Cas clinique détaillé d’une patiente incluse dans l’essai CELLCORDES-Fraction vasculaire stromale d’origine dipeuse et cordes vocales cicatricielles
Les patients présentant des cordes vocales cicatricielles (de manière congénitale ou après phonochirurgie) sont actuellement difficiles à traiter et présentent une dysphonie souvent invalidante au quotidien. Plusieurs thérapies sont disponibles sur le marché, mais leurs résultats sont souvent décevants. La Fraction Vasculaire Stromale (FVS) autologue d’origine adipeuse est reconnue comme une source facilement accessible de cellules aux propriétés angiogéniques, anti-inflammatoires, immunomodulatrices et régénératrices. Nous présentons ici le cas d’une femme âgée de 43 ans qui souffrait d’une dysphonie sévère en lien avec des cordes vocales cicatricielles après phonochirurgie, résistante aux traitements médicaux et chirurgicaux conventionnels. Elle a reçu une administration locale de FVS autologue. Le protocole comprenait, le même jour, une extraction du tissu adipeux, la préparation de la FVS puis l’injection locale de FVS (0,45 ml dans chaque corde vocale, pour un total de 12,2 millions de cellules viables de FVS). Aucun effet indésirable grave n’a été décrit. Un an après l’injection, l’aspect laryngoscopique et la majorité des paramètres vocaux s’étaient améliorés, en particulier le Voice Handicap Index qui avait diminué de 75 à 9. L’analyse perceptive retrouvait une voix moins éraillée et plus stable, non soufflée. Le cas de cette patiente souligne le potentiel thérapeutique de la FVS pour de telles applications (enregistrement de l’essai sur ClinicalTrials.gov NCT02622464 le 4 décembre 2015).
La microstructure des cordes vocales (CV) est complexe, en particulier du fait de son organisation feuilletée. La proportion et l’organisation des différents composants de la matrice extracellulaire déterminent les propriétés mécaniques des CV. Après une microchirurgie laryngée, une cicatrice des CV est parfois observée en raison de la disparition partielle de la lamina propria, avec sa couche superficielle et / ou intermédiaire remplacée(s) par du tissu fibreux, empêchant le découplage mécanique de l’épithélium et du muscle et induisant ainsi un trouble de la vibration. Des cordes vocales cicatricielles peuvent également être retrouvées de manière congénitale, sans étiologie iatrogène (sulcus vocalis par exemple). Les CV cicatricielles peuvent entraîner, en fonction de la gravité et de l’étendue de la cicatrice, une variété de symptômes tels qu’un enrouement, une voix soufflée, un effort vocal accru pour parler, une fatigue vocale. L’incapacité de produire une phonation normale cause à la fois un handicap physique et psychologique, en particulier pour les professionnels de la communication. Plusieurs thérapies sont actuellement disponibles mais celles-ci sont souvent décevantes car la grande complexité de la microstructure des CV empêche le développement de traitements efficaces. Ainsi, l’identification de stratégies thérapeutiques innovantes capables d’améliorer les propriétés mécaniques vibratoires des CV cicatricielles reste un défi clinique important. La fraction vasculaire stromale (FVS) autologue d’origine adipeuse est reconnue comme une source facilement accessible de cellules présentant des propriétés angiogéniques, anti-inflammatoires, immunomodulatrices et régénératives [3]. De récentes études cliniques et précliniques soutiennent également le potentiel antifibrotique de la FVS, principalement attribué à la sous-population des cellules souches / stromales mésenchymateuses. Bien que les thérapies basées sur l’utilisation de FVS soient pour le moment totalement inexplorées dans le domaine de la laryngologie, l’injection locale de FVS pourrait être bénéfique dans le traitement des CV cicatricielles. Nous avons obtenu l’approbation de l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé (ANSM) et d’un comité d’éthique français (CPP Sud Méditerranée V) pour utiliser de la FVS chez huit patients présentant des CV cicatricielles réfractaires aux traitements médicaux et chirurgicaux conventionnels (NCT02622464). Nous présentons ici le cas de la première patiente ayant achevé son suivi de 12 mois.
Une femme de 43 ans a été incluse dans l’essai clinique prospectif de phase I CELLCORDES après avoir donné son consentement éclairé écrit (numéro EudraCT 2015- 000238-31, enregistrement sur clinicaltrials.gov NCT02622464). Ses antécédents médicaux incluaient une thyroïdectomie pour goitre et une hystérectomie pour endométriose. Elle présentait une dysphonie sévère liée à des CV cicatricielles dans les suites d’une phonochirurgie. Cinq ans auparavant, elle avait subi deux chirurgies du larynx : i) une laryngoscopie en suspension pour résection d’un œdème de Reinke, dans laquelle une lésion ventriculaire droite avait été découverte et biopsiée ; ii) une cervicotomie avec thyrotomie latérale pour la résection de cette lésion dont l’histologie définitive était en faveur d’un chondrome. Un an plus tard, la patiente a subi une autre laryngoscopie en suspension pour une exérèse de granulome au tiers antérieur de la CV gauche. Les pathologies laryngées traitées n’ont pas récidivé mais la persistance d’une dysphonie marquée quatre ans après la dernière intervention chirurgicale (malgré une rééducation orthophonique régulière) a justifié une nouvelle consultation. La patiente répondait aux critères d’inclusion et d’exclusion de l’essai clinique (listés dans le Tableau 1) et était donc éligible pour recevoir une injection locale de FVS autologue. En vidéolaryngostroboscopie, un aspect cicatriciel des CV était observé avec en particulier une absence de vibration de leur tiers moyen. Le bilan vocal a permis d’objectiver cette dysphonie (Tableau 2), l’orthophoniste signalant une voix éraillée, instable et légèrement soufflée, avec une incapacité à atteindre des notes aigues. Des enregistrements vidéo et audio disponibles en données supplémentaires montrent cela plus en détail.