Paramètres pédoclimatiques
L’influence des conditions édaphiques et climatiques sur le développement du terfez est capitale (Fortas, 2009). De nombreuses études ont été effectuées sur les paramètres pédoclimatiques favorisant le développement et la production des terfez. En Algérie, les terfez des régions littorales se développent sur un sol sablonneux, non salé, alcalin, riche en matière organique, pauvre en phosphore assimilable, bien pourvu en calcaire total et pauvre en calcaire actif (Fortas, 1990; Aïbeche, 2008; Zitouni, 2007, 2010). Tandis que les terfez des régions steppiques affectionnent des sols calcimagnésiques, carbonatés, rendzines à forte effervescence, de texture sablo-argilo-limoneuse, non salés, faiblement organiques et humides, pauvres en calcaire actif et en phosphore assimilable, riches en cations solubles et pauvres en anions. Du fait de la teneur élevée en calcaire total, ces sols sont basiques (Fortas, 1990; Tadja, 1996; Zitouni, 2007, 2010). Au Maroc, les terfez sont récoltés en général sous climat semi-aride ou aride dans des sols sableux limoneux, arénacés et légers, à pH ≥ 7 (Khabar et al., 2011; Abourouh, 2011). En Tunisie, les terfez préfèrent des sols sablonneux, faiblement limoneux, pauvres en sels et en matière organique avec un pH allant de 6.2 jusqu’à 7,25 (Slama et Neffati, 2004). Elles exigent des sols légèrement humides, bien aérés, avec des teneurs moyennes en potassium et en phosphore total, très pauvres ou même dépourvus de phosphore assimilable au moment de leur fructification (Slama et Neffati, 2004). Les espèces de terfez d’Europe affectionnent généralement des sols sablonneux, légers relativement pauvres en matière organique; elles sont adaptées aux différents types des sols (alcalins ou acides) (Fortas et Chevalier, 1992 a; Kiraly et Bratek, 1992; Taylor et al., 1995; Kagan-Zur et al., 1995; Kagan-Zur, 1998; Diez et al., 2002; Mandeel et Al-Laith, 2007; Khabar et Najim, 2004; Aibeche, 2008; Zitouni, 2010). Les résultats des analyses physico-chimiques sur des échantillons de sol provenant de différentes parties de la province de Fars en Iran ont montré leur nature sableuse gypseuse et leur pH alcalin et leur pauvreté en matière organique. De plus, ils ont prouvé que le genre Tirmania était le plus répandu sur les sols à haut contenu en CaCO3 et argileux que T. claveryi, P. lefebvrei et P. juniperi (Jamali et Banihashemi, 2012 a et b).
Selon Hashem et Al-Obaid (1996), la teneur en éléments minéraux, le pH et l’humidité sont plus élevés dans l’entourage immédiat des terfez (subsurface) que sur la surface, par contre, la teneur en matière organique est faible en subsurface, ceci indique que la composition physico-chimique des sols de la surface et de la subsurface des terfez est significativement différente. Vàzquez-Garcia et al (2002), ont étudié l’effet du pH sur le taux de croissance de plusieurs champignons ectomycorhiziens parmi lesquels Terfezia olbiensis, ce dernier a une meilleure croissance à pH= 8. Le développement et la production des terfez sont étroitement liés à la quantité et la distribution saisonnière des pluies orageuses d’hiver et du printemps ainsi qu’à à la présence et la forte densité des plantes hôtes (Awameh et Alsheikh, 1980 a; Alsheikh et Trappe, 1983 a; Kagan-Zur, 1998; Fortas, 2004; Bradshaw, 2005; Bissati, 2009). Les paramètres climatiques indispensables au développement des terfez dans les zones arides et semi-arides d’Algérie ont été étudiés par plusieurs chercheurs (Fortas, 1990; Bouchareb, 1994; Tadja, 1996; Fortas, 2004; Aibeche, 2008; Zitouni, 2010). Ces champignons exigent une pluviométrie bien distribuée de Septembre à avril permettant en hiver la germination des ascospores de terfez et le développement mycélien et au printemps la maturation des ascocarpes (Bouchareb, 1994; Feeney, 2003).
Une bonne répartition des précipitations d’Octobre à Mars donne une année de bonne production des terfez, par contre, si elle est très irrégulière et la pluviométrie est faibles ou nulle les années de production des terfez seront creuses (Fortas, 2004). De plus, le cycle biologique des terfez des régions steppiques et de leur plante hôte exige une certaine quantité de pluie (5 à 15mm) au mois de Mars suivie d’une période de sécheresse pour la maturation des ascocarpes et leur récolte en Avril (Tadja ,1996). Au Maroc, les terfez de la forêt de Mamora nécessitent une pluviométrie annuelle supérieure à 240mm avant le mois de mars, tandis que d’autres espèces de Terfezia exigent 160 à 180mm pour leur développement (Khabar, 2002). Des précipitations excessives ou mal réparties peuvent pourrir les spores et perturber le cycle biologique des terfez (Khabar et al., 2001; Feeney, 2003). En Iran, le développement des terfez est également lié aux facteurs environnementaux particulièrement la répartition des précipitations. Les pluies d’automne (Novembre et Décembre) sont plus importantes que celles du début du printemps pour la production des terfez (Mostowfizadeh-Ghalamfarsa et al, 2010).
3.2. Plantes associées aux terfez Les plantes herbacées ou arbustives de la famille des Cistacées annuelles ou vivaces sont les plantes hôtes des truffes du désert (Chevalier et al., 1984). Cette famille regroupe 8 genres et environ 180 espèces, de la zone tempérée et subtropicales de l’hémisphère nord, spécialement dans les climats méditerranéens (Guzman et Vargas, 2009). Certaines espèces appartenant au genre Helianthemum sont fréquemment associées aux terfez (Fig. 1) (Awameh, 1981; Fortas et Chevalier, 1992 b; Honrubia et al., 1992; Khabar et al., 2001; Kovacs et al., 2002 et 2003; Roth-Bejerano et al., 2004; Morte et al., 2008; Mostowfizadeh-Ghalamfarsa et al., 2010; Slama et al., 2010; Sbissi et al., 2011; Jamali et Banihashemi, 2012). Elles sont des indices de repérage des sols à terfez; leurs ascocarpes à maturité soulèvent et craquèlent le sol sous-jacent (Fig. 2) (in Fortas, 1990). En Algérie, les terfez se trouvent le plus souvent à proximité des hélianthèmes annuels ou pérennes comme H. guttatum, H. lippii, H. aegyptiacum et H. salicifolium, H. hirtum, (Fortas, 1990 ; Fortas et Chevalier, 1992b; Bradai, 2006; Bissati, 2006; Bissati et Bradai, 2009; Aïbeche, 2008; Zitouni, 2010). Certaines espèces de terfez ont été récoltées sous d’autres cistacées tels que Xolantha guttata et Fumana hispidula décrite pour la première fois (Sànchez-Gomez et al., 2011), Cistus albidus, C. ladaniferus, C. monspeliensis, C. salvifolius, C. populifolius et C. incanus (Kagan-Zur et al., 1995; Díez et al., 2002; Comandini et al., 2006; Zaretsky et al., 2006).
D’autres par contre, se développent sous des espèces végétales appartenant à diverses familles de plantes herbacées ou arbustives comme Artemisia herba, Plantago albicans (Malençon, 1973), Stipagrostis sp. (Kiraly et Bratek, 1992), Citrullus lanatus, C. vulgaris (Kagan-Zur et al., 1999; Kagan-Zur et Roth Bejerano, 2006), Cynodon dactylon (Kagan-Zur et al., 1995), Kobresia bellardii (Cyperaceae) (Ammarellou et al., 2007; Ammarellou et Saremi, 2008), Rhanterium suaveolens (Slama et al., 2004 ; 2006), Carex sp. (Ammarellou et al., 2006; Mostowfizadeh-Ghalamfarsa et al., 2010; Jamali et Banihashemi, 2012). Diverses terfez se rencontrent également sous des arbres comme Pinus en France (Janex- Favre et al., 1988), Pinus pinaster var. atlantica au Maroc (Khabar et al., 2001), des espèces d’ Acacia en Afrique du Sud (Kagan-Zur et al., 1995; Taylor et al., 1995; Kagan-Zur et Roth- Bejerano, 2008), Robinia pseudoacacia en Hongrie (Bratek et al., 1996; Kovacs et al., 2002 et 2003), Quercus ilex en France (in Diez et al., 2002; Kovacs et al., 2011), Quercus pubescens en Grèce (avec Balsamia vulgaris) (Diamandis et al. , 2008) Par ailleurs, divers travaux ont montré que les terfez peuvent former des mycorhizes chez de nombreuses espèces végétales tels que Terfezia leptoderma avec Geranium et Cerastium sp. (Castellano et Turkoglu, 2012), certaines espèces de Terfezia et Tirmania d’Algérie avec des céréales (orge, blé, maïs, pin d’Alep) (Belkheir, 1991; Tadja, 1996; in Fakiri et Seddiki, 2003). L’analyse des séquences ITS des mycorhizes a permis d’identifier sept plantes hôtes potentielles de Mattirolomyces terfezioides: Celtis occidentalis, Crataegus monogyna, Ligustrum vulgare L, Robinia pseudoacacia, Muscari racemosum (L.) Mill., Salvia glutinosa L. et Viola cyanea (Kovacs et al., 2007).
Position taxonomique des terfez Les terfez (genres Terfezia et Tirmania) sont des Ascomycètes hypogés (Discomycètes) anciennement classés dans la famille des Terfeziacées et l’ordre des Tubérales (Malençon, 1938; Trappe, 1971et; Korf, 1973) puis transférés dans l’ordre des Pézizales (Trappe, 1979; Donadini, 1983; Eriksson, 1999) et la famille des Pezizacées (Fig. 5). Leur classification a été confirmée grâce aux techniques de Biologie moléculaire (PCRRAPD PCR-RFLP) et l’étude phylogénétique (analyse des séquences ITS de l’ADNr, analyse des séquences 5,8S, 18S et 28S de l’ADNr) (Norman et Egger, 1999; Hansen et al., 2005; Ammarellou et al., 2007; Laessoe et Hansen, 2007; Kovacs et al., 2008; Kagan-Zur et Roth- Bejerano, 2008). De plus, Diez et al. (2002) ont affirmé l’origine monophylétique des deux genres Terfezia et Tirmania. Ces études moléculaires ont également classé Terfezia gigantea dans la famille des Morchellacées et le genre Imaia (Kovacs et al., 2008) et remplacé Terfezia terfezioides par le genre Mattirolomyces (Norman et Egger, 1999; Percudani et al., 1999; Diez et al., 2002). De nouvelles espèces ont aussi été identifiées comme Mattirolomyces tiffanyae (Healy, 2003), Terfezia alsheikhii (Kovacs et al., 2011b) et Mattirolomyces mexicanus (Kovacs et al., 2011a).
Deux autres truffes du désert de Kalahari Terfezia pfeilii et Choiromyces echinulatus appartiennent dorénavant aux genres Kalaharituber et Eremiomyces (Ferdman et al., 2005). Diverses études moléculaires ont bouleversé la classification antérieure de ces champignons. Par exemple, le positionnement moléculaire de Leucangium carthusianum dans la lignée Morchellaceae-Discinaceae, proposé par Sbissi et al. (2010), corrobore des études morphologiques et écologiques antérieures et confirme l’exclusion de cet espèce du genre Picoa (O’Donnell et al., 1997) et l’adhésion des deux espèces Picoa juniperi et Picoa lefebvrei dans le genre Picoa, famille des Pyronematacées (Sbissi et al., 2010; Ammarellou et al., 2011). Les résultats des analyses phylogénétiques de trois souches T. boudieri récoltées dans des voisinages étroits ont révélé la présence de trois types de séquences ITS différentes (Ferdman et al., 2009 et Kagan-Zur et al., 2009). Trois génotypes de T. boudieri de Tunisie ont aussi pu être identifiés par Sbissi et al. (2011). L’analyse des sequences ITS des ascomes de Terfezia pfeilii (syn Kalaharituber pfeilii) recoltes dans le meme endroit, montre l’existence d’une variabilite intraspecifique revelée par la présence de deux types de profils RFLP (Kagan-Zur et al., 1999). De même, plusieurs espèces de Terfezia n’ayant aucune différence anatomique évidente et considérées comme étant Terfezia olbiensis présentent au niveau génomique une grande variation des séquences ITS de l’ADNnr (Kovacs et al., 2011b). Ainsi, la taxonomie des Pézizales est significativement influencée par les techniques de Biologie moléculaire mais plusieurs familles de cet ordre sont toujours identifiées par les caractères morphologiques (in Percudani et al., 1999).
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