La mutation de la notion d’interface

Mon introduction présente un aperçu général des idées principales entourant la notion d’interface, idées qui seront développées davantage dans la présente section. Tel que mentionné auparavant, avec la naissance de l’informatique, des interfaces sont apparues pour permettre aux utilisateurs d’interagir avec cette nouvelle technologie.

« Lorsque vous interagissiez considérablement avec l’écran, vous aviez besoin d’une sorte d’appareil pour sélectionner des objets sur l’écran, pour indiquer à l’ordinateur que vous vouliez faire quelque chose avec eux » Douglas Engelbart, 2003, en se référant à 1964 (Moggridge, 2006, p. 28).

Pendant un certain temps, le but était de trouver une manière d’utiliser cette nouvelle technologie. Des métaphores ont été créées pour nous aider à comprendre la façon d’interagir avec les ordinateurs, comme le bien connu « bureau » et beaucoup d’autres interfaces que nous utilisons intuitivement de nos jours. Ces abstractions faites de pixels représentent nos espaces et actions de la vie réelle.

Grâce à l’accessibilité grandissante à la technologie, de nouvelles manières d’interagir avec les ordinateurs et les dispositifs furent proposées. Elles agissent sur un mode plus intuitif, utile et fantastique (Barragán, 2013) ; ces utilisations non seulement traduisent des concepts et des notions intangibles, mais se conçoivent à partir de la nature tangible de notre monde physique. Prendre la matérialité de notre monde comme un point de départ pour créer des interfaces implique d’inverser la notion de métaphore explorée dans le design interactif traditionnel ; puisqu’il ne s’agit plus d’une abstraction, mais plutôt d’ajouter aux objets/lieux de nouvelles qualités et attributs (Ishii, 2006).

Ces nouvelles interfaces font partie des objets que nous pouvons toucher et manipuler d’une certaine manière. Cette caractéristique est importante puisque si nous rendons tangibles les interfaces, les espaces et les objets deviennent dynamiques et interactifs. Notre présence, notre corps, dans l’espace se transforment en une source d’inspiration. À la fois, en utilisant ses capacités et limitations, ainsi que comme input de ces espaces en déclenchant des comportements et des états préconçus.

« Au bord de la mer, entre la terre des atomes et la mer des morceaux, nous devons concilier notre double citoyenneté dans les mondes physique et numérique. Nos fenêtres vers le monde numérique ont été confinées à des écrans plats rectangulaires et à des pixels — des “bits peints”. Mais tandis que nos sens visuels sont imprégnés de la mer de l’information numérique, nos corps restent dans le monde physique. Les “bits tangibles” donnent une forme physique à l’information numérique, rendant les bits directement manipulables et perceptibles. » Hiroshi Ishii (Moggridge, 2006, p.525, traduction libre)

Cette matérialité a été peu explorée et, presque toujours, elle a été reléguée à l’utilisation de manettes fonctionnant de manière similaire : des boutons et des joysticks qui simplement activent ou actionnent certains éléments sur nos écrans. Un des premiers artistes et chercheurs à explorer autrement cette matérialité était Hiroshi Ishii.

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Il est le fondateur et directeur du Tangible Media Group (TMG) au MIT. Leur travail est fascinant. Cependant, le projet dont je veux parler n’est pas affiché sur leur site. Il s’agit d’une bouteille, qui lors de son ouverture, joue un son qui reflète l’état de la météo du village natal d’Ishii. Ce projet a été inspiré par la relation qu’il avait avec sa mère, restée au village jusqu’à son décès. Le projet est devenu son hommage pour elle, par la suite, il a servi comme semence pour développer musicBottles.

musicBottles, explore le concept d’une interface qui permet aux utilisateurs de donner forme à l’expérience de composition musicale de manière tangible en manipulant des bouteilles. D’autres itérations du projet ont été proposées par le TMG, comme bottlogues et genieBottles.

Cela témoigne à mes yeux, de la possibilité de prendre une métaphore sincèrement intime et de la déployer hors de son contexte initial pour créer des dispositifs qui engagent d’autres personnes. Personnes qui au début n’avaient rien à voir avec ladite métaphore.

Je crois que concevoir des métaphores à partir d’expériences intimes confère aux interfaces un autre type de charme. Le phénomène vécu est tellement émouvant en luimême, qu’il transforme notre façon de voir les objets. C’est cela qui nous permet de leur attribuer de nouvelles caractéristiques.  une fois que les objets sont intégrés avec de nouvelles propriétés, le voile de la familiarité tombe et il est possible d’interpeller autrui. Le contenu, dans la mesure où il engage les utilisateurs, fait une grande partie du succès des dispositifs. Ceux-là doivent être capables d’établir un rapport avec ce qui est en face d’eux, le son est particulièrement avantageux à cet égard.

Table des matières

INTRODUCTION
PREMIER CHAPITRE MON PARCOURS : LE FLUX DU DESIGNER VERS L’ARTISTE
1.1 L’ORIGINE : SAISIR L’INTERDISCIPLINARITÉ
1.2 LE CADRE : UN MONDE ENRICHI PAR LA TECHNOLOGIE
1.3 UNE APPROCHE MÉTHODOLOGIQUE : UN CHEMIN CONSTRUIT AVEC DES
MORCEAUX
DEUXIÈME CHAPITRE LES RÉFÉRENCES CRÉATIVES : DE LÀ, JE VEUX SAUTER
2.1 LA MUTATION DE LA NOTION D’INTERFACE
2.2 LA DIMENSION QUI SUIT : LE RAPPORT AU COLLECTIF
2.3 L’INTERFACE À LA DIMENSION D’UN ENVIRONNEMENT
2.4 LES SEMENCES : EXPLORATIONS FAITES EN COURS
TROISIÈME CHAPITRE LES EXPÉRIMENTATIONS, LES RÉSULTATS ET L’EXPLORATION
3.1 L’IMPORTANCE DES SENS
3.2.1 LABORATOIRE # 1 : VOLVER • L’INTIME
3.2.2 LABORATOIRE # 2 : CREAR • LE COLLECTIF
3.2.3 LABORATOIRE # 3 : SEMBRAR • L’ENVIRONNEMENTAL
3.3 LA RÉCOLTE
CONCLUSION

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