La métabolomique comme outil pour l’évolution des méthodes d’analyses
Ces 20 dernières années, le besoin d’analyses rapides, sensibles, et précises des molécules telles que les médicaments et leurs métabolites dans les matrices biologiques complexes ont conduit à une amélioration continue des technologies de séparation et de détection physico-chimique de type CL/SM. La science du métabolisme et la spectrométrie de masse ont été combiné de façon avec succès pour l’étude du vivant et cela grâce à la mise au point d’instruments analytiques modernes extrêmement sensibles, à la disponibilité de bases de données sur les métabolites et aux progrès de la (bio)-informatique (Want et al., 2007). En analyse physico-chimique pour la surveillance des contaminants et médicaments vétérinaires, les substances et métabolites d’intérêt correspondants ont d’abord été suivis dans les matrices biologiques à l’aide de méthodologies simples et ciblées. Cependant, dans certains cas, ces approches ciblées ne permettaient pas la détection de certains composés, comme par exemple de nouvelles substances anabolisantes interdites issues de l’émergence de nouvelles pratiques en élevage (Gallart-Ayala et al., 2015). Les scientifiques ont ainsi progressivement pu ouvrir les yeux afin de scruter les êtres vivants, les problématiques, les processus, les mécanismes d’action. Cette nouvelle logique initiée en génomique a contribué au développement de nouvelles approches OMICS, qui incluent la métabolomique. Cette ouverture sur l’ensemble des métabolites fabriqués par un système vivant a pu se réaliser grâce à l’apparition et au développement des technologies non-ciblées, qui ont su contribuer positivement au domaine de la sécurité des aliments.
Le métabolome, définition et principe
Dans son rapport « Using 21st Century Science to Improve Risk-Related Evaluations”, l’académie des sciences a défini la métabolomique comme étant : « L’étude scientifique des petites molécules (métabolites) de produits chimiques originaires d’un système biologique vivant (de manière endogène) ou extérieur à ce système biologique (de manière exogène) » (National Academies of Sciences and Medicine, 2017). Elle est représentée dans la dernière étape de la cascade « omics » (Figure 24) faisant suite aux modifications expressionnelles génomiques et transcriptomiques (expression des gènes et leur régulation), puis protéomiques (analyse des protéines générées suite à la régulation génique) Le terme métabolome est apparu pour la première fois dans une étude de séquençage du génome de la levure en 1998 (Oliver et al., 1998). Plus précisément, le métabolome représente l’ensemble des substances métaboliques de faible poids moléculaire (<1 kDa) contenues dans un système biologique tels que des cellules, des fluides biologiques (urine, plasma et sang), les tissus ou encore les organismes vivants. Ces métabolites interagissent au sein du système biologique étudié dans des conditions génétiques, nutritionnelles et environnementales données. Ils peuvent être classés selon leur origine, endogène ou exogène à l’organisme (Want et al., 2007). À cet égard, la métabolomique est une source exceptionnelle de découverte de biomarqueurs, qui présente des avantages par rapport aux autres approches omiques (Ryan and Robards, 2006).
L’endo-métabolome
Parmi les métabolites endogènes, représentant l’endo-métabolome, on distingue les métabolites primaires, directement impliqués dans les processus indispensables au développement normal et à la reproduction des cellules, et les métabolites secondaires qui sont spécifiques aux plantes. Ces métabolites appartiennent à différentes familles chimiques telles que les acides aminés, les acides carboxyliques, les alcools, les antioxydants, les nucléotides, les polyols ou encore des vitamines. Le xéno-métabolome Le concept de xéno-métabolome a été définit au début des années 2000 comme étant « la description multivariée du profil du métabolite xénobiotique (composé étranger) d’un individu ou d’un échantillon provenant d’un individu qui a été exposé par différentes voies possibles (délibérément ou accidentellement) à des médicaments, des polluants environnementaux ou des composants alimentaires qui ne peuvent pas être complètement catabolisés par des systèmes enzymatiques métaboliques endogènes » (Holmes et al, 2007). La métabolomique en sécurité des aliments La métabolomique s’applique à des domaines variés, comme la médecine personnalisée en chimie clinique (Mayr, 2008), la pharmacologie, la toxicologie, afin de relier une exposition chimique (mesure des substances chimiques parentes ou de leurs produits directs de biotransformation/dégradation) à un effet biologique (mesure de biomarqueurs indirects dont le niveau d’expression est sur- ou sous-exprimé consécutivement à cette exposition). L’application de la métabolomique dans les systèmes alimentaires est appelée «métabolomique alimentaire», représentée schématiquement sur la Figure 25. Elle peut s’appliquer à tous les processus des systèmes alimentaires (Josić et al., 2017), de la ferme à l’homme, y compris la production de ressources alimentaires, la transformation industrielle de produits alimentaires et la consommation alimentaire par l’homme (Kim et al., 2016). Le métabolome alimentaire est défini comme la partie du métabolome humain directement issue de la digestion et de la biotransformation des aliments et de leurs constituants. Ces aliments peuvent ainsi être modifiés par l’ingestion de contaminants et/ou contenir leurs résidus comme ceux issus de médicaments administrés en production animale, et sont donc évalués et contrôlés afin de s’assurer qu’ils ne présentent pas de dangers pour les consommateurs (sécurité sanitaire des aliments). La métabolomique en sécurité chimique des aliments d’origine animale Les applications de la métabolomique en sécurité chimique des aliments se diversifient de plus en plus, afin d’observer les perturbations physiologiques induites, notamment pour les applications liées à la détection d’utilisations illicites de facteurs de croissances à faibles concentrations ou en mélanges pour l’élevage d’animaux (bêta-agonistes, stéroïdes, thyréostatiques) ou à la présence de contaminants (dioxine, HAP, PCB…). Le Tableau 10 recense les applications en sécurité chimique des aliments d’origine animale et certaines applications d’éco-toxicologie chez le poisson