LA MENACE DU STEREOTYPE (STEELE, 1997)

LA MENACE DU STEREOTYPE (STEELE, 1997)

DESCRIPTION DU PHENOMENE ET ETUDE PRINCEPS

La théorie de la menace du stéréotype vise à comprendre pourquoi, et surtout comment, la performance d’un.e individu.e en contexte évaluatif peut être impactée par la présence d’un stéréotype négatif à l’égard du groupe auquel il/elle appartient (Steele, 1997). Ainsi, pour Goff, Steele, et Davies (2008), « stereotype threat is the sense of threat that can arise when one knows that he or she can possibly be judged or treated negatively on the basis of a negative stereotype about one’s group » (p. 92). Plus précisément, l’effet de menace du stéréotype est susceptible de s’appliquer lorsqu’un stéréotype négatif est rendu saillant dans un contexte évaluatif où ce stéréotype est susceptible de s’appliquer (Steele, 1997). Par exemple, il existe un stéréotype répandu selon lequel les filles sont moins compétentes que les garçons dans le domaine des mathématiques. Si lors d’une situation d’évaluation, un test de mathématiques est décrit comme mesurant les compétences en mathématiques, alors cela pourrait activer le stéréotype de l’infériorité des filles dans ce domaine et impacter en retour leurs performances. D’une manière générale, il a été montré que l’induction d’un stéréotype négatif à l’encontre d’un groupe entrainait une réduction de la performance de ce groupe (voir sections 1.2.1., 1.2.2., 1.2.3., 1.2.4., 3.2.1.). Depuis plus de 20 ans, les effets situationnels des stéréotypes sont devenus l’un des sujets les plus investigués en psychologie sociale, visant de nombreux groupes sociaux, dans des domaines divers et variés (e.g., le domaine physique et sportif avec le stéréotype selon lequel les femmes ont de plus faibles capacités physiques que les hommes, le domaine cognitif avec, entre autres, le stéréotype visant les plus faibles capacités mnésiques des seniors en comparaison de leurs homologues plus jeunes, ou encore le domaine de l’interaction sociale  et notamment le stéréotype selon lequel les hommes homosexuels sont « dangereux » pour les jeunes enfants ; Gentile et al., 2018 ; Lamont et al., 2015 ; Bosson, Haymovitz, & Pinel, 2004, respectivement). Ce phénomène de menace du stéréotype a été observé pour la première fois à l’université de Stanford par Steele et Aronson (1995). Ces chercheurs s’intéressaient aux causes de l’échec académique de certaines minorités ethniques. Plus précisément, ils se demandaient pourquoi les étudiant.e.s afro-américain.e.s obtenaient des résultats académiques plus faibles que leurs homologues caucasien.ne.s, et ce même dans des universités prestigieuses. Dans leur expérimentation, des étudiant.e.s afro-américain.e.s et caucasien.ne.s ont été réparti.e.s dans deux groupes, où seule la présentation de la tâche était différente, et ont ensuite réalisé un test d’intelligence verbale standardisé. Lorsque le test était décrit comme une mesure d’intelligence (i.e., condition diagnostique), les étudiant.e.s afro-américain.e.s réussissaient moins bien le test que les étudiant.e.s caucasien.ne.s. En revanche, lorsque le test était présenté comme étant une tâche de résolution de problème (i.e., condition non-diagnostique), aucune différence n’était observée entre la performance des afro-américain.e.s et celle des caucasien.ne.s (Figure 5). Aux États-Unis, il existe un stéréotype largement répandu selon lequel les afro-américain.e.s sont moins intelligent.e.s que les caucasien.ne.s. Pour ces chercheurs, présenter la tâche comme étant reliée à l’intelligence aurait activé ce stéréotype, ce qui aurait généré une menace évaluative sur le groupe des étudiant.e.s afro-américain.e.s, impactant en retour leur performance.

GENERALISATION DES EFFETS DE MENACE DU STEREOTYPE SUR LA PERFORMANCE

Généralisation des effets de menace du stéréotype chez les femmes dans divers domaines Un des domaines les plus investigués dans le cadre de la menace du stéréotype fait référence au domaine des mathématiques. En effet, les femmes étant sous-représentées dans la poursuite de carrières scientifiques (e.g., Gibney, 2016), certain.e.s chercheurs/euses se sont intéressé.e.s aux raisons, et notamment à l’impact du stéréotype répandu selon lequel les femmes ont des capacités inférieures aux hommes dans les champs scientifiques, comme les mathématiques. D’une manière générale, lorsqu’un stéréotype négatif à l’encontre des femmes concernant leurs plus faibles compétences en mathématiques était induit, une diminution de leur performance était observée (comparativement aux participantes du groupe contrôle) (e.g., Brodish & Devine, 2009 ; Brown & Josephs, 1999 ; Cadinu, Maass, Frigerio, Impagliazzo, & Cadre théorique 35 Latinotti, 2003 ; Cadinu, Maass, Rosabianca, & Kiesner, 2005 ; Chalabaev, Major, Sarrazin, & Curry, 2012 ; Davies, Spencer, Quinn, & Gerhardstein, 2002 ; Inzlicht & Ben-Zeev, 2000 ; Johns, Schmader, & Martens, 2005 ; O’Brien & Crandall, 2003 ; Schmader, 2002 ; Schmader & Jones, 2003 ; Spencer, Steele, & Quinn, 1999 ; Thorson, Forbes, Magerman, & West, 2019 ; Walsh, Hickey, & Duffy, 1999). Par exemple, dans l’étude initiale de Spencer et al. (1999), lorsque le tâche était présentée comme révélant des différences entre les hommes et les femmes, les femmes obtenaient des résultats inférieurs à ceux des hommes. Cependant, lorsque la tâche était présentée comme révélant aucune différence entre les hommes et les femmes, aucune différence n’était observée entre les hommes et les femmes, mettant un évidence un effet de menace du stéréotype. Plus récemment, Thorson et al. (2019) ont montré qu’induire ce même stéréotype entrainait également moins d’interactions avec les hommes (i.e., groupe non-menacé par le stéréotype), tout en s’engageant de manière accrue avec d’autres femmes. 

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La menace du stéréotype, un effet intergénérationnel

En plus de répliquer les effets de menace du stéréotype (Steele, 1997) dans divers domaines, les auteur.e.s se sont également questionné.e.s sur cette généralisation chez les enfants et les seniors dans le but de répondre à la question suivante : à partir de quel âge peuton être sujet.te à la menace du stéréotype, et jusqu’à quel âge ? L’investigation des effets de menace du stéréotype chez des enfants permet, en plus de définir à partir de quel âge cet effet de menace du stéréotype émerge, d’investiguer cet effet dans un environnement plus écologique (e.g., en classe plutôt qu’en laboratoire) (pour des revues, voir Régner, Steele, Ambady, Thinus-Blanc, & Huguet, 2014 ; Régner, Steele, & Huguet, 2014 ; pour une méta-analyse, voir Flore & Wicherts, 2015). La première étude recensant des effets de menace du stéréotype chez des enfants a investigué l’effet de l’induction d’un stéréotype négatif lié aux mathématiques sur la performance de filles américaines d’origine asiatique (Ambady, Shih, Kim, & Pittinsky, 2001). Cette étude montre que les filles âgées de 5 à 7 ans obtenaient des résultats inférieurs au test de mathématiques lorsque leur identité de genre était activée, comparativement à lorsque leur identité d’origine était activée et à la condition contrôle9 . Une situation de menace du stéréotype peut alors émerger dès le plus jeune âge, et réduire la performance de ces enfants (voir aussi Neuville & Croizet, 2007), même pour ceux/celles n’endossant pas le stéréotype des plus faibles compétences des femmes par rapport aux hommes dans le domaine des mathématiques (e.g., Huguet & Régner, 2009). Cet effet négatif sur la performance mathématique des filles a été répliqué dans de nombreuses études (e.g., Galdi, Cadinu, & Tomasetto, 2014 ; Huguet & Régner, 2007, 2009 ; Régner, Selimbegovic, Pansu, Monteil, & Huguet, 2016 ; Muzzatti & Agnoli, 2007 ; Smeding, Dumas, Loose, & Régner, 2013 ; Tomasetto, Alparone, & Cadinu, 2011), notamment en contexte écologique essayant de représenter au maximum le climat de classe (Huguet & Régner, 2007 ; Keller & Dauenheimer, 2003 ; Smeding et al., 2013). En plus des mathématiques, les effets de menace du stéréotype ont par exemple été observés chez des filles de 4 ans lors d’une tâche spatiale (i.e., tâche de reproduction de formes en utilisant des LEGO) (Shenouda & Danovitch, 2014). Un auteur a également montré que cet effet négatif sur la performance des enfants ou adolescent.e.s n’était pas uniquement observé dans les tâches cognitives mais également lors de tâches physiques et sportives chez des adolescentes de 14 à 18 ans (Laurin, 2013, 2017a). Flore et Wicherts (2015) ont établi que l’effet de menace du stéréotype chez les filles était stable et de petite taille (i.e., d = 0,22). 

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