éco-quartier « Gare de Pantin » que nous avons abordé en première partie de cette recherche. Ce type de projets d’éco-quartier est répandu en France. Selon l’évaluation des études ayant répondu à l’appel à projet de nouveaux quartiers urbains, la localisation d’un éco-quartier à proximité d’une gare est considérée, par les experts de NQU, comme une des réponses pertinentes au critère de la qualité du site en termes de desserte en transports collectifs (objectif 2). Figure 73 La localisation des Centres secondaires et le système du transport proposé selon la vision partagée du développement urbain. (Stellmakh et Saad, 2010) 239

Des suggestions pour la période post-guerre

Malgré son entrée tardive en guerre urbaine, la ville d’Alep a été gravement touchée par les évènements actuels. Pour le moment, il n’existe que des articles de presses et des dossiers d’observations de l’ONG afin d’évaluer les dégâts en résultant. Ces rapports de presses et les informations reçues indiquent une concentration de dégâts dans les quartiers informels de la ville, qui sont situés sur une zone formant un croissant à l’Est de la ville. Au courant du mois d’août 2013, certains journaux internationaux ont diffusé des photos satellite, prises récemment et montrant les dégâts des quartiers informels Aleppins (Figure 75)230. L’étude de la carte nationale des zones urbaines informelles, publiée par la Commission de Planification Régionale courant juillet 2013, est le seul document officiel qui aborde de façon générale les dégâts survenus à cause de la crise actuelle, en précisant l’importance d’une évaluation approfondie pour les zones impactées (La commission de la planification régionale, 2013). La Figure 74 montre des images satellitaires prises avant et en cours de la crise pour trois quartiers à l’Est de la ville d’Alep. Il s’agit de Tarik El-Bab, Ard-Hamra et de Jabel Badro. Si nous prenons ce dernier comme exemple, une étude détaillée de développement a été lancé en 2006 par le conseil municipal pour ce site, dans des conditions différentes de celles que le quartier connaît actuellement. Par conséquent, il nous semble nécessaire de penser au mécanisme du développement urbain pour la période post-guerre. Le conseil municipal, quant à lui, devrait d’ores et déjà lancer un appel au débat pour mettre les premières lignes de la phase de reconstruction. Notre perspective sur cette phase est fondée sur la nécessité d’une nouvelle observation de la situation de quartiers informels, surtout que les rapports d’ONG parle d’un grand nombre des déplacés internes. La nécessité de cette nouvelle observation a été aussi affirmée par les experts de la commission de la planification régionale à Damas, à travers l’étude de la carte nationale des zones urbaines informelles, comme une première étape vers la reconstruction (CPR, 2013).Dans ce cadre, nous suggérons de créer un comité spécifique (comité post-crise), en tant qu’instance de coordination au sein du conseil municipal qui mobilisera le processus de reconstruction, en favorisant la participation de l’ensemble d’acteurs concernés (secteur public, académique, société civile, associations, bailleurs de fonds, entreprises et prometteurs). Nous proposons ci-après plusieurs points qui devraient être décidés et planifiés par le conseil municipal pour cette phase post-guerre.

  1. a) Le recours à la reclassification des zones urbaines informelles de la ville d’Alep, en précisant la nouvelle caractéristique post-guerre de ces zones et en définissant les nouveaux problèmes, les avantages, ainsi que les modes d’interventions éventuels pour chacune de ces zones. A l’issue de cette reclassification, le conseil municipal devra être capable à identifier les zones informelles sensibles et prioritaires, qui nécessitent en effet des actions spécifiques. 
  2. b) Le renforcement des recettes budgétaires de la ville d’Alep, pour que le conseil municipal puisse assumer son rôle dans le processus du développement post-guerre. Il est à noter que la ville d’Alep a connu une perte budgétaire, à cause du nouveau statut administratif de la cité industrielle de Sheikh Najjar. la ville d’Alep possède d’un budget local qui est composé de trois types de ressources fiscales (Chakar, 2010), il s’agit des ressources directes issues des activités locales (Vente, location, investissements, marchés locaux,…) ; ressources semi-directes collectés par des instances déconcentrées représentant l’état central (directions des finances) et des ressources indirectes distribuées directement par le Ministère de l’Administration Locale. Nous ne voulons pas expliquer ici le fonctionnement de chaque type de ressource, mais il nous semble nécessaire de préciser certains aspects financiers de la gestion budgétaire de la ville d’Alep, qui devront constituer, sans doute, le point de départ pour le débat budgétaire. Selon la loi n° 18 de 2007, relative aux budgets des unités administratives, Alep, comme toute autre unité administrative dotée d’une personnalité morale, ne profite que de 10 de ses ressources semi-directes. les 90% restants sont mis au profit de l’administration locale. Cette dernière redistribue les sommes collectées à l’échelle nationale, sous forme de ressources indirectes, aux unités administratives locales selon la répartition suivante : 15 % pour la capitale, 10% pour les unités situées dans les zones en développement, 5 % pour celles situées dans 242 les zones touristiques231, 5% pour les zones (… ?). Les 65% restants sont distribués pour l’ensemble des unités administratives, en fonction de leurs populations. Nous proposons de mettre cette répartition de ressources en révision, dans les mesures permettant à la ville d’Alep d’avoir plus de ressources indirectes. La ville d’Alep bénéfice aussi d’une aide d’Etat, qui se varie selon les projets d’investissements municipaux. Selon les chiffres municipaux en 2007, l’aide d’Etat représente 8% du budget global (Chakar, 2010). Le conseil local (ou bien le comité post-crise) devra solliciter une augmentation de l’aide auprès de l’Etat central. Ce dernier a décidé au mois de juin 2013 de mettre une surtaxe de 5% sur toutes les taxes directes et indirectes au titre de la reconstruction pour une période de 3 ans. A travers les réseaux sociaux, nous avons constaté une mauvaise appréciation de cette surtaxe auprès des citoyens qui ont perdus leurs pouvoirs d’achat, à cause de la baisse de valeur de la monnaie nationale. 
  3. c) La recherche d’un système du développement urbain économique pour assurer le retour des déplacés internes. Le SOG 2012 de la ville d’Alep prévoit plusieurs zones de logements populaires. Un retour à l’expérience mené par l’unité des affaires professionnelles de l’université nous semble important. L’idée proposée par l’équipe de cette étude permet au conseil municipal de réduire les coûts d’investissements, en valorisant la participation des citoyens à la construction. il s’agit de parcelles qui seront distribuées aux propriétaires foncières, ceux-ci vont construire selon les plans fournis par la municipalité. Il est à noter que ce type d’habitation devra faire une partie d’un programme global du développement urbain, en prenant en compte les enjeux de la durabilité (la mixité fonctionnelle et sociale).

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