La mise en marque des territoires français : la guerre de l’attractivité

La mise en marque des territoires français : la guerre de l’attractivité

Les diverses méthodes de marketing territorial au service de l’attractivité des territoires

 Comme un médecin qui recherche une maladie pour un de ses patients, la mise en marque des territoires et la stratégie marketing qui y est associée nécessite un diagnostic de fond (A.) qui est l’étape préalable afin de trouver un bon positionnement, une offre cohérente et une stratégie marketing et de communication à la marque (B.). A. Le diagnostic territorial : Comprendre le territoire pour mieux le représenter Étape essentielle avant la construction de la marque en tant que telle, le diagnostic identitaire a pour but de dresser un portrait du territoire à mettre en marque. La DATAR (Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale), devenue aujourd’hui le CGET (Commissariat général à l’égalité des territoires), définit ce diagnostic comme un « état des lieux qui recense, sur un territoire déterminé, les problèmes, les forces, les faiblesses, les attentes des personnes, les enjeux économiques, environnementaux, sociaux. […] Il fournit des explications sur l’évolution passée et des appréciations sur l’évolution future »18. C’est donc à la fois un diagnostic quantitatif, qui vise à rassembler des données chiffrées sur le territoire qui permettront une comparaison plus « scientifique » et un diagnostic qualitatif beaucoup plus basé sur les médiations et les interactions factuelles entre les individus et les différentes organisations d’un territoire donné. 1. Définir le territoire d’action La première étape fondamentale est de définir les frontières du territoire qu’il faut mettre en marque. Cette étape peut paraître simple, puisque le territoire à mettre en marque est en général défini administrativement : une ville a ses frontières, un département ou une région de même. Cependant, plusieurs territoires, et nous le verrons plus tard, peuvent décider de partager une marque et donc les frontières administratives n’ont plus de sens dans ces cas précis. Comme nous l’avons précisé en introduction, il y a des territoires fondés directement par l’Etat à frontières intangibles (départements, régions). Mais il y a aussi de nouveaux EPCI, qui se fondent d’eux-mêmes. Ce sont donc de nouveaux territoires qui, s’ils souhaitent se mettent en marque, doivent créer un nouveau récit. 

S’appuyer sur les forces vives du territoire 

La deuxième étape consiste à identifier les différents agents et parties prenantes en action sur le territoire. Le concept de parties prenantes nous vient initialement du marketing privé et fut transposé au secteur public. En 1984, Edward Freeman a développé le concept de « stakeholders »19, où il critiquait le fait que seuls les propriétaires (« stockholders ») des entreprises étaient une cible prioritaire des opérations de marketing. Ainsi, il énonçait que d’autres groupes avaient un intérêt dans l’entreprise et qu’il fallait s’adresser à eux. Les clients sont dès lors devenus eux aussi des cibles prioritaires. Jonh Bryson, s’inspirant de la théorie des « stackeolders » de Edward Freeman, parle des parties prenantes comme tous les individus qui peuvent revendiquer une attention, les ressources ou la production d’une organisation, ou qui sont affectés par la production du produit marqueté. Si l’on applique cette définition au secteur public et au marketing territorial, une partie prenante désigne une personne, une organisation ou un groupe qui a un lien avec le territoire donné. Ainsi dans les années 1980-1990, en plein développement de théories sur le marketing public, ce concept de parties prenantes s’est appliqué au secteur public et à la gouvernance territoriale. Certains auteurs estiment que les parties prenantes correspondent aux groupes d’individus qui ont une influence directe sur l’organisation future d’un organe public . D’autres intègrent aussi des groupes d’individus qui  n’auront peut-être pas de pouvoir sur l’organe public, mais qui ont tout de même une présence significative sur le territoire. Cette théorie de la partie prenante appliquée au marketing territorial désigne donc un « principe managérial dans lequel il est essentiel de penser en termes de clients et de marché ». Les parties prenantes de ce « marché » territorial se définiraient comme « des ensembles coordonnés d’acteurs hétérogènes, géographiquement proches, qui coopèrent et participent collectivement à un processus de production ». Ces parties prenantes sont dès lors essentielles, puisqu’elles forment un réseau territorial sur lequel s’appuyer. La collectivité qui met en place sa marque territoriale doit donc animer ce réseau, souvent composé de chefs d’entreprises, de scientifiques d’horizons divers, de personnalités du monde artistique… afin de les faire participer à la création de la marque et d’en faire de futurs porte-voix. 

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Des méthodes quantitatives et qualitatives de diagnostic

 La première chose à dire, c’est qu’il existe de multiples outils pour effectuer un diagnostic territorial. Il ne s’agira donc pas d’exposer toutes les méthodes dans le détail, mais simplement d’exposer les principales, pour la plupart complémentaires, dont celles utilisées par CoManaging pour la construction de la marque d’attractivité de Tours Métropole, effectuée dans le cadre de mon stage. Pour la première méthode, il semble nécessaire de présenter ici la méthode développée par Vincent Gollain (Chef du service économie et marketing territorial de l’Institut d’aménagement et d’urbanisme d’Ile de France) de manière plus détaillée. Elle est en effet particulièrement intéressante en ce qu’elle cherche à mettre en valeur les avantages comparatifs d’un territoire afin de le distinguer vraiment des autres territoires et, a fortiori, de distinguer sa future marque territoriale des autres marques existantes. Elle est par ailleurs la plus complète et mobilise à la fois des critères qualitatifs et quantitatifs. Cette terminologie et théorie des avantages comparatifs, initialement développée par Adam Smith dès 177623, montrait qu’un pays gagnait un avantage commercial et productif à se spécialiser dans le secteur d’activité pour lequel il était le plus productif et à abandonner les secteurs pour lesquels il l’était moins. Appliqué au marketing, un territoire aurait plutôt intérêt à communiquer sur un secteur d’activité pour lequel il est à la pointe, plutôt qu’à essayer de communiquer sur des secteurs peu existants et donc moins attirants. Cette méthode communément appelée « CeriseRevait ® » 24 a pour but de construire une argumentation marketing véritablement différenciante et attractive par rapport aux autres territoires. Elle repose sur une analyse de l’offre du territoire étudié, la demande des entreprises et l’analyse des concurrents. Dès lors, Vincent Gollain fait reposer le diagnostic sur des composantes et des critères clés de décisions de l’entreprise ou d’autres agents en lien avec le capital du territoire. Ces composantes reposent sur des caractéristiques différentes, à la fois immobiles (infrastructures), circulantes (investissements), naturelles (ressources présentes d’elles-mêmes), complexes (savoir-faire local), matérielles ou immatérielles (marques existantes, organisation des services publics…). 

Table des matières

Introduction
PARTIE 1- Les méthodes de construction de marques de territoires en profusion : des outils marketing adaptés à une concurrence croissante dans le millefeuille territorial français
I. A chaque échelon territorial français sa marque de territoire
A. Des marques à tous les étages
B. Les facteurs déclencheurs de la mise en marque
II. Les diverses méthodes de marketing territorial au service de l’attractivité des territoires
A. Le diagnostic territorial : Comprendre le territoire pour mieux le représenter
B. Créer la stratégie de communication et d’attractivité de la marque territoire
Focus : Quel positionnement pour la marque de Tours métropole ?
PARTIE 2 – Le nouvel enjeu du marketing territorial dans la guerre concurrentielle des territoires français : Conjurer le risque de l’illisibilité des marques et des conflits territoriaux
I. L’immixtion d’un jeu politique conflictuel dans un univers de marque de plus en plus illisible
A. La marque territoriale : un outil de plus en plus uniforme dans un univers concurrentiel ?
B. Les marques d’attractivité: outils de domination et de résistance politique des territoires ?
II. Des marques d’attractivité désormais conçues pour être
singulières
A. La construction de marques partagées pour l’union
« communicationnelle » et politique des territoires
Focus : Quel code de marque pour la marque de Tours métropole ?
B. Les nouvelles pratiques pour réussir une marque d’attractivité singulière : le marketing territorial du futur 
Focus : Quel territoire pour la marque de Tours métropole ? 
Conclusion
Bibliographie
Annexes
Résumé
Mots-clés

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