La modélisation des bassins sédimentaires
L’un des tout premiers modèles de bassin a été proposé dans les années 1980 par Yukler . Dans ce modèle, Yukler détermine de façon quantitative le bilan de masse et l’énergie de transport pendant la sédimentation et propose un modèle déterministe 1D tenant compte des mécanismes importants intervenant lors de la sédimentation. L’un des points clés de ce modèle est de calibrer la température durant l’évolution du bassin et de prédire le niveau de pression de pores à partir des modèles de compaction. Le calibrage des températures dans le bassin permet d’évaluer le taux de craquage des hydrocarbures à partir des équations de cinétique chimique. Ainsi, à partir de ce calibrage il est possible de reconstituer la génération de pétrole et construire des cartes d’évaluation de la maturité des roches mères. Les premiers modèles de bassin sont réalisés principalement en 1D le long des puits avec une seule phase fluide. Il a fallu attendre jusqu’au début des années 1990 pour voir arriver une nouvelle génération de programmes de modélisation de bassin . Dans ces modèles la principale avancée est l’introduction de l’écoulement de Darcy en 2D et le raffinement du processus d’écoulement en prenant en compte les 3 phases du fluide : eau, huile et gaz. Avec le modèle d’écoulement de Darcy on est maintenant capable de modéliser d’autres processus importants durant l’historique du bassin tels que l’accumulation et la rupture de la couverture. Ensuite, d’autres innovations importantes sont apportées telle que le raffinement du comportement des failles, la description de la diffusion, la cimentation, et la fracturation. A partir de 1998, plusieurs programmes et outils de modélisation de bassin comportent des fonctions 3D, la calibration statistique, l’analyse de risque (pour quantifier la probabilité de succès ou d’échec) et la prise en compte des compressions et d’extensions tectoniques d’un point de vue géométrique. La performance de ces simulateurs étant nettement améliorée, l’utilisation de cette modélisation devient un standard dans l’industrie pétrolière. Pour construire un modèle de bassin, on commence par modéliser la sédimentation des couches plus anciennes jusqu’aux séquences de dépôt de couche plus récentes. Plusieurs 15 la modélisation des bassins sédimentaires processus géologiques sont considérés et introduit à chaque pas de temps dont les plus importants sont : le dépôt, la compaction, la génération d’hydrocarbures, le flux de chaleur, l’accumulation et la migration. Durant la modélisation, on considère que les couches sont créées sur la surface supérieure du modèle lors de la sédimentation et disparaissent avec l’érosion. Dans la phase de dépôt, on suppose que les évènements géologiques à l’origine de ce phénomène sont connus. Ainsi, les paléo-temps de dépôt peuvent être assignés aux différentes couches. L’épaisseur de dépôt est calculée à partir de la technique de « back stripping » [Watts et Ryan, 1976] ou à partir d’une restauration structurale. Le backstripping ainsi que la restauration structurale consistent à mettre au point un historique cinématique du bassin et se basent généralement sur des approches géométriques. L’évolution de la pression est influencée par la variation du chargement induit par l’enfouissement des sédiments durant la sédimentation et par l’écoulement des fluides. Un autre phénomène clé est la compaction qui consiste à la réduction de la taille des pores dans le bassin du fait de l’augmentation du chargement vertical lié à la sédimentation. Dans les modèles de bassin actuels on peut prendre en compte la génération de pression interne issue de processus comme la génération de gaz, la cimentation du quartz ou la conversion de minéraux (par exemple la transformation de la smectite en illite qui génère de l’eau).
Fracturation naturelle des sédiments
La fracturation naturelle des sédiments désigne toutes les discontinuités qui affectent la matrice rocheuse sans aucune intervention de l’homme. Par discontinuité, on entend toutes les fractures présentes dans les roches, et ayant une résistance mécanique en traction presque négligeable [Priest, 1993]. La présence de ces discontinuités modifie le comportement du bassin à cause de leur faible raideur et de leur faible résistance comparée à celle de la roche. Dans certains cas, elles peuvent constituer des chemins d’écoulement préférentiels et/ou des barrières qui contrôlent la perméabilité du milieu et par la suite la migration des fluides. Les propriétés mécaniques et géométriques des discontinuités rocheuses sont liées directement aux différents processus dont elles dérivent. Certaines discontinuités comme par exemple les interfaces entre les stratifications dans les roches sédimentaires apparaissent au cours de la formation du massif rocheux, tandis que d’autres sont générées par des processus physiques ou mécaniques consécutifs à la formation du massif rocheux comme par exemple les discontinuités d’origine tectonique ou thermique. Dans la littérature l’origine des discontinuités est discutée et des auteurs ont tenté de les classer en fonction des causes de leurs formations. Ainsi, Twenhofen distingue les discontinuités continentales issues de l’action d’un agent continental et recouvert par des dépôts continentaux et les discontinuités marines liées aux variations eustatiques (surface de ravinement, surface de « wave-cut »). Sanders quant à lui, établit une classification en prenant en compte à la fois les processus à l’origine de la formation de la discontinuité et des critères géométriques. Les terminologies utilisées actuellement pour classifier ces discontinuités se basent sur les déplacements relatifs des deux lèvres, la géométrie de leurs surfaces et l’échelle d’observation. D’un point de vue phénoménologique on en distingue deux types, les joints et les failles, décrits à partir des observations des affleurements naturels. En se référant à la définition de la Société Internationale de la Mécanique des Roches : un joint est une interruption d’origine géologique dans la continuité de la roche. On peut le retrouver seul, ou plus souvent en réseaux sans être accompagné par un mouvement visible parallèle à la surface de la discontinuité. A l’opposé une faille est une discontinuité ou une zone fracturée le long de laquelle il y a eu un déplacement relatif parallèle à la discontinuité. Ce déplacement peut être de quelques centimètres a plusieurs kilomètres. Ainsi, la différence entre joints et failles est liée à l’aspect visible du décrochement et dépend de l’échelle d’observation. Un joint peut être formé par une séparation strictement perpendiculaire au plan de la discontinuité ou impliquant un peu de déplacement suivant le plan de la discontinuité mais invisible à l’échelle d’observation.
Structure et géométrie des discontinuités naturelles
Dans cette partie on présente succinctement les principales caractéristiques géométriques des joints. Les caractéristiques hydromécaniques seront présentées dans les chapitres suivants. Forme et dimensions La forme et les dimensions des joints dépendent des caractéristiques du massif rocheux. Dans les roches sédimentaires les réseaux de joints sont souvent orientés perpendiculairement à la direction de stratification. Les dimensions des joints sont assez variables (de quelques millimètres à quelques centaines de mètres) et les lignes d’arrêt présentes sur la surface des joints suggèrent une forme elliptique. Les joints issus des épisodes géologiques sédimentaires et diagénétiques sont le plus souvent limités au banc. Dans ces cas, leurs longueurs varient de quelques centimètres à quelques mètres. Les joints issus des épisodes syntectoniques traversent en général l’ensemble de la couche et se forme dans les couches épaisses non stratifiées. Enfin les joints issus d’épisodes de soulèvement et d’érosion sont particulièrement longues et traversent des affleurements entiers stratifiés ou non. Direction, espacement et fréquence D’un point de vue purement directionnel les joints peuvent être classés en deux familles. On distingue ainsi les joints systématiques et les joints non-systématiques. Les joints systématiques sont organisés en famille avec un aspect quasi-parallèle, plan et un espacement assez régulier les sépare. Les joints non-systématiques au contraire présentent une géométrie non-parallèle et sont en général non plan [Hodgson, 1961; Engelder et Geiser, 1980]. En se basant sur une approche différente des familles directionnelles, Bazalgette [2004] propose, une répartition qui ne prend en compte que la persistance verticale et l’espacement des joints (figure 1.2). Sur la base de l’unité mécanique qu’il définit comme « une portion de pile sédimentaire dont les interfaces supérieures et inférieure limitent la persistance verticale d’un type donné de fracture », il déduit quatre catégories (voir figure 1.2) à savoir les couloirs fracturés, les fractures à haute persistance, les fractures à persistance modérée et les fractures limitées aux bancs. Dans les milieux stratifiés les observations faites sur le terrain montrent que l’espacement entre les joints est en général proportionnel à une unité mécanique et peuvent être très proche dans le cas où les joints se forment parallèlement à une contrainte compressive [Lorenz et al., 1991]. Toutefois les observations de Ladeira et Price [1981] montrent que ces espacements tendent à rester constant à partir de banc compétent supérieures à une certaine valeur. Dans certaines roches, l’espacement entre les joints peut ne pas être uniforme comme par exemple dans les roches ignées intrusives.
Mécanismes de formation des fractures naturelles dans les bassins sédimentaires
Dans les bassins sédimentaires les épisodes géologiques conditionnent la typologie des fractures, et la profondeur d’enfouissement est l’un des paramètres clés. Reconstituer l’historique de la profondeur des couches dans le bassin et les mécanismes inhérents à leur fracturation conditionnent l’évaluation pertinente de la caractérisation de la fracturation. Au cours de l’évolution d’un massif, Engelder [1985] propose quatre configurations de chargement capable de générer des joints en prenant en compte la profondeur, la pression interstitielle et la contrainte normale. Ainsi on retrouve : — les joints hydrauliques, — les joints tectoniques, — les joints de déchargement, — les joints de relaxation. Les joints hydrauliques se forment quand une pression de pores anormale se développe au cours de l’enfouissement par un déséquilibre de compaction ou par des sources de fluide internes ou externes. Les joints tectoniques se développent aussi sous l’effet de pressions interstitielles élevées. Dans ce cas, c’est la compaction résultante de la compression tectonique et non de l’enfouissement qui créée les surpressions. Les joints de déchargement se propagent durant l’érosion, lorsqu’une grande partie des couvertures est supprimée. Avec les joints de déchargement, c’est la contrainte tectonique et/ou les contraintes résiduelles qui contrôlent l’orientation des fractures. Pour que des joints de déchargement verticaux se développent, la contrainte effective horizontale doit nécessairement être de traction, notamment lors d’un refroidissement, ou à cause d’un effet poisson. Enfin, les joints de relaxation se forment sous l’effet de la surpression des couvertures due à l’érosion. L’orientation de ces joints est déterminée par la structure de la roche, et non pas, comme dans les trois cas précédents, par le système actuel de contraintes principales. Elles s’amorcent perpendiculairement à la direction de la compression tectonique à l’époque où elle s’exerce. Les joints formés pendant les épisodes de sédimentation et tectonique se développent sous des conditions de contraintes régionales uniformes. Cependant, les joints tectoniques sont influencés par les directions principales du champ de contrainte régional que par les structures locales ou les facteurs lithologiques. Les joints issus des épisodes d’érosion quant à eux semblent difficiles à relier aux contraintes régionales. Les processus d’amorçage et de propagation des joints en profondeur constituent jusqu’aujourd’hui un sujet ouvert. Il est évident d’observer que les joints en profondeur s’amorcent dans les roches aux niveaux des discontinuités géométriques mais les chargements à l’origine de l’initiation de ces fractures restent mal connus. Au début du XXème siècle, il est impossible d’imaginer que des joints s’amorcent en profondeur. En effet, cela supposait l’existence de contraintes de tractions locales, qui d’un point de vue analytique était incompatible avec le champ de contrainte en profondeur. Avec les travaux de Terzaghi qui introduit le concept de contraintes effectives, les idées sur ce sujet évoluent et débouchent sur l’analyse de la fracturation hydraulique naturelle. Dès lors, il est possible d’expliquer l’existence de contrainte de traction en profondeur . Suivant ce concept les joints s’initient lorsque la pression des pores dans le fluide excède la valeur de la contrainte principale mineure de compression. Cependant si la pression des pores est reconnue comme un facteur important dans le processus de fracturation un débat subsiste sur sa propension à être l’unique acteur dans ce processus. D’un point de vue purement mécanique l’hypothèse d’un chargement de traction est justifiée si l’espacement entre les fractures d’une même famille est suffisant. Ce phénomène est connu sous le nom d’effet d’écran, en effet si dans une couche une fracture apparaît le champ de traction de part et d’autre de la fissure se relaxe. Dans ces conditions l’amorçage d’autres fractures dans cette même couche n’est possible qu’à une distance suffisante de la première fracture. Ces observations limitent l’hypothèse de chargement de traction pour des configurations où les espacements entre les joints d’une même famille est adéquate. Néanmoins dans le cas où les couches enfouies se déplacent vers la surface, l’idée d’un chargement de traction reste crédible. Les déplacements des couches vers la surface s’accompagne de relaxation des contraintes dans le milieu qui se traduit par l’apparition de joints dits de décompression dont l’espacement minimal est fixé par l’épaisseur des bancs. Lorenz et al. quant à eux expliquent la formation de fractures naturelles dans un contexte regional par le phénomène de clivage axial. En effet, ils supposent que les fractures régionales se propagent en profondeur parallèlement à la charge de compression horizontale régionale maximale dans un milieu peu confiné. Ainsi, en se basant sur des relations poroléastiques, ils montrent que le moteur de fracturation en profondeur n’est pas forcément la traction effective agissant perpendiculairement au plan de fracturation, mais la compression effective parallèlement à ce plan. En supposant la convention de signe de la mécanique des milieux continus, la contrainte effective dans la roche est donnée par la relation de Biot [1941] : σ 0 = σ + bp (1.1) où σ 0 est la contrainte effective, σ la contrainte totale, p la pression de pores, et b le coefficient de Biot. Dans un réservoir les contraintes en profondeur dépendent du poids des sédiments, de la pression des pores, des composantes tectoniques et thermiques. Pour simplifier l’analyse dans la suite on néglige les composantes thermiques et tectoniques et on suppose que la roche a un comportement élastique et peut être considéré comme étant en condition oedométrique.