la mise en place d’une enquête prédicative

La réalité statistique du contentieux de l’impayé

Se référer aux données statistiques du contentieux de l’impayé au Maroc nous permettra sans doute de nous rapprocher de la réalité pratique du contentieux de l’impayé durant ces dernières années. Et ce, dans le but d’établir un constat à partir duquel on pourra cerner la problématique. En effet, les chiffres du contentieux de l’impayé sont un élément incontournable du dénouement de l’impayé, qui peut à l’évidence nous orienter vers l’approche générale de recouvrement, sans qu’il soit pour autant un indicateur fiable de l’évolution positive ou négative du contentieux de l’impayé. On mettra l’accent sur la contexture de l’approche statistique (A), pour pouvoir soulever des conclusions qui en constituent la quintessence (B).

La contexture de l’approche statistique

Le ministère de la justice au Maroc récence les affaires relatives à l’impayé selon le type de procédure, et selon la juridiction devant lesquelles elles sont traitées.
Il distingue par ailleurs, dans une année civile, le nombre d’affaires traitées et le nombre d’affaires ayant été enregistrées et en cours, n’ayant pas été traitées. En outre, il procède à distinguer les affaires ayant fait l’objet d’une exécution, et celles, qui n’ont pas encore été exécutées.
Cependant, il ne fait aucune distinction de la nature du contrat objet du contentieux de l’impayé, contrairement à son homologue Français, qui, récence le nombre des affaires liées à l’impayé en fonction de la nature du contrat45. Or, toutes ces affaires ont pour objet le paiement d’une somme d’argent ou l’exécution d’une obligation pécuniaire.
En effet, les statistiques fournies par le ministère contiennent celles relatives aux années 2008, jusqu’à 2010. Le service chargé des statistiques au sein du ministère ne procédait pas à distinguer les affaires relatives à l’impayé avant 2008, mais, il confirme par ailleurs, une explosion de ce type de contentieux durant cette dernière décennie. Faute de chiffres du contentieux de l’impayé antérieurs à 2008, on se contentera d’analyser les chiffres assez récents du contentieux de l’impayé.
D’emblée, on peut constater comment les affaires relatives à l’impayé ont évolué en nombre devant les juridictions commerciales, depuis l’année 2008 jusqu’à 2010.
En effet, les chiffres émanant du ministère de la justice46, relatives aux affaires liées à l’impayé devant les juridictions commerciales, portent uniquement sur les procédures d’injonction de payer, qui constitue sans doute la procédure la plus utilisée en la matière.
Ces injonctions de payer devant les juridictions commerciales, se manifestent par une tendance à la hausse ces dernières années. Cet accroissement, a été caractérisé par une continuité durant les années d’observation.
Cette tendance haussière a marqué l’année 200847, pour atteindre une hausse remarquable l’année suivante, atteignant quasiment 25%48.
En 2010, la hausse des procédures d’injonction de payer était plus conséquente, atteignant une hausse dépassant 62% comparativement à l’année antérieure49, et dépassant 94% par rapport à 2008.
Quant à l’exécution des injonctions de payer, 9695 procédures d’injonction de payer ont été exécutées, contre 3512 injonctions de payer non exécutées. Idem pour les années précédentes et les années suivantes, en effet, une moyenne importante de ces injonctions de payer demeure sans exécution50.
Relativement aux affaires liées à l’impayé, portées devant les juridictions civiles, les chiffres du ministère les distinguent selon le type de procédure engagée, à savoir, les procédures au fond, et les injonctions de payer.
A l’égard des procédures contentieuses de l’impayé, engagées au fond, celles-ci ont été épargnées de cet accroissement à la différence des injonctions de payer.
En effet, des baisses de ces procédures ont été constatées après 2008, avec une baisse de 10% comparativement à l’année suivante, et de quasiment 13% en 2010 par rapport à l’année précédente.
Il convient de souligner qu’un nombre important des procédures qui relèvent de l’impayé, menées au fond, ne sont pas jugées annuellement, comparativement aux affaires qui sont en cours et ayant été enregistrées, par exemple, en 2008, 14812 procédures contentieuses d’impayé ont été réglées, contre 32759 affaires enregistrées. Ce qui représente une moyenne de 45% des affaires traitées par rapport aux affaires enregistrées. En 2009, cette moyenne a augmenté51 pour atteindre 55%.
En ce qui concerne les injonctions de payer portées devant les juridictions civiles, celles-ci, ont également connu un accroissement ces dernières années, au même titre que devant les juridictions commerciales.
En 2008, les juridictions civiles ont statué sur 16778 injonctions de payer, contre 18365 en 2009, avec une hausse qui dépasse 9%.
Toutefois, cette augmentation des injonctions de payer traitées devant l’ensemble des juridictions civiles a été plus significative en 2010, dernière année d’observation, atteignant une hausse de presque 53% sur 2009, et dépassant 67% par rapport à 2008. Toutefois, il convient de préciser que les juridictions statuent, sur la quasi-totalité de ces procédures.
Par rapport à l’exécution des injonctions de payer portées devant les juridictions civiles, une moyenne de 24% des injonctions de payer sur lesquelles les tribunaux ont statué, restent sans exécution, entre 2008 et 201052.
Par voie de conséquence, on peut constater que la hausse des affaires relatives à l’impayé devant les juridictions civiles est générale, en dépit de la légère baisse qui a marqué les procédures au fond entre 2009 et 201053.
Généralement, on peut observer comment les affaires relatives à l’impayé ont augmenté aussi bien devant les juridictions civiles que commerciales. En 2008, l’ensemble des affaires liées à l’impayé, s’élevait à 62065 affaires en cours, comportant les procédures au fond et les injonctions de payer devant les juridictions civiles, et les injonctions de payer devant les juridictions civiles. Ce chiffre a atteint 78658 affaires en 2010. Soit une hausse qui dépasse 26%.
Le même constat peut être soulevé par rapport aux affaires ayant été traitées par les mêmes juridictions et durant les mêmes années, sauf que l’accroissement du traitement de ces affaires est plus important, en 2008, le nombre d’affaires ayant été traitées s’élevait à 44097 affaires, contre 66090 affaires en 2010, soit une hausse de presque 50%.

La quintessence

Certes, l’absence de statistiques relatives aux affaires liées à l’impayé, menées au fond et en référé , devant les juridictions commerciales constitue un handicap, pour pouvoir établir un constat plus clair sur l’ensemble du contentieux de l’impayé porté devant les juridictions commerciales. Néanmoins, l’accroissement du contentieux de l’impayé est incontestable devant ces juridictions, étant donné que la procédure d’injonction de payer apparaît comme la procédure la plus utilisée au Maroc devant ces juridictions en matière d’impayé. En raison de sa rapidité et son efficacité, d’autant plus, que les tribunaux commerciaux statuent annuellement sur toutes les demandes d’injonction de payer qui remplissent les conditions de forme et de fond54 exigées par le code de procédure civile. Ce qui peut inciter les débiteurs à y recourir.
Conséquemment, l’expansion des procédures d’injonction de payer devant les juridictions commerciales est une évidence. Elle est assez significative pour être expliquée par une explosion des transactions commerciales, qui entraîne à l’évidence des impayés. Ou encore par l’accentuation d’une crise économique mondiale.
En outre, cet accroissement des affaires contentieuses de l’impayé, ne pouvait pas être sans incidence sur l’exécution des injonctions de payer, qui s’est vu diminué en moyenne avec la hausse continuelle des procédures d’injonction de payer. En effet, un nombre important des titres exécutoires résultants des injonctions de payer et susceptible d‘être exécuté, demeure annuellement sans exécution. Cette moyenne des injonctions de payer qui restent sans exécution s’est hissée d’une manière concomitante avec l’accroissement de ces procédures, et notamment entre 2008 et 201055.
Alors, cela peut nous conduire à s’interroger sur la mise en œuvre et l’efficacité du titre exécutoire, une exécution forcée qui suscite des interrogations et une remise en question. S’agit-il d’un encombrement des juridictions par ce type de contentieux, qui provoque des difficultés d’exécution ?
A l’ égard du contentieux de l’impayé devant les juridictions civiles, les procédures au fond et les injonctions de payer sont assez révélatrices, en dépit de l’absence des chiffres relatifs aux procédures en référé.
De même pour ces juridictions, l’accroissement de ce type de contentieux ne peut pas passer inaperçu, et ne peut être réfuté. En effet, l’expansion des procédures au fond, et les injonctions de payer, liées à l’impayé, particulièrement ces dernières années, ont atteint un seuil sans précèdent.
Toutefois, cette expansion a été caractérisée par une légère baisse des procédures menées au fond après 2008, mais celle-ci peut s’expliquer par un basculement des procédures de l’impayé menées au fond, vers des injonctions de payer, qui, à l’instar des juridictions commerciales, sont pratiquement toutes jugées devant les juridictions civiles, contrairement aux procédures de l’impayé engagées au fond, dont la moyenne des affaires traitées ne dépasse pas la moitié comparativement aux affaires en cours.
D’autre part, les difficultés relatives à l’exécution des injonctions de payer devant les juridictions civiles, peuvent être relevées à l’exemple des juridictions commerciales, étant donné qu’une partie non négligeable des injonctions de payer susceptible d’être exécutées, restent sans exécution.
55-en 2008, la moyenne des injonctions de payer restées sans exécution, par rapport à l’ensemble des injonctions de payer susceptibles d’être exécutées est de 26%, en 2009, cette moyenne s’est élevée à 33%, pour dépasser 43% en 2010.
On peut aussi, remettre en question la moyenne assez faible des affaires liées à l’impayé, jugées annuellement au fond, comparativement aux affaires en cours ayant été enregistrées, cette moyenne n’atteint pas la moitié.
En résumé, l’expansion du contentieux de l’impayé ces dernières années est générale, à la fois devant les juridictions civiles que devant les juridictions commerciales. Cet accroissement ne s’applique pas uniquement sur les affaires en cours ou ayant été enregistrées, mais aussi sur les affaires ayant été traitées par l’ensemble de ces juridictions.
Aujourd’hui, les affaires relatives au contentieux de l’impayé sont plus présentes que jamais devant l’ensemble des juridictions nationales, elles représentent par ailleurs une moyenne importante sur l’ensemble des affaires traitées devant ces juridictions, toutes branches confondues56. Sans négliger les exécutions relatives à l’impayé qui occupent autant de place que les affaires.
Cette expansion générale et continue du contentieux de l’impayé au Maroc, révèle un nombre important de difficultés qui découlent du recouvrement de l’impayé, aussi bien à l’amiable que forcé. Ces difficultés sont de nature à remettre en cause l’approche globale et le processus de recouvrement.
L’accroissement de l’impayé est un constat réel, mais qui ne peut pas être démontré uniquement par des chiffres, ou des éléments statistiques, mais par d’autres arguments qui doivent corroborer la thèse de cette expansion générale de l’impayé devant toutes les juridictions, et par voie de conséquence, mettre la lumière sur les écueils de recouvrement qui peuvent expliquer cette explosion du contentieux de l’impayé.

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