La microstructure d’irradiation d’un acier 304 irradié aux ions lourds
Vieillissement des aciers austénitiques inoxydables par l’irradiation
L’irradiation par les neutrons a un impact sur les matériaux de structures tels que les aciers austénitiques composant les vis de liaison et les pièces de renforts. On décrit ici la modification de leur microstructure et de leurs propriétés mécaniques par l’irradiation. I.B.1 Microstructure induite par l’irradiation
Bombardement neutronique
Le bombardement de particules telles que des neutrons provoquent l’apparition de défauts d’irradiation dans la microstructure des aciers austénitiques inoxydables. Les neutrons, issus de la réaction de fission, sont caractérisés par leur énergie cinétique. Un réacteur se distingue par son spectre neutronique, c’est-à-dire le flux de neutrons émis en fonction de leur énergie. Ainsi, un réacteur à neutrons rapides (RNR) possède un spectre neutronique qui s’étend majoritairement dans les hautes énergies (voir Figure I-2), les réacteurs à eau pressurisée (REP) disposent quant à eux d’un spectre étendu entre les neutrons thermiques et les neutrons rapides. Figure I-2 : Flux neutroniques de différents réacteurs expérimentaux. (Pokor 2003). Synthèse bibliographique 12 Les neutrons dans un REP peuvent atteindre les éléments de structure entourant le cœur du réacteur. Des collisions peuvent avoir lieu et provoquent l’éjection d’atomes de leur site cristallin. Les atomes éjectés se retrouvent en positions interstitielles dans le matériau et des lacunes se créent au niveau des sites atomiques initialement occupés par les atomes éjectés. Les couples interstitiellacune forment des paires de Frenkel. L’interstitiel, s’il est issu d’une interaction directe avec un neutron, est appelé PKA (primary knocked atom) et peut à son tour rentrer en collision et éjecter d’autres atomes contenus dans le matériau si son énergie est suffisante. Cette succession de créations de paires de Frenkel est appelée une cascade de déplacements. L’unité de déplacement par atome (dpa) permet d’indiquer combien de fois chaque atome contenu dans le matériau irradié a été éjecté de son site. Elle évalue alors le nombre de paires de Frenkel créées durant l’irradiation. Cette unité a été créée pour permettre de comparer différentes irradiations entre elles, indépendamment du spectre énergétique et du type de particules utilisées. En fin de vie des REP, certains éléments internes peuvent atteindre localement la dose de 80 dpa. Lors d’une irradiation aux neutrons, la majorité des paires de Frenkel s’annihilent entre elles à la suite de ces cascades. La présence de défauts ponctuels résiduels est à la base des défauts d’irradiation. La diffusion des défauts ponctuels en sursaturation dans le matériau provoque la formation et à la croissance d’amas interstitiels ou lacunaires. Plusieurs types de défauts se distinguent (Maziasz and McHargue 1987) : les black-dots, les boucles de dislocations, les cavités et bulles. La diffusion de ces défauts ponctuels induit également l’apparition de ségrégation chimique et de précipitation. La densité et la taille des défauts microstructuraux dépendent des conditions d’irradiations, notamment de la température (Figure I-3), qui joue sur la diffusion des défauts ponctuels. Les défauts généralement rencontrés après irradiation sont décrits par la suite.
Black-dots
Ces défauts sont les défauts principaux lors d’irradiations à basses températures (<300°C). Ces défauts sont nommés ainsi du fait du contraste sous forme de point noir qu’ils provoquent lors de leur observation en microscopie électronique en transmission (MET) en champ clair. Leur taille est de l’ordre du nanomètre, ce qui correspond généralement à la limite de résolution des MET, d’où la difficulté d’identifier leur nature. Certaines études décrivent les black-dots comme des amas d’interstitiels (Edwards et al. 2003; Fukuya et al. 2006) et d’autres comme des amas de lacunes (Bruemmer et al. 1999). La densité de ces défauts évolue peu en dessous de 300°C, mais leur densité diminue au-delà.
Boucles de Frank
Les boucles de Frank sont des amas interstitiels ou lacunaires formant des boucles de dislocations fautées. Yang (Yang et al. 2012) a cependant montré que les boucles d’un diamètre supérieure à 10 nm formées lors d’irradiations aux neutrons sont de nature interstitielle. Ces boucles se forment sur les plans {111} et leur vecteur de Burgers est a/3[111], a étant le paramètre de maille de la matrice. Ces boucles sont sessiles et donc ne se déplacent pas dans leur plan lors de la sollicitation mécanique du matériau, contrairement aux dislocations glissiles qui participent à la déformation. Ces défauts sont donc des obstacles au déplacement des dislocations glissiles. La présence de ces boucles dans le matériau provoque un durcissement dans les premiers stades de la plasticité. Pour des températures proches de 300°C, la densité de boucles de Frank sature à faible dose, entre 1 et 5 dpa (Was and Andresen 2012) et leur taille sature à plus forte dose, entre 5 et 10 dpa (Figure I-4). Leur population évolue significativement avec la température puisque leur taille augmente tandis que leur densité diminue.
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