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La maladie d’Alzheimer
Définition de la maladie d’Alzheimer
La maladie d’Alzheimer est une affection neurodégénérative définie par le DSMV comme un « trouble neurocognitif (TNC) léger ou majeur ». Le TNC dû à la maladie d’Alzheimer est caractérisé par un déclin de la mémoire et de la capacité d’apprentissage (American Psychiatric Association, 2015). Son début est « insidieux » et il y a ensuite une« évolution progressive des symptômes cognitifs et comportementaux ». Le déclin cognitif observé interfère avec le fonctionnement quotidien du patient et altère son autonomie fonctionnelle (Sabadell, Tcherniack, Michalon, Kristensen et Renard, 2018).
Au stade de trouble neurocognitif léger, la maladie d’Alzheimer se traduit typiquement par une diminution de la mémoire et de l’apprentissage, quelquefois accompagnée par un déficit des fonctions exécutives. » (American Psychiatric Association, 2015).
Au stade de TNC majeur, « les habiletés visuo-constructives et perceptivo-motrices [ainsi que] le langage peuvent être déficients ». La cognition sociale est souvent préservée jusqu’à un stade avancé de la maladie. Le déficit de mémoire restera au premier plan tout au long de l’évolution.
Le processus évolutif de la maladie d’Alzheimer peut être défini en trois stades en référence au système FAST (Functional assessment staging) (Reisberg, 1988). Ce système s’appuie notamment sur les scores obtenus au MMSE de Folstein. Le stade est dit « léger » lorsque le score au MMSE est situé entre 21 et 26, « modéré » pour un score compris entre 16 et 20 et « sévère » quand le score est inférieur à 15 (Groussard, Mauger et Platel, 2013).
La communication dans la maladie d’Alzheimer
La maladie d’Alzheimer (MA) entraîne des troubles de la communication. Ils sont d’abord discrets, puis se majorent progressivement au fil de l’évolution de la maladie. Ils en deviennent finalement le symptôme majeur (Arock, 2014). Ces troubles de la communication peuvent en partie être expliqués par des difficultés linguistiques.
Le langage de la personne atteinte de MA est marqué par un déficit lexico-sémantique, en contraste avec une préservation relative de la phonologie et la morphosyntaxe (Emery, 1996, cité par Berrewaerts, Hupet et Feyereisen, 2003). Au stade léger de la pathologie, les difficultés se manifestent surtout par un manque du mot (Eustache et al., 2014). Il est « compensé par des périphrases » et « des paraphasies verbales sémantiques (production d’un mot pour un autre, en lien avec le mot-cible) »
(Cardebat, Aithamon et Puel, 1995). Le stade modéré est caractérisé par une majoration de ce manque du mot. Les paraphasies sémantiques, les persévérations d’un élément (syllabe ou mot) ainsi que les difficultés de compréhension orale sont plus importantes. Au stade sévère, ces troubles peuvent aller jusqu’à un mutisme. La production peut aussi être réduite à l’écholalie ou aux persévérations.
Toutefois, les difficultés de communication ne peuvent être uniquement expliquées par l’altération linguistique. Le langage est utilisé dans un contexte de communication précis. De plus, il ne se réduit pas à la production verbale. Ainsi, les aspects pragmatiques (Berrewaerts et al., 2003) et non verbaux (Schiaratura, 2008) doivent être pris en compte.
Dans la maladie d’Alzheimer, il existe un déficit des compétences pragmatiques qui peut entraver la communication. Les habiletés discursives sont notamment touchées. L’informativité du discours se réduit jusqu’à ce qu’il devienne vide de sens (Barkat-Defradas, Martin, Duarte et Brouillet, 2008). Le patient parvient difficilement à transmettre des informations pertinentes. L’aptitude consistant à maintenir le thème du discours est également altérée. Enfin, la capacité à reprendre des informations est atteinte : certains pronoms sont utilisés sans référent.
Par ailleurs, au niveau conversationnel, le temps de parole dans les échanges et le nombre de prises de parole diminuent (Ripich et Terrell, 1988). Les thèmes introduits par les sujets atteints de MA sont également moins nombreux (Mentis, Briggs-Whittaker et Gramigna, 1995). Les patients ont moins recours « aux stratégies permettant de rétablir la conversation en cas de rupture d’échange » (e.g. les demandes de reformulation ou de clarification) (Barkat-Defradas et al., 2008).
Les aspects verbaux de la communication sont donc altérés dans la MA, à la fois sur le plan linguistique et pragmatique. Les troubles sont présents tout au long de l’évolution de la pathologie. Toutefois, ces difficultés sont à envisager en tenant compte des aspects non verbaux de la communication.
En effet, la communication est « un échange dynamique de pensées et de sentiments qui se fait avec les mots, mais aussi avec le regard, les expressions faciales, les gestes, la posture, le ton de la voix et la gestion de l’espace interpersonnel. » (Schiaratura, 2008). Elle implique donc le langage mais aussi des éléments non verbaux.
Dans la MA, alors que la communication verbale s’appauvrit, la communication non verbale semble relativement préservée, même à un stade avancé de la maladie (Schiaratura, 2008). Selon Rousseau (2009), « la communication non verbale permet de maintenir l’échange, tant au niveau de l’expression que de la compréhension ». Les gestes, les mimiques, les regards peuvent « renforcer voire remplacer le discours ». Le déclin langagier s’accompagne même d’une augmentation du nombre d’actes non verbaux chez les sujets MA.
Schiaratura, Di Pastena, Askevis-Leherpeux et Clément (2015) se sont plus spécifiquement intéressés à l’utilisation des gestes des bras et des mains chez trois sujets atteints de MA. Ces gestes sont en lien étroit avec le discours car ils le complètent, l’enrichissent et l’illustrent. La gestualité est toujours présente chez ces patients, malgré l’atteinte de la composante verbale. Pour appuyer leur discours, les sujets MA privilégient les gestes représentationnels plutôt que les gestes non représentationnels. Les premiers sont étroitement liés au contenu du discours alors que les seconds ponctuent le discours. Parmi les gestes représentationnels, ceux qui sont le plus utilisés sont les gestes métaphoriques. Ils ont pour but de rendre le discours plus concret. Les personnes MA semblent donc communiquer avec une intention de donner du sens, et ce, de manière cohérente.
Enfin, les expressions faciales sont préservées chez les patients MA, même à un stade avancé de la maladie. Elles sont produites en adéquation avec le contexte (Magai, Cohen, Gomberg, Malatesta & Culver, 1996). En effet, elles expriment par exemple plus souvent de la colère lors des soins quotidiens et plus souvent de la tristesse lors du départ de leurs proches.
La production verbale étant compromise dans la MA, il semble pertinent de porter notre attention sur les aspects non verbaux de la communication. Ils doivent être considérés comme un réel appui pour le maintien d’une communication fonctionnelle chez les patients MA.
Les difficultés de communication sont bien sûr à envisager en considérant le déficit cognitif global. Le degré d’atteinte cognitive influence fortement les capacités de communication (Rousseau, 2018).
Par ailleurs, il semble indispensable de ne pas réduire les difficultés de communication à celles présentées par le sujet MA. La communication est indissociable du contexte et de l’interlocuteur. Les difficultés de communication sont donc vécues à la fois par le patient mais également par son environnement proche, et en particulier par son aidant naturel.
L’impact des difficultés de communication sur la dyade patient-aidant
Les difficultés de communication constituent un symptôme majeur dans la maladie d’Alzheimer. Elles sont sans doute les plus prégnantes pour l’entourage (Cardebat, Aithamon et Puel, 1995). Quand la communication devient difficile, voire impossible,
« l’équilibre du système familial est perturbé » (Rousseau, 2009). Les rôles et repères de chacun, profondément établis depuis plusieurs années, doivent être pensés autrement et réorganisés.
La perte de communication entre le patient et son aidant conduit souvent à un conflit dans leur relation, à leur isolement social et à la dépression de l’un ou l’autre des individus. La communication est perçue comme problématique à chaque phase de la maladie par les aidants. Les difficultés dans ce domaine altèrent donc fortement la qualité de leur relation (Small, Geldart et Gutman, 2000).
Les troubles de la communication peuvent conduire l’entourage à renoncer à communiquer. Le risque est alors l’accélération du processus évolutif de la maladie, puisque les interactions sont moins nombreuses. Le sujet MA perd son identité d’individu communicant, conduisant à une perte d’identité en tant qu’être humain (Rousseau, 2018). Le renoncement à communiquer peut aller jusqu’à un rejet par les aidants, imposant alors
« la nécessité d’une prise en charge par un établissement spécialisé » (Le Gall et Rousseau, 2007).
Pour le patient, l’expression de ses besoins est plus difficile du fait de ses troubles de communication. Son entourage, quant à lui, ne peut être certain de lui répondre de façon adéquate. La verbalisation est souvent altérée. Elle conduit donc les interlocuteurs de la personne MA à s’appuyer sur les signes non verbaux pour interpréter le message (Schiaratura, 2008).
Même si la communication est modifiée, elle est toujours possible jusqu’à un stade avancé de la maladie. Elle nécessite une adaptation de la part de l’entourage. C’est dans ce contexte qu’il apparaît indispensable de soutenir les aidants dans leur appréhension des troubles de la communication de leur proche MA (Rousseau, 2009).
Table des matières
Introduction
I. PARTIE THÉORIQUE
A) La maladie d’Alzheimer
1. Définition de la maladie d’Alzheimer
2. La communication dans la maladie d’Alzheimer
3. L’impact des difficultés de communication sur la
B) L’aide aux aidants
1. Le rôle des aidants naturels
2. La perception de la communication par les aidants
3. La dimension relationnelle et le rôle de l’interlocuteur
4. L’intérêt d’une approche groupale
C) Communication et chant
1. La médiation par la musique
2. Musique et maladie d’Alzheimer
3. Chant et maladie d’Alzheimer
Problématique et hypothèses
II. PARTIE EXPERIMENTALE
A) Méthodologie
1. Description de la population
2. Description du matériel
3. Déroulement
4. Plan de l’étude
B) Résultats
1. Repérage des signes de communication
2. Vécu de la situation de communication
C) Discussion
D) Conclusion
Références
Annexes.
Glossaire
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