La mission de la Fondation Saint-Hubert
Connaissance de la mission
Je souhaitais, au travers de l’indicateur ci-dessus, vérifier si les personnes questionnées connaissent la mission de la Fondation Saint-Hubert et quelle est sa signification.
Lors des entretiens, sept personnes sur onze interviewées parlent de la réinsertion ou de la valorisation des rôles sociaux. Il s’agit de MSP formés ou en formation ainsi que des membres de la direction. Les quatre autres personnes donnent une description plutôt sommaire de la mission. Les deux MSP non formés estiment qu’elle se limite à l’occupation des personnes en situation de handicap. Afin de souligner l’importance du travail en lien avec la réinsertion sociale, je souhaite citer un auteur de la revue Empan. Ainsi, Le Dantec (2004) soulève que « Pour les personnes handicapées, le travail reste aujourd’hui encore une clé pour une insertion sociale » (p.73).
Mais qu’est-ce que l’insertion ou la réinsertion sociale ? Où cela se passe-t-il pour les personnes en situation de handicap ? Dans le premier marché du travail ou en institutions. Trois MSP interviewés pensent que la mission de Saint-Hubert consiste à réinsérer des personnes en situation de handicap au premier marché du travail. Il s’agit ici d’une fausse interprétation de la mission, si nous nous basons sur les statuts de la Fondation, résumés dans l’affirmation ci-après. Selon A.-Ch. Dini (communication personnelle [Entretien], 08.10.2015), « la réinsertion elle se fait à Saint-Hubert. On leur offre une place de travail, ils peuvent avoir un salaire ils ont des vacances, ils ont un rythme de vie, ils rencontrent des collègues, etc. ».
Seulement quatre personnes sur onze parlent du modèle d’intervention, à savoir la valorisation des rôles sociaux ou la revalorisation des gens par le travail. Des notions constitutives de la VRS, par exemple la normalisation ou la responsabilisation, émergent seulement chez une personne.
Concernant ces deux termes phares, F. Rapillard affirme (communication personnelle [Entretien], 06.10.2015), « Il y a la normalisation, il y a la valorisation des rôles sociaux, il y a la responsabilisation. Ce que j’ai cherché à faire au moment où j’étais au foyer, c’était rapprocher les gens plus possibles de la normalité. Si la normalité elle est définie comme le fait d’être inclus dans la société par le biais du travail, je pense que c’est encore assez vrai, moi j’essaie, par le biais de mon action socio-éducative de rapprocher les gens en difficulté de cette réalité-là.
C’est motiver les gens à être responsable, je pense que la responsabilité c’est presque encore plus fort que la normalisation. C’est ces deux axes qui me guidaient dans la façon de conduire des gens et encore aujourd’hui».
Malgré l’importance des deux principes fondamentaux mentionnés plus haut, les MSP n’en parlent, pour ainsi dire, pas dans les entretiens. Or, comme j’ai pu constater à travers des réponses à la question suivante, un certain nombre de principes qui définissent la VRS sontappliqués naturellement, sans que le MSP connaisse vraiment le terme de la valorisation des rôles sociaux et en quoi il consiste exactement .
Application au quotidien
Après vérification de la connaissance de la mission, il me paraissait important de m’intéresser à la manière dont ces deux principes phares sont traduits dans le quotidien. Alors j’ai demandé aux interlocuteurs de me citer des exemples d’applications. Selon les entretiens, la valorisation à Saint-Hubert se fait par la parole, le salaire, l’autonomie, en attribuant des missions particulières aux CLI, en leur faisant confiance. En rapprochant les gens le plus possible de la normalité et en les motivant à être des personnes responsables. M. Wolfensberger (1991) a défini les attentes d’application pour les institutions travaillant selon la VRS comme suit : Concernant les activités du programme et d’autres éléments de programmation, un service valorisera vraisemblablement les rôles sociaux si :
– il répond précisément aux besoins des personnes qu’il sert, et le fait de manière individualisée, représentant un vrai défi pour elles ;
– s’il a des horaires habituels dans la culture, voire très valorisés pour des personnes du même âge que ses clients :
– s’il ne mêle pas des activités et des fonctions qui, pour les personnes culturellement valorisées, se dérouleraient à des heures différentes et dans des endroits distincts :
– s’il promeut l’emploi et la possession par ses clients d’objets et matériels qui transmettent des images positives sur la place qu’ils occupent dans la société et sur leur âge, et qui aident aussi é développer et pratiquer leurs compétences ;
– et s’il encourage les interactions adaptatives, sources de développement d’une identité valorisante. (p.70)
En comparant ce bout de texte aux exemples émis par les personnes interrogées, j’ai constaté un transfert tout à fait remarquable entre la théorie et la pratique. Nous retrouvons les éléments clés, comme le rapprochement des gens à la normalité culturelle, la reconnaissance des compétences et par le salaire et par l’octroi de missions particulières, ainsi que l’adaptation individualisée de l’activité aux capacités de chaque CLI.
En parlant d’attribution des tâches ou des missions particulières, Y. Rebord dit (communication personnelle [Entretien], 06.10.2015), « Des fois il faut confier des missions particulières aux gens, leur faire confiance».
Afin de souligner à quel point cette affirmation est proche de la réalité des travailleurs du premier marché du travail, ceux qui représentent la norme dans une société, je propose une citation que j’ai trouvée dans un article dans le journal Le Temps. «L’expérience montre cependant qu’un employé à qui l’on fait confiance exprime dans 70% des cas sa reconnaissance en faisant cadeau à son employeur d’une plus grande productivité » (Castillo, 2015, p. 23).
Concernant la réinsertion sociale, j’ai obtenu les renseignements suivants. Certains CLI développent à Saint-Hubert pour la première fois une identité de travailleur. Ils bénéficient des conditions similaires au premier marché du travail. Ils touchent un salaire, fréquentent des collègues et des responsables d’atelier et ils ont droit aux vacances comme des ouvriers « traditionnels ». Afin de pouvoir comparer le résultat des entretiens et ce qui est explicitement compris par réinsertion sociale, je propose la définition suivante : Par réinsertion, on entend l’intégration sociale et professionnelle des personnes exclues de la société. Leur exclusion peut être due à :
– leur situation précaire : allocataires des minima sociaux, personnes accueillies en CHRS (Centre d’Hébergement et de Réinsertion Sociale) ou autres structures d’accueil, sans revenus, sans domicile, chômeurs de longue durée, n’ayant jamais travaillé
– leur handicap
– leur sortie de prison
L’objectif est de permettre aux personnes exclues de retrouver autonomie et confiance en soi, notamment par le travail, l’accès à un logement, la création d’un lien social… Les trois « piliers » de la réinsertion sont l’éducation, le logement et l’emploi. Au niveau national, les actions sont souvent orientées vers les personnes en situation de handicap, les anciens détenus, les immigrés et les sans-abri. Au niveau international, les enfants sont les plus visés par les activités de réinsertion : enfants des rues, enfants soldats, enfants orphelins du Sida, etc. (Portail de la solidarité, s.d.) .
1. Introduction |