La méthode LATIN pour le multiphysique
Concept d’interface entre physiques
En calcul de structures, la simulation de la réponse de structures complexes conduit à des problèmes de grande taille. Le parallélisme est, depuis longtemps maintenant, un des outils majeurs utilisés pour la résolution de ces modèles. Les plus puissants calculateurs actuels sont d’ailleurs très souvent à architecture parallèle et les algorithmes de résolution ont dû être adaptés à ce type d’ordinateurs [Dur00]. Parmi ces algorithmes, des formulations « mécaniques » ont été proposées, comme les méthodes de décomposition de domaine. Ce type de stratégies consiste à décomposer la structure étudiée en sous-domaines et à utiliser une méthode itérative durant laquelle les résolutions globales n’ont lieu que sur les sous-domaines (cf. Figure 2.1). Le nouveau problème est alors de taille considérablement réduite. Une méthode de décomposition de domaine mixte, fondée sur la méthode LATIN qui sera détaillée dans la section suivante, a été proposée au LMT-Cachan, d’abord dans le cadre des structures faiblement hétérogènes [Dur98a, Lad99b], puis dans celui des structures fortement hétérogènes [Lad00, Lad01b], évenLa méthode LATIN pour le multiphysique . La méthode LATIN pour le multiphysique tuellement avec contacts [Lad02b] et, plus récemment, avec une technique d’homogénéisation à la fois en temps et en espace [Lad02a, Lad03]. Dans cette méthode, les interfaces entre sous-domaines constituent une entité mécanique à part entière pour laquelle les efforts et les déplacements sont traités de manière identique. La stratégie proposée consiste à vérifier alternativement des propriétés sur les sous-structures, supposées indépendantes, et des propriétés d’interfaces, qui permettent de transmettre les couplages entre les sous-domaines. sous-structure interface sous-structure Figure 2.1 • Interface entre sous-structures Dans le cas des problèmes multiphysiques, l’idée est similaire. Elle consiste à traiter chaque physique séparément, en résolvant toutes les équations indépendantes, puis à recouvrer les couplages en vérifiant les équations restantes. Si l’on dote une entité de propriétés correspondant à ces équations de couplage, celle-ci peut être vue comme une interface entre les physiques. La notion d’interface matérielle entre sous-structures a alors été étendue à celle d’interface entre physiques. Il est important de noter que, contrairement au cas de la décomposition de domaine, cette interface n’a pas forcément de réalité « matérielle ». Dans le cas de l’aéroélasticité, elle peut être vue comme la « peau » de la structure en contact avec le fluide qui l’entoure. Dans le cas des milieux poreux que l’on traite du point de vue macroscopique, le couplage a lieu en tout point du domaine et l’interface a un sens plus abstrait (cf. Figure 2.2).
Principes de la méthode
LATIN Initialement, la méthode LATIN a été proposée par P. Ladevèze pour traiter les problèmes non linéaires d’évolution [Lad85]. LATIN est l’acronyme de LArge Time INcrement Method ou méthode à grand incrément de temps. C’est ce caractère non incrémental qui la distingue de la plupart des démarches classiques, qui construisent une solution pas de temps par pas de temps. Dans son cas, partant d’une approximation (parfois grossière) en tout point de la structure et sur tout l’intervalle de temps, une succession d’itérations améliore automatiquement la connaissance de la solution. À Principes de la méthode LATIN 29 physique fluide physique solide interface Figure • Interface entre physiques chacune de ces itérations, on dispose donc d’une solution approchée en tout point de la structure et sur tout l’intervalle de temps. Une présentation détaillée de la stratégie LATIN peut être trouvée dans [Lad99a]. Brièvement, elle est fondée sur trois principes, qui seront développés dans les sections suivantes : – P1 la séparation des difficultés ; – P2 une résolution itérative en deux étapes ; – P3 une représentation mécanique adaptée des inconnues. De nombreuses applications ont été proposées au cours des vingt dernières années, notamment dans le domaine des problèmes non linéaires et des méthodes multiéchelles de décomposition de domaine. On peut cependant citer quelques contributions récentes. Tout d’abord des travaux concernant la simulation des problèmes de dynamique avec contact ou chocs [Bou00, Lem02]. Puis, la proposition d’une méthode de décomposition de domaine mixte [Lad92, Cog96, Cha97] et multiéchelle [Dur98b] qui a servi de base à une technique d’homogénéisation pour les structures fortement hétérogènes [Lad01b]. Enfin, une nouvelle stratégie de calcul multiéchelle incluant une procédure d’homogénéisation automatique à la fois en temps et en espace pour traiter les problèmes non linéaires d’évolution [Lad02a, Lad03].
Séparations des difficultés
Le principe P1 de la méthode préconise la séparation des difficultés. Le choix de ce partitionnement n’est pas trivial et est dicté par la volonté de séparer les équations découplées et les équations couplées (qui serviront à définir l’interface entre physiques). 30 La méthode LATIN pour le multiphysique Pour cela, la technique consiste à séparer les équations en deux groupes, ce qui permet en outre d’éviter d’avoir à traiter simultanément un problème global et un problème couplé. On introduit Ad, l’ensemble des solutions des équations linéaires et découplées, éventuellement globales (ici les conditions d’amissibilité (1.1) et (1.2)) : Ad = n s ¯ ¯ ¯ s vérifie (1.1) et (1.2) o et Γ, l’ensemble des solutions des équations locales, éventuellement couplées (ici les relations de comportement (1.3) et les conditions initiales (1.4)) : Γ = n sˆ ¯ ¯ ¯ sˆ vérifie (1.3) et (1.4) o La solution sex du problème de référence est donc : sex = Ad ∩Γ 2.2 Résolution itérative en deux étapes Le principe P2 de la méthode LATIN propose de construire la solution sex à l’aide d’un schéma itératif à deux étapes. La Figure 2.3 détaille une itération n +1 typique. ··· −→ sn ∈Ad −→ étape locale z }| { sˆn+1/2∈Γ −→ étape linéaire z }| { sn+1∈Ad | {z } itération n +1 −→ sˆn+3/2 −→ ··· Figure 2.3 • Une itération de la méthode LATIN Si l’on suppose que l’itération n a généré un élément sn de Ad, l’étape locale consiste à chercher un élément sˆn+1/2 de Γ en utilisant une première direction de recherche E +. Ce nouvel élément étant connu, l’étape linéaire consiste à chercher un élément sn+1 de Ad en utilisant une seconde direction de recherche E −, conjuguée de la précédente. La Figure 2.4 donne une représentation de principe de la stratégie dans l’espace S [0,T ] et les sous-sections suivantes détaillent chacune de ces étapes.
Étape locale à l’itération n +1
On suppose que l’étape précédente a produit une solution sn de Ad et on se donne un espace linéaire E + appelé direction de recherche à l’étape locale : E + = n ∆s ¯ ¯ ¯ ∆ff +L∆ »˙ = 0, ∆q + r∆p = 0, ∆W +M∆Z = 0 o Principes de la méthode LATIN 31 Ad E− E+ sn ^ sn+1/2 sn+1 Γ sex Figure 2.4 • Représentation de principe de la méthode où les opérateurs L, r et M, qui sont les paramètres de la méthode, seront précisés ultérieurement. Le problème est maintenant de trouver sˆn+1/2 dans Γ tout en imposant que sˆn+1/2− sn appartienne à E +, i.e. : ( ˆffn+1/2 −ffn)+L(« ˆ˙n+1/2 − »˙n) = 0 (qˆn+1/2 − qn)+ r(pˆn+1/2 − pn) = 0 (Wˆ n+1/2 −Wn )+M(Zˆ n+1/2 −Zn ) = 0 (2.1) En utilisant les relations de comportement (1.3), l’étape locale consiste alors à résoudre en chaque point d’espace le système différentiel en temps suivant : L »ˆ˙n+1/2 +D »ˆn+1/2 − bpˆn+1/2I = An 1 Q pˆ˙n+1/2 + rpˆn+1/2 + b Tr »ˆ˙n+1/2 = αn (M+H)Zˆ n+1/2 = β n (2.2) dans lequel les seconds membres : An = ffn +L »˙n αn = qn + r pn β n = Wn +MZn (2.3) sont des quantités connues à cette étape. Les conditions initiales en pression et en déformations sont p(t = 0) = p0 et ˆ »(t = 0) = « (U0 ). Notons que l’équation qui permet de calculer Zˆ n+1/2 ne posera pas de problème particulier lors de la résolution puisqu’elle est indépendante des deux autres et ne couple pas les quantités solides et fluides. Les quantités duales ˆffn+1/2, qˆn+1/2 et Wˆ n+1/2 sont ensuite calculés en utilisant la direction de recherche (2.1).