La méthodologie de recueil et de traitement de données

La méthodologie de recueil et de traitement de données

Opérationnalisation des hypothèses

Enseigner les sciences physiques exige un ensemble de compétences professionnelles dans le cadre d’activités définies dans un contexte donné. On peut les résumer ainsi :  Connaître l’objet d’enseignement : comme disait Perrenoud (2000), « un texte n’a d’effets sociaux que s’il est lu, compris et accepté par les lecteurs ». Ici les enseignants sont les lecteurs. Ils doivent donc comprendre et accepter les contenus et les programmes édictés par leurs employeurs ;  Maitriser l’objet à enseigner dans sa dimension épistémologique : le professeur doit maîtriser les savoirs qu’il va devoir enseigner. La question du niveau des connaissances requises n’est cependant pas simple à régler en sciences : l’étalon ne peut être le niveau des connaissances pointues du spécialiste du domaine disciplinaire. La maîtrise des savoirs à enseigner peut se traduire comme « la maitrise du processus de la transposition didactique des savoirs scolaires permettant de référer chacun des savoirs scolaires à enseigner à sa référence épistémologique » (Bekale Nze, 2008, p.117) ;  Maitriser l’enseignement de ces savoirs (processus de transmission/appropriation de ces savoirs scolaires). « La maîtrise de l’enseignement de ces savoirs disciplinaires relève du choix de l’adaptation de la méthode la mieux appropriée aux élèves et aux ressources disponibles, au choix de l’organisation des tâches confiées aux élèves et de la manière de les mettre en scène en fonction des savoirs à enseigner et organisation des situations didactiques en fonction de leur efficacité en matière d’apprentissage » (Bekale Nze, 2008, p.90). Cela concerne les aspects pédagogique, épistémologique et didactique que doivent maîtriser le professionnel ;  Connaitre l’élève : ses motivations et démotivations, ses processus d’apprentissage et ses conceptions comme obstacles ou tremplins à l’apprentissage, etc. Ces champs de compétences renvoient à la formation (continue et initiale) qui devrait préparer les Étude empirique 92 enseignants à leur exercice professionnel. Cette liste d’ensemble de compétences amènera donc à questionner le système de formation des professeurs pour voir si ces derniers s’estiment armés pour exercer leur métier dans toute sa complexité. Dans notre étude, nous avons posé comme hypothèse principale qu’il y a « des écarts entre le curriculum prescrit et la façon dont les enseignants se l’approprient ». Ici quand on parle de l’appropriation, cela n’inclut pas encore la pratique enseignante en classe : nous nous sommes limités aux pratiques déclarées par les professeurs. Mais le questionnaire va permettre de remonter aux représentations des enseignants et d’avoir une bonne vision de cette appropriation du curriculum. Comme disaient Amigues & Lataillade (2007, p.3), la responsabilité de ces écarts est souvent attribuée aux enseignants plutôt qu’aux concepteurs (ou aux prescriptions). « Est-ce simplement parce que les enseignants n’ont pas la formation nécessaire pour comprendre le curriculum ou bien parce que les apports des experts sont illisibles pour les enseignants ? » (Francophonie, Actes du séminaire final de l’étude sur les réformes curriculaires par l’approche par compétences en Afrique, 10 -12 juin 2009, p.54) Cela amène à supposer que les professeurs de sciences physiques ne mettent pas en œuvre d’une façon effective ces programmes et en particulier les innovations qu’ils pourraient contenir. Pour comprendre les causes ou les raisons de ces décalages nous émettons un certain nombre d’hypothèses que nous testerons à travers notre questionnaire : H1 : Des objectifs généraux assignés à l’enseignement des sciences physiques irréalistes. Les concepteurs n’ont pas tenu compte de la réalité sociale et économique du pays. Ils sont pour la plupart décalqués sur les objectifs français et ne correspondent pas forcément aux besoins locaux d’un pays comme les Comores. H2 : Un manque de lecture et d’analyse des prescriptions officielles par les enseignants. La condition nécessaire pour mettre en place un enseignement conforme aux attentes institutionnelles est que le professeur doit lire les programmes, les connaitre, les maîtriser et adhérer à ces prescriptions. Nous pensons que, souvent, ce n’est pas le cas. H3 : Une résistance des enseignants aux innovations concernant les programmes et les pratiques d’enseignement. Ce phénomène est internationalement connu ; il n’y a pas de raison pour que les professeurs comoriens fassent exception. De fait, ces derniers ne sont que faiblement préparés à exercer le métier. Les innovations insistant sur les processus d’apprentissage et de construction des savoirs leur sont étrangères. Il est donc vraisemblable qu’ils sont amenés à reproduire l’enseignement qu’ils ont suivi comme élèves et étudiants. Leur modèle spontané est probablement basé sur une transmission claire par exposition de leçons que les élèves doivent mémoriser, voire apprendre par cœur. Des travaux pratiques et des manipulations sont là pour illustrer sous forme d’exemples ces savoirs. H4 : Une inadéquation entre les pratiques prescrites et la formation initiale des enseignants. Même si les enseignants ne refusent pas ces innovations, les pratiques proposées sont nouvelles et les professeurs, formés essentiellement selon le modèle traditionnel frontal, ne savent comment agir en classe. Il n’y pas adéquation entre ces pratiques et les compétences qu’ils ont. Les programmes de formation de ces enseignants ne leur permettaient pas d’acquérir les instruments et les méthodologies adaptés pour résoudre leurs problèmes sur ces pratiques prescrites. Ils agissent plus comme des transmetteurs d’informations que comme des tuteurs ou des médiateurs. (Dumas-Carré, Weil- Barais, 1998) H5 : Des méthodes pédagogiques proposées inapplicables. L’approche par compétence à travers les démarches expérimentales et d’investigation nécessite des conditions matérielles et des ressources humaines qualifiées. Les prescriptions ne correspondent pas aux conditions réelles d’enseignement (états des établissements 93 scolaires, effectifs de chaque classe, manque de laboratoire, …). Elles sont inapplicables dans les établissements scolaires tels qu’ils sont actuellement. Chaque professeur a sa propre conception de ce qu’il est possible de faire ou de ne pas faire avec les élèves dans les classes de collèges et lycées. Cette conception influence sa pratique enseignante.

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Méthode de recueil des données

Avec le questionnaire « papier-crayon », nous cherchons à comprendre comment les enseignants s’approprient le curriculum comorien et à tester la validité de nos hypothèses (H1 à H5). Il a été conçu à partir des textes officiels régissant le système éducatif comorien. Il se réfère donc bien entendu à la loi d’orientation, aux programmes actuels, mais aussi à leurs sources d’inspiration (en particulier les programmes français, et les textes d’orientation de l’UNESCO). Les manuels scolaires cités en référence sont aussi pris en compte puisqu’ils sont consultés par les enseignants et leur servent à s’approprier le curriculum. Le corpus est constitué de l’ensemble des réponses apportées à ce questionnaire « papier-crayon » par les professeurs de collèges et lycées, publics et privés, au cours de l’année 2009. Six thèmes sont explorés :  Informations générales sur les enseignants : nous cherchons à identifier le corps enseignant (sexe, filière de formation, ancienneté, diplômes supérieurs, établissement, lieu de formation…). Cette identification constitue un indicateur nécessaire dans l’analyse de résultats. Il s’agit d’une description de leur profil personnel ;  La connaissance de l’objet d’enseignement (programmes et instructions officiels) : nous testons la maîtrise de l’objet d’enseignement (les objectifs généraux : finalités et objectifs de l’enseignement de sciences physiques, les contenus de ces textes ou programmes, …) tels qu’ils sont conçus par le ministère et surtout le sens qu’ils prennent sur le terrain dans les discours des enseignants : est-ce que les enseignants connaissent ces textes ? Est-ce qu’ils les ont lus ? Est-ce qu’ils les comprennent ? Est-ce qu’ils sont d’accord ? Qu’est-ce qu’ils pensent ou proposent ? On peut espérer tirer un premier enseignement sur la manière dont ils comprennent ces finalités et ces objectifs et voir s’il y a décalage entre ce que disent ces textes officiels et la lecture qu’en font les professeurs. La façon dont ces derniers traduisent ces instructions très générales dans leurs affirmations nous renseignera aussi sur les hiérarchies qu’ils attribuent aux divers objectifs ;  La maîtrise de l’enseignement de l’objet à enseigner : nous nous intéressons aux pratiques pédagogiques prescrites. Nous voulons savoir si les enseignants connaissent ces pratiques, s’il y a une cohérence entre leur propos et les recommandations officielles. Ceci nous permettra, avant la mise en œuvre effective de ces pratiques, d’identifier les obstacles éventuels ;  La maîtrise de l’objet à enseigner : nous cherchons à savoir si les professeurs ont déjà les compétences requises pour enseigner les sciences physiques comme on le leur demande ou s’il leur faut acquérir de nouvelles compétences. Dans ce dernier cas, nous chercherons à identifier les compétences qu’ils estiment nécessaires ;  Connaissance de l’élève : nous essayons en premier de comprendre comment les enseignants gèrent les processus de transmissions vers leurs élèves. Il s’agit d’identifier les progressions et les tâches proposées, les modes d’évaluation des acquis des élèves et le repérage des difficultés d’apprentissage. En deuxième lieu, nous voulons savoir ce que les enseignants pensent de la question de la motivation et de la démotivation de leurs élèves pour les sciences physiques. S’ils adhèrent à l’idée qu’un enseignement de sciences physiques est nécessaire, nous aimerions comprendre comment ils comptent procéder pour donner aux élèves le goût des 94 sciences physiques ;  Formation initiale des enseignants : nous tentons de comprendre si leur formation initiale est suffisante pour accomplir leurs missions, si ces missions sont connues ou méconnues. S’ils s’estiment insuffisamment formés, nous cherchons à identifier les besoins exprimés. Ceci nous permettra de repérer l’origine des connaissances déclarées par ces professeurs, si elles sont liées à leur formation initiale ou autres.

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