La localisation des activités productives
Les fondements microéconomiques de l’agglomération
Le mécanisme central de la dynamique spatiale repose sur le jeu contraire de forces centrifuges et centripètes. Celles-ci influencent les choix de localisation des agents qui sont conduits, selon la puissance respective de ces deux types de forces, à se regrouper dans une zone et à former des villes ou des régions à forte densité, ou bien à s’éloigner les uns des autres et se répartir dans l’espace. L’étude de cette dynamique nécessite, tout d’abord, de définir les agglomérations et les forces dictant les choix de localisation dans l’espace.
Typologie des économies d’agglomération
La question des économies d’agglomération a été analysée, dans la littérature, de deux manières différentes : statique d’une part et dynamique d’autre part. Dans le premier cas, nous chercherons à expliquer la formation des villes ainsi que les concentrations spatiales de l’activité économique ; dans le second cas, nous nous intéresserons à l’inégalité de croissance des régions.
Les économies d’agglomération statiques
Marshall (1890, 1892) a été le premier à se référer aux économies d’agglomération proprement dites, soit aux avantages que les firmes retirent de la proximité géographique des autres. Cette proximité géographique génère, selon lui, trois types d’économies : tout d’abord les économies reliées à la proximité d’un grand nombre de fournisseurs spécialisés (biens intermédiaires et services), puis celles reliées à la présence d’un plus grand bassin de main-d’œuvre qualifiée et stable, et finalement celles liées à la diffusion des connaissances. De ce fait, les entreprises d’une région profitent d’économies d’échelle qui ne leur sont pas internes, mais qui proviennent d’effets externes régionaux. Le concept d’économies d’agglomérations fait référence aux avantages que les entreprises peuvent retirer de la concentration spatiale des activités économiques. Rappelons à cet égard, que s’il n’y avait pas d’économies d’échelles et d’indivisibilités à l’intérieur des entreprises, il n’y aurait aucun avantage à la concentration spatiale et, de ce fait, les activités tendraient à se disperser spatialement. Selon Parr (2002) et Dicken et Lloyd (1990), les économies d’agglomération (baisses de coûts — au sens large — pour les entreprises) sont liées au fait qu’un grand nombre d’acteurs économiques sont agglomérés au sein d’un espace restreint. Ces baisses de coûts ne doivent pas être confondues avec celle de tous les prix auxquels font face les entreprises. Souvent, afin de bénéficier des avantages des agglomérations, les entreprises doivent payer plus cher leur loyer, leurs employés ainsi que leurs assurances. Cependant, en contre partie, ces entreprises auront toutefois accès à un grand marché, à une panoplie de fournisseurs diversifiée, ainsi qu’aux infrastructures d’une grande ville et aux fournisseurs de services. De plus, une grande ville se trouve, en général, au centre d’un réseau de communication (transports routiers, ferroviaires, aériens, mais aussi communications téléphoniques et informatiques), qui contient une grande diversité ainsi qu’une grande quantité de main d’œuvre, et, souvent, attire une main d’œuvre qualifiée. Au sein d’une grande ville, nous trouvons également des institutions importantes telles des universités, des institutions gouvernementales (ministères, agences, système judiciaire) ainsi que des institutions culturelles, qui sont d’un intérêt économique direct (contact facile avec les chercheurs, les décideurs, . ) mais aussi indirect (création d’un milieu de vie attractif pour la main d’œuvre recherchée, accès aux diplômés, . ). Ces économies sont reliées entre elles du fait qu’elles soient externes à l’entreprise : toute entreprise qui se localise au sein de la ville en bénéficie. Cependant, un prix peut-être payé par l’ensemble des entreprises sous forme de loyers, de salaires, et parfois de taxes plus élevées : face à ces coûts, l’entreprise décide si les bénéfices générés par l’agglomération sont plus élevés aux coûts supplémentaires qui y sont associés. Les auteurs distinguent deux types d’économies d’agglomérations statiques . D’une part les économies d’urbanisation, et d’autre part les économies de localisation
Les économies de localisation
Ces économies sont celles qui sont attribuables à la présence, au sein d’une ville, d’entreprises dans la même filière. De nombreux facteurs attractifs motivent les firmes à s’y installer afin de bénéficier des externalités offertes :
Main d’oeuvre
Des connaissances et aptitudes spécifiques sont souvent requises dans chaque type d’industrie ou de service. Très souvent, celles-ci sont acquises de manière informelle dans le cadre d’un emploi. Même la main d’oeuvre qualifiée acquiert un savoirfaire important dans le marché du travail. Si une industrie est installée dans une ville, il existera donc un bassin de main d’oeuvre expérimenté, auquel pourra faire appel toute entreprise qui en a besoin. Les effets de ces avantages sont cumulatifs, car la main d’oeuvre, elle-même, sera attirée vers une ville où il existe un grand éventail d’employeurs, recherchant les qualifications propres à l’industrie en question. Chapitre 1 : La nouvelle économie géographique :fondement et outils d’analyse
Sous-traitants et fournisseurs
Souvent, les entreprises d’une industrie donnée feront appel à des sous-traitants semblables. Par exemple, les entreprises de fabrication de vêtements feront appel à des spécialistes afin de coudre les boutons, et auront ainsi affaire à des fournisseurs de textile. L’apparition de fournisseurs et de sous-traitants locaux fait appel aux notions de division du travail , qui remontent à Adam Smith : plus une industrie se développe au sein d’ une ville, plus il sera efficace de diviser le travail. La sous-traitance et la spécialisation se multiplieront dans une ville où l’on retrouve une concentration, dans un secteur particulier. Mais, ceci est aussi fonction du secteur en question, de la valeur ajoutée des diverses étapes, ainsi que du degré de spécialisation : par exemple, un fournisseur de matériel électronique de pointe aura, sans doute, un marché international, et ne se localisera pas en fonction de la demande locale.
Economies d’échelle
Si la sous-traitance est développée, alors chaque sous-traitant pourra, non seulement se spécialiser, mais également augmenter l’échelle de son opération, car il aura accès à un grand marché. Ces économies d’échelle, bien qu’internes à l’entreprise, ne seraient possibles — dans ce cas de figure — que lorsque l’agglomération d’entreprises spécialisées, dans une industrie donnée, aura lieu en un seul et même endroit. Un débat existe autour de la manière de traiter ce type d’économie dans un contexte d’analyse des économies d’agglomération (Parr (2002) ; Malmberg (2000)).
Clientèle
La disponibilité de secteurs industriels variés, ainsi que l’offre d’une variété de biens, rend plus facile l’accès aux clients. Par exemple, nous retrouvons, souvent, dans les centres commerciaux, une multitude de magasins de vêtements. De manière paradoxale, la multiplication de compétiteurs entraîne la multiplication de clients, car ces derniers savent où se rendre afin d’accéder à une plus grande variété de boutiques. Évidemment, ceci suppose aussi une compétition importante entre les entreprises oeuvrant dans cette industrie, ce qui entraîne des baisses de coûts, mais aussi la différenciation entre produits, ainsi que l’innovation. Nous voyons, d’ailleurs, comment ces notions liées aux économies de localisation se rapprochent de celles liées aux milieux d’innovation et aux districts industriels.
Infrastructures spécialisées
Chaque industrie nécessite l’accès à certaines infrastructures. Parfois, celles-ci sont spécialisées (comme des pistes d’atterrissage pour les entreprises de l’aéronautique ou des quais de débarquement spécialisés pour le transport du bétail). Là où il y a spécialisation industrielle, nous retrouverons de telles installations spécialisées, car le coût sera divisé entre de nombreux utilisateurs. Un volume suffisant justifiera la construction et le maintien de ces installations.
Institutions spécialisées
Dans le cadre d’économies de localisation, les institutions dont il est question, sont celles liées au secteur comme des institutions financières spécialisées, des chambres de commerce ainsi que des groupes de lobbying représentant, au niveau local, les intérêts de l’industrie.
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