La loi applicable à l’action des penitus extranei

La loi applicable à l’action des penitus extranei

Les penitus extranei terme latin signifiant « tout à fait étrangers » désignent les tiers (étrangers au contrat) qui ne sont pas obligés par celui-ci. Dans le cadre de cette étude ceux-ci sont opposés aux tiers intéressés à l’expédition maritime dans le sens où ces derniers, bien que tiers au contrat de transport, y participent et en bénéficient généralement par le bais d’une relation contractuelle sous-tendue , ainsi le commissionnaire de transport est partie au contrat de transport tandis que son commettant y est tiers mais est relié au commissionnaire par le contrat de commission, l’action entre les deux se plaçant dans le domaine contractuel. A l’inverse, les penitus extranei ne concernent ici des tiers au contrat de transport qui ne participent pas à ce transport. Toutes les actions qu’ils dirigeront contre une partie au contrat de transport seront ainsi de nature délictuelle. Pour reprendre la distinction élaborée par Maitre C.Scapel il est possible de distinguer les tiers absolus et les tiers relatifs. Les tiers absolus n’ont aucun lien direct ou indirect au contrat de transport, c’est l’exemple d’une victime blessée à quai par l’explosion d’un conteneur. La naissance de la relation juridique avec les parties au contrat de transport est totalement fortuite. Le tiers relatif est celui qu’une chaine de conventions peut indirectement relier au contrat de transport, c’est l’exemple de l’action de deux chargeurs entre eux qui tout en étant chacun partie à un contrat de transport, sont tiers par rapport à leur contrat respectif mais reliés indirectement par le transporteur. Cependant la distinction en droit international privé est très artificielle dans le sens où des règles similaires peuvent s’appliquer, elle sert ainsi essentiellement à distinguer différentes relations juridiques qui concernent plus un cas que l’autre ; il est alors possible de s’intéresser au tiers relatifs (Titre I) et aux tiers absolus (Titre II).

Difficile adaptation des règles de conflits à l’action des tiers relatifs

Dans le cadre de l’action des tiers relatifs, sera distinguée l’application générale complexe de la loi du lieu du délit à l’action tiers relatif (chapitre I) et des cas particuliers (chapitre II) Chapitre I : L’application difficile de la loi du lieu du délit en droit maritime Il est possible de s’intéresser ici à une infinie d’actions qui concernent toutes des tiers relatifs aux contrats de transports. C’est l’exemple de l’action de deux chargeurs entre eux, du destinataire contre une société de classification, d’un chargeur contre 161 C.Scapel « La responsabilité du chargeur envers les penitus extranei – Le point de vue français » DMF.689, 2008 La loi applicable à l’action des penitus extranei 65 l’armateur, d’un transporteur contre le chargeur réel (et non celui qui figure au connaissement souvent commissionnaire de transport). Tous ces intervenants peuvent subir ou commettre un dommage au cours de l’expédition maritime, dommages atteignant un autre intervenant de l’expédition sans que celui-ci soit relié contractuellement directement ; il est ainsi possible de s’intéresser à la loi applicable, à ces actions en droit commun (section I) et dans le Règlement Rome II (Section II)

Les solutions retenues en droit commun

La loi applicable aux actions extracontractuelles est en principe soumise à la lex loci delicti (I), toutefois en maritime cette question fait souvent face à des difficultés en cas de délits complexes (II) et de dommages survenus sur un navire III) I. L’application de la lex loci delicti 88. Principe. L’application de la loi du lieu du délit à une action extracontractuelle est une solution extrêmement ancienne et l’on peut remonter en France au moins au moyen-âge (bien que la règle se traduit essentiellement par l’application de la loi du for, celui-ci étant compétent pour apprécier les dommages dans sa juridiction). Pour autant l’application de la lex loci delicti de façon bilatérale a été formalisé par le célèbre arrêt Lautour (v.ref supra n°13). La Cour de Cassation faisant une application extrêmement stricte du principe en considérant que l’accident de la circulation survenue entre deux français en Espagne était régi par la loi espagnole. La même rigueur a été retenue pour l’accident entre deux français par un zodiac sur un baigneur en Espagne, désignant la loi espagnole.162163 La loi du lieu du délit a ainsi en principe vocation à régir toutes actions extracontractuelles en droit international privé commun en France164, bien que ce soit une solution retenue avec de plus ou moins grandes distinctions dans la plupart des pays de Droit civil ou de Common Law.165 Cependant en droit maritime cette règle ne s’applique qu’avec de grandes difficultés en raison de la spécificité du milieu, amenant à s’interroger sur les délits complexes. II. Le problème des délits complexes La désignation de la lex loci delicti apparait très insuffisante en cas de délits complexes, c’est-à-dire dans les cas où le lieu du dommage et le lieu du fait générateur de ce dommage sont distincts ou dans tous les cas où ces lieux sont multiples, ce qui a vocation à se présenter souvent.

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Différence entre le lieu du dommage et lieu du fait générateur

En cas de distinction de ces deux lieux, un choix doit être fait pour désigner la loi applicable à l’action, c’est l’exemple célèbre de la flèche tirée d’un coté d’une frontière qui atteint une personne de l’autre166 . Faut-il choisir la loi du pays depuis lequel la flèche a été tirée, ou la loi du pays où se trouvait la victime de la flèche ? Le milieu maritime fournit divers exemples de tels problèmes, notamment dans les naufrages. Pour résoudre le conflit, diverses opinions ont été émises, ainsi initialement outre atlantique comme en France la doctrine comme la jurisprudence manifestaient une préférence plus marquée pour la loi du lieu du dommage la lex loci damni qui semblait mieux que la loi de l’acte fautif, répondre à l’aspect réparateur de la responsabilité civile. En effet certains auteurs estiment qu’ « un acte illicite ne peut constituer un délit tant qu’un préjudice n’est pas causé. Dans ces conditions, le délit doit être localisé au lieu où son dernier élément c’est-à-dire le dommage, vient l’achever ». Egalement a été invoqué le principe suivant lequel l’indemnisation de la victime ne se mesure pas à la gravité de la faute mais à l’étendue du préjudice, bien qu’initialement cette vision fût plus justifiable du fait de la rareté des responsabilités sans faute.167 Ce sont ainsi dégagés trois tempérament à la lex loci delicti : le système de l’option qui laisse le choix au juge pour départager lequel des deux lieux sera finalement retenu, privilégié par le droit français. Le système du cumul effectif qui laisse le choix à la victime entre l’une des deux lois, qui a été retenu en droit allemand. Le système de la similitude qui exige que le dommage subi à l’étranger soit également répréhensible selon la loi du for, système retenu un temps en Angleterre mais exprimant essentiellement l’application détournée de l’ordre public du for. En faveur de la loi du lieu du fait générateur était invoquée l’injustice qu’il y aurait à condamner une personne pour un acte qui serait considéré comme licite dans le pays où cet acte a été commis, peu importait le lieu des répercussions de cet acte. Mais inversement la loi du lieu du fait générateur permet à une personne de placer délibérément ses activités en un lieu dont la législation lui est favorable, sachant que celles-ci sont destinées à produire un effet ailleurs et si le système de la similitude accorde une grande faveur au défendeur dont la responsabilité est plus difficile à rechercher, le système du cumul effectif accorde une faveur discutable à la victime qui bénéficie d’un choix arbitraire sur la loi applicable.

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