Les différentes fonctions de la litière
Isolation
La litière contribue à l’obtention et au maintien d’une température ambiante adaptée en isolant le sol. Sa capacité isolante dépend de son épaisseur et de sa nature. Ainsi, une épaisseur de 10 à 15 cm de paille hachée (soit 6 kg/m2) correspond à un coefficient d’isolation K d’environ 0,60 W/m2K.
La litière isole thermiquement les animaux du sol, en minimisant les pertes par conduction principalement à partir des pattes et éventuellement du bréchet, tant que celui-ci n’est pas complètement emplumé ou lorsque ces parties anatomiques sont souillées ou lésées. Lorsque les volailles se déplacent ou se reposent sur une litière humide, une thermolyse importante peut s’opérer à partir des pattes et du bréchet, provoquant ainsi un refroidissement important à ce niveau. La dégradation de la litière peut donc augmenter jusqu’à 5 ou 6 °C la température critique inférieure des oiseaux (ITAVI, 1997a).
Confort des animaux
Confort physique
La litière contribue au confort des animaux et limite l’apparition de lésions (ampoules) au niveau du bréchet. Ces lésions peuvent survenir lorsque les animaux restent au contact d’un sol trop dur, croûté et trop froid (ITAVI, 1997a et 2009).
Développement comportemental
Le « bain de poussière » est observé chez de nombreuses espèces d’oiseaux. C’est une séquence comportementale complexe qui débute chez le poulet (Gallus gallus domesticus) par le grattage et le picorage du substrat. L’oiseau érige d’abord son plumage puis s’accroupit dans le substrat. Une fois étendu au sol, l’animal entreprend une séquence chronologique en quatre phases principales : il bat des ailes avec le corps à la verticale, frotte la tête, picore et gratte avec une patte le substrat. Survient ensuite une phase pendant laquelle l’oiseau, plumes aplaties sur le corps, passe plus de temps couché ou se frottant sur le côté, entrecoupée de mouvements plus dynamiques. Environ 20 minutes après le premier battement d’ailes vertical, l’oiseau se relève et se débarrasse de la poussière en s’ébrouant, avant de retourner à d’autres activités.
Pour un animal donné disposant d’un accès illimité à la litière, ce comportement est observé en moyenne tous les 2 jours. En l’absence de litière ou d’autre matériel disponible, les volailles pratiquent un « bain de poussière à vide » reproduisant alors la séquence comportementale à l’identique, mais sur le sol nu (Olsson et Keeling, 2005).
Ces constatations ont conduit l’Union Européenne à modifier la législation : en 2012, toutes les poules pondeuses devront avoir accès à une litière. Cette modification réglementaire a été suivie par l’apparition de cages dites aménagées, contenant bacs à poussière , nids et perchoirs. Malgré cela, les poules continuent à exprimer le bain de poussière à vide, bien qu’elles aient accès à un bac à poussière, comme l’ont montré Olsson et al. (2002). L’accès précoce à un substrat donné influence également la préférence des animaux pour le bain de poussière à l’âge adulte : ainsi les oiseaux élevés sur herbe et sable préfèrent-ils le sable ou le sol, tandis que ceux élevés sur grillage picorent davantage la nourriture que la litière, et piquent le plumage des autres oiseaux (Olsson et Keeling, 2005).
Le nombre de bains de poussière à l’âge adulte est inférieur pour les oiseaux élevés en l’absence de la litière que pour ceux qui sont élevés sur du sable ou de la paille (Johnsen et al., 1998 dans Olsson et Keeling, 2005).
En conclusion, les oiseaux, élevés avec ou sans litière, développent tous un comportement de bain de poussière dont la fréquence ne varie pas significativement en fonction de la présence ou non d’un substrat particulaire. L’apparition de cages équipées de bacs à poussière ne s’est pas accompagnée d’une diminution du nombre de séquences de bain de poussière à vide observées.
Le type de substrat utilisé affecte également la structure du comportement de bain de poussière :
des poussins élevés sur du grillage ou sur du sable ont été observés pendant 3 phases, (1) de J2 à J5, (2) de J8 à J15 et (3) de J20 à J23. Pendant les phases 1 et 3, les bains de poussière duraient moins longtemps chez les animaux élevés sur grillage, chez lesquels le picage, incluant l’allopicage remplaçait le picorage (Larsen et al., 2000 dans Olsson et Keeling, 2005).
Sanotra et al. (1995, dans Olsson et Keeling, 2005) a conditionné des poussins à réaliser des bains de poussière dans de la paille, des copeaux de bois ou des plumes. Aucune différence de comportement n’a été trouvée entre les substrats pendant la phase de préparation. La préférence pour un substrat donné était ensuite testée en proposant aux oiseaux 2 types litières simultanément, à savoir celui auquel ils avaient été habitués, et le sable. Les oiseaux choisissaient progressivement le sable, abandonnant le substrat initial. Ceci s’accompagnait d’une augmentation du temps de latence précédant la séquence du bain de poussière.
D’une manière générale, les volailles préfèrent les substrats à structure fine comme le sable ou la tourbe à ceux qui présentent une structure plus grossière comme les copeaux de bois, la paille, les plumes ou les cosses de riz. Lorsque l’on compare sable et tourbe, aucune différence significative quant à la préférence n’est observée (Olsson et Keeling, 2005).
Vestergaard et al. (1997, dans Olsson et Keeling, 2005) ont étudié le lien entre le retrait de la litière et le stress des animaux en mesurant le taux de cortisol des poules placées dans diverses conditions 15 potentiellement stressantes. Les oiseaux étaient répartis en deux lots élevés soit en l’absence litière soit en présence de sable. A partir de 32 à 34 mois, ceux élevés sur grillage passaient sur litière de sable et inversement. Les taux de cortisol étaient similaires entre les groupes avant le changement, et l’augmentation du taux de cortisol était plus importante pour les oiseaux élevés initialement sur litière.
En conclusion, le stimulus visuel semble important dans la motivation des poules pour la pratique du bain de poussière, ainsi que l’expérience précoce de la litière pour les animaux. Le fait de supprimer l’accès à la litière constitue un stress important pour les animaux.
Dans les élevages intensifs helvétiques de poules pondeuses en volières, le picage des plumes et le cannibalisme constituent un problème majeur. Il concerne non seulement les adultes mais également les poussins. Huber-Eicher et Sebö (2001) ont montré que l’accès à la litière lors des deux premières semaines de vie permettait de diminuer significativement le picage des plumes chez les très jeunes oiseaux. Sept volières localisées dans 6 fermes ont été utilisées pour cette étude : chaque volière était divisée en deux compartiments. Dans le premier compartiment (compartiment expérimental), les poussins avaient un accès illimité à la litière de copeaux de bois pendant les deux premières semaines de vie, tandis que dans le deuxième compartiment (compartiment témoin), ils étaient élevés sur une grille plastique jusqu’à 15 jours d’âge. Ensuite, les animaux des deux lots disposaient d’un accès illimité à la litière. Deux sessions d’observation ont été réalisées, à la 5e et à la 14e semaine respectivement, pour noter le nombre d’animaux présentant des plumes abîmées ou manquantes, les interactions agonistiques (picage), les comportements de fouille du sol (comportement enregistré la 5e semaine seulement).
Les poussins du premier lot montraient significativement moins de picage des plumes et moins d’oiseaux avaient les plumes de la queue endommagées lors des deux sessions. Par ailleurs, ils passaient significativement plus de temps à fouiller le sol. En revanche, aucune différence significative n’a été observée sur la mortalité des oiseaux entre le compartiment expérimental et le témoin.
La mise à disposition précoce de la litière permet donc de diminuer significativement le picage des plumes chez les volailles placées en volière ; l’accès illimité à la litière pendant une longue durée (12 semaines) ne permet cependant pas de compenser l’absence d’accès lors des deux premières semaines de vie. En revanche, cette étude n’a pas permis de montrer une influence de la présence ou l’absence permanente de litière sur le cannibalisme.
Absorption de l’humidité
Par temps doux et humide, lorsque la ventilation est insuffisante et que l’air circulant ne peut plus absorber d’humidité, la litière joue un rôle « d’absorbeur d’humidité », qu’elle restitue d’ailleurs par la suite (ITAVI, 1997a).
État de la litière
L’état de la litière dépend de multiples facteurs que l’éleveur doit maîtriser. Par contre, l’effet saison est plus difficilement maîtrisable. Dans le cas de fortes chaleurs, une litière peu épaisse, voire humide, est susceptible faciliter la thermorégulation des animaux. En revanche, une telle litière aura des inconvénients majeurs (voir E. 4. c)). Par temps humide et doux, il est préférable d’avoir une litière épaisse pour augmenter sa capacité d’absorption d’eau (ITAVI, 1997a).
Une bonne litière doit être :
sèche : de façon à assurer le confort thermique des animaux ;
saine : elle ne doit pas être le support de développement d’agents pathogènes ni de poussières ;
souple : pendant toute la durée de l’élevage, pour assurer le confort physique des animaux ; pas trop fermentescible (voir C. 2. b)) pour éviter les dégagements d’ammoniac ;
absorbante : afin d’assurer l’absorption de l’humidité des fientes ;
épaisse : car il est difficile de maintenir une litière correcte si son épaisseur est insuffisante au départ.
A contrario, une mauvaise litière sera :
humide : cet état favorisera les dégagements d’ammoniac et détériorera le confort des animaux (difficultés de déplacement, perte de chaleur importante par conduction, brûlures sur les différents points d’appui ou de contacts, aux pattes, aux genoux, au bréchet). L’addition de superphosphate peut permettre d’assécher la litière ;
grasse : lors d’entérites sévères, certaines protéines plasmatiques (collagène, fibrinogène) sont excrétées en quantités importantes dans la litière, lui conférant ainsi cet « aspect gras ». Cet état de la litière peut provenir également de l’excrétion de matières grasses non digérées ;
croûtée : le phénomène de croûtage est susceptible de se développer dans les zones où il y a des pertes d’eau sous les abreuvoirs notamment. Un stress thermique froid peut également induire des diarrhées responsables de la formation d’une croûte. L’Institut Technique Avicole conseille de repailler à la demande pour éviter ce défaut. Certains éleveurs passent préalablement un motoculteur pour casser les croûtes de la litière et l’aérer de nouveau ;
poussiéreuse : les poussières en suspension constituent des supports très efficaces de dissémination de différents microorganismes pathogènes notamment à tropisme respiratoire, (ITAVI, 1997a, 2009).
Un test simple proposé par Jacquet (2007) pour évaluer l’humidité de la litière consiste à saisir une poignée de litière et à la comprimer. Si, lorsqu’on ouvre la main, la litière tombe en morceaux, cela indique que sa teneur en humidité est d’environ 20 à 25 %. Si, en revanche, la litière est trop humide, elle restera en masse compacte lorsqu’on ouvre la main.
Zonage dans le bâtiment
À l’intérieur d’un bâtiment d’élevage, il existe plusieurs zones distinctes par leur aspect et leur teneur en humidité (ITAVI, 1997a).
la zone « abreuvoir » est caractérisée par sa teneur importante en humidité, d’autant plus si les abreuvoirs fuient ou ne sont pas équipés de récupérateurs ;
la zone « mangeoire » est relativement humide car généralement assez chargée en déjections. On y trouve également des particules alimentaires ;
La zone « dortoir » est généralement la plus sèche de tout le bâtiment.
Zones humides
Les oiseaux, dans la mesure où ils en ont la possibilité, s’éloignent d’eux-mêmes des zones de vie inconfortables, en particulier autour des abreuvoirs où la litière est croûtée et humide (plus de 60 % d’humidité).
Les lames d’air mesurées à ce niveau présentent une température plus faible : 15 à 20 °C pour une ambiance à 21 °C.
Les animaux vivant dans ces zones humides présentent un plumage souillé et humide, un bréchet dégarni de plumes et souvent mouillé. C’est principalement à ces endroits du bâtiment que l’on dénombre le plus d’individus présentant des anomalies de type ampoules ou pustules.
Les pertes thermiques par conduction (pattes et bréchet) sont potentiellement importantes et se répercutent sur la physiologie des animaux (thermorégulation) ainsi que sur leurs performances zootechniques (efficacité alimentaire).
Zones sèches
Les emplacements secs, souples, voire chauds de la zone « dortoir » sont naturellement recherchés par les oiseaux sauf par fortes chaleurs. Cependant, les litières chaudes peuvent présenter l’inconvénient de produire trop d’ammoniac (voir C. 2. b)).
En conséquence, il existe donc une méthode d’entretien et de gestion du poste litière à respecter pour obtenir le meilleur équilibre au profit des animaux présents (ITAVI, 1997a).
L’écosystème litière
Au début de l’élevage, la litière est caractérisée par une teneur en matière sèche très élevée (supérieure à 90 % pour la sciure ou les copeaux de bois tendre, par exemple), une forte concentration en carbone (environ 50 % pour la sciure ou les copeaux de bois tendre), une faible teneur en azote (< 0,5 % à 1 % pour la sciure et les copeaux de bois tendre, respectivement) se présentant essentiellement sous forme insoluble. Le rapport carbone/azote s’inverse au fur et à mesure que s’accumulent les déjections animales. Ces dernières sont caractérisées par leurs très fortes concentrations en composés azotés hautement dégradables (acide urique notamment) et générateurs potentiels de grandes quantités d’ammoniac, mais aussi par leur richesse en eau qui entraîne l’abaissement progressif du taux de matière sèche au-dessous de 50 % (Zhu et Lee, 2005 ; Kim et al., 2009 ; Guinebert et Pénaud, 2005).
Biocénose de la litière
Les litières de volaille sont des écosystèmes dynamiques qui évoluent pendant la phase d’élevage. Pour comprendre cette évolution, il est nécessaire de connaître les acteurs impliqués. Les litières peuvent également participer au cycle de nombreux organismes pathogènes pour l’Homme ou les animaux. De façon générale, la population microbienne des litières de volaille est composée de moisissures, d’algues et de bactéries hétérotrophes aérobies (bactéries acidophiles, actinomycètes et bactéries aérobies pouvant sporuler) (Gupta et al., 2004).