La Mer Baltique à l’épreuve du droit international

La Mer Baltique à l’épreuve du droit international

La Mer Baltique : un laboratoire d’expérimentation juridique.

La coopération régionale pour la protection et la prévention de l’environnement de la Mer Baltique a atteint aujourd’hui un niveau particulièrement élevé que l’on peut considérer comme un exemple pour les autres Etats et régions du monde menacées par les pollutions. Cette coopération fut construite progressivement, elle a rencontré de nombreux obstacles, notamment d’ordre politique. La région de la Baltique a été fortement marquée par le partage des zones d’influence entre l’URSS et les Etats-Unis à la sortie de la Seconde Guerre mondiale, et sa conséquence : la guerre froide. Ce cette configuration regroupant les pays appartenants à des blocs politiques opposés a contribué à compliquer le processus de la coopération dans tous les domaines, y compris celui de la protection de l’environnement. Néanmoins les considérations d’ordre politique et géopolitique n’ont pas empêché le développement du droit régional de protection de l’environnement marin.
En effet la Baltique fut le lieu privilégié de l’expérimentation d’un régionalisme maritime original (chapitre 1) encouragé notamment par l’action des Nations Unies. C’est de cette expérimentation juridique qu’est né le cadre juridique de la protection actuelle de la Baltique (chapitre 2).

L’expérimentation d’un régionalisme maritime original.

L’expérimentation du régionalisme maritime dans la Mer Baltique se décline autour de deux traits principaux. Tout d’abord il ne faut aucunement négliger l’acquis du régionalisme traditionnel du droit de la mer (section 1). Ce régionalisme traditionnel forme en effet la base sur laquelle a pu se construire l’actuel cadre juridique de la Baltique. Ensuite, il convient de souligner le caractère particulier du régionalisme baltique (section 2). C’est incontestablement ce caractère qui permet d’affirmer que la création du régime de la protection de la Baltique relève d’une réelle expérimentation.

L’acquis du régionalisme traditionnel du droit de la mer.

« Le concept de la régionalisation dans la protection du milieu marin permet de prendre les mesures adéquates selon les besoins spécifiques » .Le régionalisme traditionnel du droit de la mer s’exprime principalement à travers le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE). Ce programme fut institué par la résolution 2997(XXVII) de l’Assemblée Générale des Nations Unies , adoptée après la Conférence de Stockholm de 1972. Il tente d’envelopper toute la problématique de l’environnement au niveau international. En ce sens le PNUE est une étape incontournable du développement de la protection des milieux marins. En effet le PNUE a développé depuis les débuts de son existence des approches juridiques particulières dans le domaine du droit international de l’environnement. Une de ces approches est relative aux mers régionales (§. 1).Ainsi grâce à l’action du PNUE nous considérons aujourd’hui le régionalisme comme le moyen le plus adapté pour la protection de certains espaces. Ce fait n’est cependant pas tout à fait nouveau, quelques initiatives anciennes, notamment dans la zone de la Mer Baltique allaient déjà dans ce sens. En conséquence il est possible d’affirmer que le régionalisme, sous certaines formes, est une approche ancienne (§. 2).

Les mers régionales du PNUE

Le PNUE est l’autorité environnementale des Nations Unies. Ce programme a été conçu pour jouer « le rôle de catalyseur, de défenseur, d’instructeur et de facilitateur œuvrant à promouvoir l’utilisation avisée et le développement durable de l’environnement mondial » . Le PNUE tente de remplir ce rôle à travers un travail qui s’articule autour de :
– l’évaluation des conditions et des tendances environnementales au niveau mondial, régional et national ;
– la contribution au développement des instruments environnementaux ;
– la contribution au développement de la coopération pour le transfert des connaissances et de technologies dans le domaine du développement durable ;
– l’encouragement des partenaires de la société civile et du secteur privé.

L’intervention du PNUE se déroule en général selon un schéma dans lequel il est possible de distinguer trois phases successives. Tout d’abord les experts se penchent sur un problème précis dans le domaine de l’environnement et sur les efforts déjà entrepris pour y remédier. A partir de ces informations un sujet est choisi et intégré dans le rapport du Conseil d’administration du PNUE sur l’environnement. Ensuite ce programme pour l’environnement est présenté à la fois aux gouvernements et aux organisations internationales gouvernementales et non gouvernementales intéressés. Enfin, un choix est opéré parmi les projets précis proposés, pour attribuer à certains d’entre eux l’appui financier du Fonds pour l’environnement. Parmi les actions du PNUE celle menée en faveur de la protection des mers et océans est particulièrement remarquable. En effet selon ce programme « de toutes les formes de pollution, celle des mers est sans doute, dès maintenant et plus encore à long terme, l’une des plus dangereuses… » . Au niveau universel le PNUE a développé le Programme d’action mondial pour la protection de l’environnement marin contre la pollution due aux activités terrestres. Afin de créer un cadre pour la mise en œuvre de ce programme le PNUE a élaboré un important Programme pour les mers régionales.
« Le programme du PNUE pour les mers régionales constitue une entreprise complexe d’un genre tout à fait original. Tentant de surmonter les obstacles, oppositions et clivages politiques, sociaux, économiques et culturels dans des régions géographiques découpées en fonction de critères environnementaux, le programme des Nations unies pour l’environnement a noué des liens entre les Etats riverains des mers régionales et suscité de nouveaux réseaux de coopération.» .Le premier programme pour les mers régionales mis en œuvre sous les auspices du PNUE fut le Plan d’action pour la Méditerranée instauré par la Convention de Barcelone de 1978.
Ce programme est le fruit d’une expérience du PNUE lancée en 1975 et appelée le « Plan Bleu » qui proposait :
– une évaluation de l’état de cette mer afin d’inventorier des actions prioritaires ;
– le lancement de projets de gestion du milieu pour le traitement des déchets et l’amélioration de l’écosystème ;
– l’élaboration d’un projet de convention ;
– la fixation de principes de lutte contre la pollution et de la coopération entre les parties ;
– la création d’un organe de coordination, contrôle et exécution.
La Convention de Barcelone, adoptée à l’issue de ce plan propose aux Etats une convention cadre visant des obligations minimales à l’égard des Etats riverains. Cette convention peut par la suite être complétée par des protocoles additionnels comportant des dispositifs techniques ou instaurant des règles particulières. Le modèle de Barcelone fut suivi dans d’autres régions du monde. Plusieurs plans d’action dans les zones définies comme les mers régionales ont débouché sur la signature des accords multilatéraux dans le cadre du PNUE. Actuellement dix-huit régions dans le monde sont concernées par les plans du PNUE et quatorze d’entre elles sont déjà dotées d’une convention cadre . Il s’agit du golfe Persique, de la mer Rouge et du golfe d’Aden, de l’Afrique de l’Ouest et du Centre, des Caraïbes, du Pacifique du Sud-Est, de l’Afrique Orientale, du Pacifique du Nord-Ouest, de l’Asie du Sud, de l’Asie Orientale, du Pacifique Sud, de la mer Noire et du Pacifique du Nord-Ouest, la Méditerranée et la Mer Baltique . Les accords sont en préparation pour : l’Antarctique, l’Arctique, la Mer Caspienne et l’Asie de l’Est. Le succès du PNUE s’explique par son adaptation à des zones géographiques particulières. En effet les conventions du PNUE pour les mers régionales créent un cadre global pour toutes les zones concernées, ce cadre étant par la suite précisé par les protocoles additionnels qui tiennent compte de caractéristiques propres de chaque zone. Les conventions cadres du PNUE constituent une approche juridique parmi les plus élaborées pour la protection et préservation du milieu marin.
Nous pouvons, en suivant la démarche de professeur Alexandre Kiss , relever cinq traits communs de ces conventions :
– elles appliquent un cadre juridique adapté à chaque écosystème concerné ;
– elles reprennent toujours les mêmes principes, tout en adaptant les moyens d’action à chaque espace ;
– elles prennent en compte le niveau de développement des Etats riverains pour évaluer leur capacité à appliquer les principes juridiques énoncés ;
– elles prennent la forme de conventions multilatérales interétatiques, ce qui leur permet d’avoir une portée juridique importante, celle des actes engageant politiquement et juridiquement un Etat riverain vis-à-vis des autres Etats riverains ;
– il s’agit de conventions modernes qui par le jeu des protocoles additionnels permettent une prise en compte régulière des avancées scientifiques, techniques et juridiques.

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