LA MICROFINANCE RURALE ET LE DEVELOPPEMENT DANS LES PAYS DU SUD
La microfinance
La « microfinance » s’est démarquée de la finance traditionnelle à une époque où celle-ci a pris de plus en plus d’ampleur et a atteint l’envergure qu’on lui connaît depuis ces dernières décennies. « La théorie néoclassique se base sur la notion de capital et son accumulation, les keynésiens optent pour une approche par l’investissement tandis que les monétaristes passent par la monnaie pour la mobilisation du travail afin de créer les richesses. »2 . Le financement de cette mobilisation constitue dès lors notre principale préoccupation dans un contexte où minimiser le « risque »3 et l’« incertitude »4 devient indispensable. Le monde de la finance engendre des gains extraordinaires que nul ne saurait ignorer. Néanmoins, si l’on peut parler de macrofinance, les déséquilibres y sont flagrants. En effet, souvent la balance penche en faveur des riches qui s’enrichissent encore et toujours. Ce constat s’établit sans que les différents réseaux, bancaires entre autres, ne puissent réagir véritablement, obéissant rationnellement aux lois du marché. Aussi le projecteur se concentre sur d’autres agents économiques ayant la faculté et les moyens de préconiser d’autre type de financement à l’endroit de la microfinance. Notre interrogation se porte alors sur l’objet de cette substance, et à ce titre cette première partie du mémoire essaiera de nous éclaircir sur ce concept en se subdivisant en deux chapitres dont le premier traitera de la généralité sur la microfinance et le deuxième de la microfinance rurale.
Généralités sur la microfinance
La notion de développement s’insère dans les politiques économiques contemporaines et y figure comme un objectif à long terme. Le développement rural par la microfinance constitue l’objet de ce mémoire mais au préalable nous convient-il dans ce premier chapitre de présenter et traiter ce nouveau concept qu’est la microfinance. Ce chapitre se divisera en deux sections, inscrites respectivement à l’historique et aux définitions et formes de la microfinance. Section 1. Historique Pour appréhender ce concept, il nous convient de commencer par un historique de la microfinance en revenant à ses origines profondes. Dans le même sens, nous évoquerons les situations initiales à Madagascar en la matière afin de mieux cadrer le pays dans l’espace et dans le temps par rapport au reste du monde.
Les origines de la microfinance
La microfinance existe sous diverses formes depuis des siècles, pour ne citer que les usuriers qui, pendant un temps, ont fait fureur et fortune dans les campagnes et petits villages, ou encore les prêteurs sur gages, opportunistes dans les moindres occasions. Dans le courant du milieu du XXème siècle, les gouvernements se faisaient un devoir et une responsabilité de prendre une part active au « financement du développement », s’inspirant des théories économiques keynésiennes, en conduisant entre autres des vastes programmes de crédit à faible taux destinés aux populations défavorisées, essentiellement rurales. L’effort de développement a été concentré à cette période sur la création d’institutions de crédit sous des formes variées selon les contextes. Les banques agricoles et banques de développement vont être créées en Amérique Latine sur le modèle des Etats-Unis, en Afrique francophone sur le modèle français. Ainsi, le montant des investissements en programme de crédit consentis par l’aide américaine entre 1950 et 1970 est évalué à environ 700 millions dollars américains (US$). Pendant cette même période, l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO) est très active dans le développement de réseaux coopératifs de crédit à travers le monde. La Banque Mondiale estimera plus tard avoir engagé, en quatre décennies, un portefeuille de 16 milliards US $ dans des programmes de « crédit agricole » 5 5 In www.worldbank.org, 1993, « Banque Mondiale, Rapport Annuel 1993 » 4 Fort coûteux, les dispositifs mis en place n’ont pas convaincu et se sont réellement montrés inefficaces face aux objectifs de développement. Les années 1960 et 1970 ont alors enregistré un échec relatif dont l’origine est attribué aux rigidités induites par l’intervention de l’Etat dans le système financier. Dans le même registre, des économistes néoclassiques, Gurley et Shaw en 1967, puis Mac Kinnon en 1973, engagent une critique théorique de la « répression financière » qui caractérise les politiques de financement keynésiennes.6 Dans le même temps, des pays comme le Burkina Faso ou le Cameroun ont développé des coopératives de collecte de petite épargne et de crédit en Afrique7 . Cependant au Bangladesh, au début des années 1970, un certain Muhammad Yunus8 prêta de sa poche l’équivalent de 26 US$ à 42 femmes, rempailleuses de chaises. Devenues encore plus enthousiastes et lui remboursant dans les délais, son système prit de l’ampleur, atteignant plusieurs villages du Bangladesh. Sur la base de cette institution, il fonda la Grameen Bank en 1983, marquant le début de la microfinance. Cette banque connut un succès incomparable grâce à son modèle unique : un nombre restreint d’activités, épargne et prêt de petites sommes essentiellement, des taux d’intérêt suffisamment élevés pour couvrir les frais, l’organisation des emprunteurs par groupe de cinq personnes solidaires. De là, les institutions qui offrent des services de microfinance se sont développées sur tous les continents, notamment en Afrique et en particulier à Madagascar. Dans la perspective de la libéralisation du système financier, le rôle de celui-ci évolue radicalement : « l’objectif de l’Etat n’est plus d’injecter du crédit dans une production agricole, mais de construire un marché financier rural qui permette un accès durable aux services financiers, en mettant en relation les agents disposant de ressources monétaires (épargnants) avec ceux qui en ont besoin (les emprunteurs). L’objectif n’est plus de financer une production agricole mais de promouvoir des activités économiques diversifiées et de donner à des catégories de populations vulnérables mais à fort potentiel (les femmes, les jeunes…) les moyens de développer des activités génératrices de revenus et permettant l’accumulation » 9 . La microfinance se caractérise parfaitement par ce passage de la théorie keynésienne à la théorie classique libérale. .
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