La lithosphère océanique et la zone de transition manteau-croûte
Structure de la lithosphère océanique
Structure lithologique de la lithosphère océanique
La lithosphère océanique est constituée de la croûte océanique et du manteau lithosphérique. L’éloignement de deux plaques permet la remontée de l’asthénosphère chaude au niveau de la limite divergente. La rapidité de l’ascension (> 1 cm/an) limite la dissipation de la chaleur par conduction et permet l’initiation de la fusion partielle du manteau par décompression adiabatique à partir de 60-80 km de profondeur. Les magmas formés migrent en surface et cristallisent à l’axe de la dorsale pour former la croûte océanique, épaisse en moyenne de 6 à 7 km. Celle-ci repose alors sur un manteau lithosphérique résiduel dont l’épaisseur croît avec l’éloignement de l’axe en raison du refroidissement conductif, atteignant 100 km dans les bassins océaniques les plus anciens. Le refroidissement du manteau asthénosphérique sous-jacent lui fait perdre son caractère plastique. Devenant rigide à une température inférieure à 1200-1300 °C, il s’incorpore peu à peu à la base du manteau lithosphérique, contribuant à son épaississement. Les études géophysiques mettent en évidence une croûte litée présentant un gradient de vitesse croissant vers le bas. Chacune des couches composant la croûte est caractérisée par une vitesse sismique et une épaisseur moyennes (Christensen, 1978; Raitt, 1963). L’échantillonnages effectué lors des campagnes océanographiques ainsi que l’étude des ophiolites (cf. paragraphe 2.2) ont permis de caractériser la lithologie de ces unités : la croûte supérieure basaltique composée de basaltes en coussins et d’un complexe filonien ayant alimenté la surface en magmas (~ 2 km) repose sur une croûte inférieure constituée de gabbros (~ 4-5 km). Les dépôts sédimentaires recouvrent la croûte d’une couche de plus en plus épaisse au fur à mesure que la lithosphère s’éloigne de la dorsale. La transition entre le manteau et la croûte, le Moho, est marquée par un horizon composé en partie de dunites, roches presque exclusivement constituées d’olivines. Le Moho est également une discontinuité sismique majeure et présente des caractéristiques variables : passage net avec changement de vitesse brutal entre la croûte et le manteau, variation progressive des vitesses avec un gradient croissant avec la profondeur, ou succession de couches alternant vitesses rapides et plus lentes.
Dorsales lentes versus dorsales rapides
L’analyse des anomalies magnétiques des fonds océaniques a permis de déduire des taux d’ouverture moyennés sur plusieurs millions d’années. La vitesse d’expansion pour les dorsales actuelles varie de 1,2 cm/an pour la dorsale sud-ouest indienne (SWIR ; Southwest Indian Ridge) à 18 cm/an pour la dorsale est-Pacifique (EPR ; East Pacific Rise). On distingue trois types de dorsales dont la morphologie diffère selon la vitesse d’expansion : les dorsales lentes (1 à 5 cm/an) présentent une vallée axiale (rift) large d’une vingtaine de kilomètre et profonde de 1 à 2 km ; les dorsales intermédiaires (5 à 9 cm/an) ; et les dorsales rapides (9 à 18 cm/an) dont l’axe adopte une structure en dôme (Figure 2.1). La morphologie des dorsales lentes est donc plus accidentée que celle des dorsales rapides aves une vallée axiale bordée de blocs surélevés délimités par des failles normales. Cette différence morphologique reflète un régime thermique très différent. Les dorsales lentes froides présentent une croûte fine constituée par l’intrusion de plutons gabbroïques (Figure 2.1). L’apport des magmas est discontinu et peut temporairement s’arrêter, permettant le développement de la vallée axiale, de volcans isolés et des failles bordières. Le développement d’une faille de détachement peut amener à la formation de mégamullions, ou oceanic core complexes (OCC), zones de dénudation de la croûte profonde et d’exhumation tectonique des péridotites (Cann et al., 1997; Ildefonse et al., 2007; MacLeod et al., 2009; Tucholke et al., 1998) (Figure 2.2). Au contraire, les dorsales rapides sont chaudes, avec un manteau lithosphérique moins épais et un apport magmatique important localisé au niveau d’une fente axiale unique. La croûte océanique formée est épaisse de plusieurs kilomètres et les unités qui la composent sont continues avec notamment des volumes de gabbros beaucoup plus importants (Figure 2.1). La proximité d’un point chaud peut modifier ces caractères structuraux. La dorsale de Reykjanes au sud de l’Islande présente la morphologie d’une dorsale rapide, sans vallée axiale, bien qu’appartenant à la dorsale lente médio-atlantique (MAR ; Mid-Atlantic Ridge). Figure 2.1 : Blocs diagrammes de l’axe des dorsale lentes et rapides. Dans le cas de la dorsale rapide le manteau lithosphérique est fin et la croûte est plus épaisse et continue. La dorsale lente a une lithosphère épaisse du fait d’un régime thermique plus froid. Sa croûte est fine, discontinue et fracturée, avec des gabbros organisés en poches et des affleurements de peridotite exhumée. Les lignes blanches symbolisent la trajectoire du flux mantellique asthénosphérique (d’après Pomerol et al., 2006 ; Laverne, 2008). L’axe des dorsales est discontinu et découpé par de nombreuses failles transformantes. Ces zones de fractures se développent sur des distances importantes, décalant l’axe de la dorsale jusqu’à plusieurs milliers de kilomètres. Les segments formés font plusieurs centaines de kilomètres et constituent des unités tectoniques distinctes. Leurs extrémités sont marquées par d’importantes anomalies de profondeurs, par une géochimie et une minéralogie différentes du reste du segment et par une moindre activité magmatique. A cette segmentation de premier ordre se surimpose dans le cas des dorsales rapides une segmentation de deuxième ordre. Les segments d’ordre 1, aux frontières rigides, sont euxmêmes découpés par des zones en recouvrement (OSC ; Overlapping Spreading Center), zones de relais aux frontières non-rigides et temporaires et montrant un recouvrement latéral (MacDonald et Fox, 1983). Les segmentations d’ordre 3 et 4 présentent des anomalies de profondeur moins importantes voire inexistante et sont surtout mises en évidence par une discontinuité dans la géochimie des laves