La microsporidiose intestinale

Signes cliniques de la microsporidiose humaine

En effet, le principal signe clinique est la diarrhée avec des selles aqueuses, non sanglantes à raison de 3 à 10 selles par jour, sans fièvre. Cette diarrhée s’accompagne de nausées, de douleurs abdominales, associées à une perte de l’appétit qui conduit à une perte de poids progressive.  Chez l’immunocompétent, ces diarrhées sont spontanément résolutives.  Chez l’immunodéprimé, notamment les patients atteints de SIDA ayant des lymphocytes T CD4+ inférieurs à 100/mm3, les signes cliniques ressemblent beaucoup à ceux développés lors de l’infection à Cryptosporidium aboutissant à des formes graves avec déshydratation et cachexie.
En l’absence de réponse immunitaire adaptée, il peut y avoir une dissémination de l’infection surtout avec le genre Encephalitozoon, rencontrée principalement chez les patients infectés par le VIH et les transplantés qui présentent des manifestations plus sévères. Parmi ces manifestations on peut noter une forte fièvre, une atteinte gastro intestinale sévère, une insuffisance rénale, une kératoconjonctivite, une sinusite et des atteintes neurologiques et respiratoires.  Les formes disséminées dépendent du tropisme de l’espèce.
Enterocytozoon bieneusi qui est l’espèce la plus fréquemment rencontrée, responsable de 90% des cas de microsporidiose intestinale, peut être responsable d’infections des voies biliaires (des cas de cholangite sclérosante et de cholécystite alithiasique ont été décrits), des bronches, des sinus. Encephalitozoon intestinalis quand à elle, peut provoquer des rhino-sinusites, bronchites, kératoconjonctivites, des atteintes neurologiques centrales, avec une prédominance pour les infections de l’arbre urinaire et des réactions inflammatoires au niveau des organes mais surtout des infections disséminées avec atteinte de multiples organes, probablement par voie hématogène médiée par les macrophages. La fièvre est constante.
Encephalitozoon cuniculi peut être à l’origine d’encéphalites, hépatites, cholécystites, néphrites, entérites, rhinites, sinusites, kératoconjonctivites et infections disséminées. Cette espèce est très polymorphe tant part l’intensité de la symptomatologie que par la diversité des organes atteints.  Il existe aussi une forme oculaire de la microsporidiose qui est la deuxième localisation la plus commune après la microsporidiose intestinale. Cette pathologie oculaire se traduit par des kératoconjonctivites et des kératites profondes.

Réponse immunitaire vis-à-vis des microsporidies

Rôle de l’immunité humorale : Les anticorps jouent un rôle pour limiter l’infection chez l’hôte, mais cela n’est pas suffisant pour prévenir la mortalité ou la guérison de l’infection.
Des anticorps monoclonaux dirigés contre l’exospore ou le filament polaire sont capables d’inhiber l’infection de cellules non phagocytaires par les microsporidies du genre Encephalitozoon. En revanche, certaines études rapportent que les anticorps ne sont protecteurs que quand de l’interféron-γ est administré simultanément. D’autre part, une protéine microsporidienne EcMsAP potentiellement impliquée dans l’adhérence de la spore à la cellule hôte a été récemment décrite. Le blocage des épitopes sur cette protéine par les anticorps spécifiques pourrait faire partie de la stratégie de l’hôte pour contrôler l’infection microsporidienne. Les anticorps neutralisent l’invasion et la croissance mais requièrent l’action des macrophages directement activés par l’interféron-γ (ou indirectement par d’autres mécanismes dépendants de l’interféron-γ) pour une destruction du micro
organisme. Les anticorps et l’interféron-γ sont complémentaires contre l’infection microsporidienne. Les anticorps liés aux antigènes de la spore microsporidienne peuvent induire la destruction des microsporidies en favorisant la phagocytose (opsonisation) des spores par les macrophages ou bien en induisant l’activation du complément susceptible d’entrainer la lyse des stades parasitaires. Les anticorps ne permettent donc pas à eux seuls le contrôle et l’éradication des infections microsporidiennes mais ils jouent un rôle dans la limitation de la dissémination de l’infection. Néanmoins, des mécanismes d’échappement sont élaborés par les microsporidies, par exemple Encephalitozoon cuniculi peut infecter les macrophages et se multiplier à l’intérieur de ces cellules phagocytaires, grâce à l’absence de fusion entre la vacuole parasitophore et les lysosomes.

Traitements

Il existe plusieurs traitements dont l’efficacité dépend de l’espèce en cause. Les critères d’efficacité sont la régression des signes cliniques et la négativation des prélèvements.  Les molécules actives auraient seulement une activité microsporidiostatique.
Albendazole : Il fait partie de la famille des benzimidazolés (anti-helminthes), son nom commercial français est le Zentel® (ou Eskazole®, à l’hôpital), sa cible est la sous-unité β de la tubuline. Il inhibe la division des microsporidies par blocage de la synthèse de la tubuline. Il est utilisé hors AMM pour la microsporidiose intestinale en effet, les indications de l’AMM sont l’oxyurose, l’ascaridiose, l’ankylostomose, la trichocéphalose, l’anguillulose, la téniase, la giardiose de l’enfant et la trichinellose. C’est le traitement de choix pour les microsporidioses intestinales, oculaires et disséminées à Encephalitozoon spp. mais il est inefficace sur Enterocytozoon bieneusi (parasitostatique par inhibition incomplète de la réplication). Il est métabolisé par le foie en un métabolite plus actif et moins toxique : le sulfoxide. Pour le genre Encephalitozoon, les dérivés sulfoxide et sulfone de l’albendazole seraient d’une plus grande efficacité mais ils ne sont pas disponibles en pratique. La posologie est de 400 mg deux fois par jour pour un adulte et de 7,5 mg par kilogramme deux fois par jour pour un enfant, par voie orale lors d’un repas riche en graisses (mieux absorbé) sans purge ou jeûne préalable pendant deux à quatre semaines.
Fumagilline : Cet antibiotique, extrait d’Aspergillus fumigatus, a des effets inhibiteurs in vitro sur un certain nombre d’espèces de microsporidies. Il existe sous plusieurs noms commerciaux : Fumidil®, Fumadil®, Fugillin®, Fumagillin® et Flisint®, ce dernier étant disponible en France. Sa cible d’action est une métalloprotéase cellulaire, la méthionine aminopeptidase-2 (MetAP2). Il inhibe la réplication de la microsporidie par blocage réversible du site d’action de la méthionine aminopeptidase-2 ainsi que la synthèse d’ARN.
Il est connu pour être utilisé par les apiculteurs contre la nosématose chez l’abeille. Il est utilisé pour traiter les diarrhées sévères dues à Enterocytozoon bieneusi chez les patients adultes, infectés par le VIH, sévèrement immunodéprimés après échec d’une restauration immunitaire par traitement antirétroviral. La fumagilline a montré son efficacité dans le traitement des infections à E. bieneusi chez les patients atteints de SIDA, mais elle n’a pas encore été approuvée par la FDA (Food and Drug Administration) aux Etats-Unis. La posologie est de trois gélules de vingt milligrammes trois fois par jour pendant quatorze jours en dehors des repas. L’efficacité a été établie par les résultats d’une étude en double aveugle versus placebo (EFC4918/ANRS090) incluant douze patients de sexe masculin immunodéprimés, dont dix infectés par le VIH et deux transplantés d’organe solide.
Nitazoxanide : Le nitazoxanide a pour nom de spécialité Alinia®. Il bénéficie d’une autorisation temporaire d’utilisation (ATU) nominative en France. Deux formes pharmaceutiques existent : la suspension buvable contenant 100 mg de principe actif par 5 ml et le comprimé dosé à 500 mg. L’Alinia® agit en inhibant l’enzyme pyruvate ferredoxine oxydoréductase (PFOR) de Giardia mais le mécanisme d’action est inconnu pour la cryptosporidiose et la microsporidiose. Les indications sont les diarrhées causées par Giardia lamblia ou Cryptosporidium sp. chez le patient immunocompétent âgé de plus de 12 mois.
Effectivement, il est le seul médicament approuvé (FDA) pour le traitement de la cryptosporidiose de l’immunocompétent. Le nitazoxanide a également une activité sur les protozoaires comme Cryptosporidium parvum, Giardia lamblia (notamment Giardia résistant au métronidazole), Entamoeba histolytica, Blastocystis hominis, Cyclospora cayetanensis, Balantidium coli, Isospora belli, Trichomonas vaginalis (notamment Trichomonas résistant au métronidazole), Besnoitia besnoiti ; les helminthes : Enterobius vermicularis, Ascaris lumbricoides, Trichuris trichiura, Ancylostoma duodenale, Necator americanus, Taenia saginata, Taenia solium, Hymenolepis nana, Fasciola hepatica, Fasciola gigantica, Echinococcus granulosus, Echinococcus multilocularis ; les bactéries notamment Clostridium sp., Bacteroides sp. et des bactéries microaérophyliques telles que Campylobacter jejuni, Helicobacter pylori.

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Facteurs de risque

La microsporidiose n’a pas de caractère saisonnier. Facteurs de risque non modifiables : L’âge favorisent l’infection : les enfants et notamment les enfants malnutris… Les hommes seraient plus touchés que les femmes. Les patients à risque de développer une microsporidiose sévère sont ceux dont la réponse immunitaire à médiation cellulaire est déficiente, essentiellement les patients infectés par le VIH et les patients transplantés d’organe solide recevant un traitement immunosuppresseur anti-rejet de greffe. L’homosexualité Facteurs de risque modifiables : La malnutrition – L’incidence de l’infection est augmentée chez les voyageurs en zone tropicale. Les porteurs de lentilles de contact . La fréquentation des piscines seraient associées à un risque accru de microsporidiose intestinale .

Les microsporidioses intestinales 

Taxonomie Les microsporidies sont des organismes eucaryotes, longtemps considérées comme des protozoaires mais récemment classées parmi le règne des Mycètes (fungi), dans le phylum Microspora, dans la classe des Microsporeae et dans l’ordre des Microsporidiae. En effet, certaines particularités de leur biologie cellulaire sont retrouvées chez les champignons (Weiss et Vossbrinck, 1999) comme l’appariement des noyaux en dicaryons chez certains genres, les mitoses fermées avec présence de plaques polaires semblables à celles des levures , la présence de tréhalose et de chitine dans la spore . Les microsporidies seraient donc, soit une lignée qui aurait émergé des champignons, soit qui leur serait fortement apparentée. Ce sont des organismes unicellulaires, intracellulaires obligatoires responsables d’infections intestinales chez l’Homme, surtout chez le sujet à compétence immunologique limitée. Ils sont ubiquitaires, en effet, de nombreuses personnes immunocompétentes présenteraient un portage occasionnel, transitoire, asymptomatique (non prouvé). Il existe environ 150 genres de microsporidies et plus de 1300 espèces mais seulement 8 genres sont retrouvés chez l’Homme, à savoir : Enterocytozoon, Encephalitozoon, Pleistophora, Trachipleistophora, Vittaforma, Brachiola, Nosema, Microsporidium. Seuls 14 espèces sont pathogènes chez l’Homme, elles sont à l’origine de pathologies très différentes selon l’organe cible.
La famille Enterocytozoonidae a été créée par Cali et Owen en 1990 pour l’espèce Enterocytozoon bieneusi. Le genre Encephalitozoon lui a été créé par Levaditi en 1923.

Table des matières

Introduction
1- Les microsporidioses intestinales
1-1- Généralités
1-1-1- Taxonomie
1-1-2- Découverte
1-2- Morphologie
1-3- Cycle
1-4- Modes de transmission
1-5- Signes cliniques de la microsporidiose humaine
1-6- Physiopathologie
1-7- Réponse immunitaire vis-à-vis des microsporidies
1-7-1- Rôle de l’immunité humorale
1-7-2- Rôle de l’immunité cellulaire
1-7-2-1- Rôle des macrophages
1-7-2-2- Rôle des lymphocytes T CD4+ et CD8+
1-7-2-3- Rôle de l’activité cytotoxique des lymphocytes T CD8+
1-7-2-4- Rôle des lymphocytes T γδ+
1-7-2-5- Rôle des cytokines
1-8- Facteurs de risque
1-9- Diagnostic
1-9-1- Techniques de coloration : recherche de spores
1-9-1-1- Techniques utilisant des colorants non fluorescents
1-9-1-2- Techniques utilisant des fluorochromes
1-9-2- Identification de l’espèce
1-9-2-1- Amplification génique par PCR (Polymerase Chain Reaction)
1-9-2-2- Technique d’immunofluorescence directe utilisant des anticorps monoclonaux
1-9-2-3- Microscopie électronique
1-10- Traitements 
1-10-1- Albendazole
1-10-2- Fumagilline
1-10-3- Nitazoxanide
1-10-4- Autres molécules
1-11- Prophylaxie 
2- Analyse rétrospective des cas de microsporidiose intestinale diagnostiqués au
laboratoire de parasitologie-mycologie du CHU de Rouen de 1994 à 2013 
2-1- Sélection des patients 
2-2- Méthodes de diagnostic utilisées au CHU de Rouen 
2-2-1- Prélèvements
2-2-2- Examen microscopique après coloration
2-2-2-1- Pour les biopsies
2-2-2-2- Pour les selles
2-3- Présentation des patients transplantés rénaux infectés par des microsporidies
2-4- Discussion
2-4-1- Limites de l’étude
2-4-2- Analyse des résultats
2-4-2-1- Concernant le groupe de patients inclus
2-4-2-2- Concernant le diagnostic
2-4-2-3- Concernant le traitement
2-4-2-4- Suivi de la maladie
Conclusion 

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