LA MAÎTRISE DES DÉPENSES LOCALES

LA MAÎTRISE DES DÉPENSES LOCALES

S’il ne paraît pas souhaitable d’imposer la LOLF aux collectivités locales, il est possible de s’inspirer de ses principes. Dans cet esprit, la création de référentiels de coûts standards pour les principaux services publics locaux pourrait aider les gestionnaires dans leur pilotage des dépenses des collectivités (A). Il est également possible d’enrichir le débat budgétaire au sein des assemblées locales (B 1) et d’améliorer la qualité et l’accessibilité des informations budgétaires et comptables (B 2). Enfin, le contrôle démocratique (par les assemblées élues comme par les citoyens) sortirait renforcé du développement de l’évaluation externe (C). L’exercice 2006 est celui du premier budget de l’Etat conçu et exécuté selon les modalités de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 (LOLF). Ainsi que le relèvent nombre d’observateurs111, que ce soit par réel engouement, effet de mode ou simple effet d’entraînement, la modernisation de la gestion budgétaire de l’Etat suscite une certaine effervescence chez les gestionnaires locaux, comme en témoigne la multiplication des colloques et publications sur ce thème au cours des derniers mois. L’exemple de la LOLF invite en effet à s’interroger sur les outils budgétaires, comptables et de contrôle dont disposent les collectivités. Il est certain que la loi organique crée une dynamique pour améliorer la gestion de l’Etat : elle met en place des lois de finances plus lisibles et plus transparentes, qui détaillent les moyens des différentes politiques publiques présentées en missions et en programmes, ainsi qu’une gestion plus performante par l’introduction d’objectifs et d’indicateurs de performance. La LOLF cherche ainsi à développer une culture de résultats et d’évaluation, en contrepartie de laquelle les managers publics doivent pouvoir disposer de marges de manœuvre accrues dans leur gestion quotidienne. L’élan que l’Etat a voulu créer avec la LOLF pour progresser dans la performance de sa gestion et la transparence des finances publiques ne doit pas faire ignorer que beaucoup de collectivités, notamment parmi les plus importantes, sont loin d’être en retard. Les premiers travaux entrepris à l’automne 2006 par des collectivités volontaires, en lien avec les directions générales des collectivités locales et de la comptabilité publique, pour mutualiser les expériences de « type LOLF » montrent déjà que beaucoup de collectivités modernisent leur gestion pour l’orienter vers la performance. C’est également ce que rappelle utilement la récente publication de la Revue française de finances publiques consacrée aux nouveaux instruments financiers et de gestion des collectivités territoriales (septembre 2006). A titre d’exemple, l’encadré infra présente les méthodes de gestion développées dans une grande collectivité, la communauté urbaine de Lyon, pour maîtriser et piloter sa dépense dans une logique proche, par bien des aspects, de celle de la LOLF. Il ne s’agit bien entendu là que d’une illustration. 

Les méthodes de gestion développées dans une grande collectivité pour maîtriser et piloter la dépense publique : l’exemple du Grand Lyon

La communauté urbaine de Lyon a initié depuis 2002 plusieurs démarches pour maîtriser et piloter ses dépenses. Ceux-ci reposent sur des principes identiques à ceux de la LOLF : transparence, responsabilisation et performance. Ces actions ont été relayées à un double niveau : politique d’abord, comme axe central du plan de mandat ; administratif ensuite, dans le cadre d’un projet de management d’ensemble, Chrysalis. Sur le plan politique, la maîtrise des dépenses du Grand Lyon est inscrite dans le plan de mandat, qui fixe pour objectif de retrouver des marges de manœuvre via : – une gestion plus économe en matière de fonctionnement courant avec notamment une croissance maîtrisée de la masse salariale (+2,5% par an) et un écart de un point entre l’évolution des recettes et des dépenses de fonctionnement, afin de favoriser l’investissement ; – un endettement respectant les ratios prudentiels de 11 ans de capacité de désendettement par l’autofinancement (ratio encours de la dette sur autofinancement) et une annuité inférieure à 20% des recettes réelles de fonctionnement. Pour atteindre ces objectifs, le Grand Lyon a souhaité moderniser ses outils budgétaires et financiers par : – une lettre de cadrage stricte, qui encadre la dépense dans un système de répartition par enveloppes soumises à des contraintes d’évolution (masse salariale, subventions…) ; – une préparation budgétaire dans le cadre de centres de responsabilité (cf. infra) : les conférences budgétaires (septembre) portent pour chaque centre de responsabilité sur le montant des prestations gérées directement, les subventions à verser ainsi que les dépenses de personnel. L’ambition est de dépasser une vision par imputation pour instaurer un dialogue d’ensemble sur l’opportunité de la dépense. A titre d’illustration, l’écart entre les premières propositions financières des services et celles de la direction générale des ressources était de 100 M€ sur un budget total de 900 M€ en 2002, il est d’environ 15 M€ aujourd’hui ; – une programmation pluriannuelle en investissement mais aussi en fonctionnement ; – un suivi fin de la masse salariale (tableau de bord par centre de responsabilité, autonomie accrue donnée aux managers en contrepartie d’objectifs écrits de maîtrise de la masse salariale) ; – un suivi financier des quelques 700 projets de la collectivité par la mise en place d’un outil informatique de programmation et de gestion de projet, qui permet une planification financière pluriannuelle. Les projets font l’objet d’une revue transversale deux fois par an (juin et novembre) avec la direction générale et le président de la communauté pour vérifier la cohérence d’ensemble de la dépense de la collectivité. Au-delà de cette organisation budgétaire et financière, le Grand Lyon s’appuie sur de nouveaux outils de management pour agir sur sa dépense. Ce projet de conduite du changement, baptisé Chrysalis comprend plusieurs axes, dont trois sont particulièrement dédiés à l’économie et l’efficience de la gestion locale : – les centres de responsabilité cherchent à responsabiliser les services par la définition de priorités, d’objectifs contractualisés, assortis d’indicateurs de résultats et d’outils de reporting. Les contrats de responsabilité sont négociés en juin et définitivement conclus en décembre entre le directeur général et les responsables de chacun des 17 centres. Cette démarche a permis de formaliser le dialogue de gestion, avec des principes proches de ceux de la LOLF : fongibilité asymétrique des crédits, indicateurs de performance, réunions trimestrielles de ressources, intégration forte des centres de responsabilité à la préparation du budget ;  

Les méthodes de gestion développées dans une grande collectivité pour maîtriser et piloter la dépense publique : l’exemple du Grand Lyon

– la rationalisation des achats par la définition d’une politique d’achat vis-à-vis des fournisseurs et des citoyens (Charte de l’achat public) comme des services de la communauté (guide interne de la commande publique) ; reconfiguration du processus « achat » en vue d’une certification qualité (norme ISO 9000 version 2000) ; organisation de la fonction « achat » déconcentrée pour mettre en place un réseau d’acheteurs avisés, associant opérationnels et administratifs (création d’un observatoire économique de l’achat, réseau des acheteurs dans les directions, nouveau système d’information, pratique de la négociation dans le cadre du nouveau code des marchés publics) ; – lancement de nouveaux chantiers : management par les processus pour mutualiser davantage certaines activités et supprimer les doublons ; démarche marketing ; création d’une direction de la performance et de l’évaluation pour développer et renforcer l’ensemble des outils. Source : Contribution écrite de la communauté urbaine de Lyon pour la préparation du présent rapport, octobre 2006. Comme le relève très justement le deuxième rapport au Gouvernement sur la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances112 « une LOLF locale serait inopportune ». L’objectif ne doit donc évidemment pas être d’imposer la LOLF aux collectivités mais plutôt de s’inspirer de ses principes : logique de performance appliquée à l’action publique, lisibilité et transparence des informations budgétaires et comptables, contrôle démocratique (par les assemblées élues comme les citoyens) renforcé via l’enrichissement des débats budgétaires et le développement de l’évaluation. C’est cet esprit qui anime les développements qui suivent.

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