Les mesures à l’importation (RQ et MEE); le critère décisif : présence ou absence de réglementation communautaire
Le TCE est un contrat qui impose des obligations de type ‘intégration négative’ (ne pas faire) mais aussi des obligations de type ‘intégration positive’ (faire). Les arts. 25 et 28 et s. TCE appartiennent à la première catégorie puisque, par ces dispositions, le TCE interdit aux Etats membres d’imposer des droits de douane et des TEE ainsi que des RQ ou des MEE, sans leur imposer une obligation positive de produire conformément à des normes établies en commun. En effet, la jurisprudence Cassis de Dijon que nous examinerons infra repose sur l’idée de l’acceptation d’une diversité réglementaire en ce qui concerne les processus de production des différents Etats membres. Dans de tels cas, soit en l’absence d’harmonisation au plan communautaire, les produits qui sont produits conformément aux prescriptions de leur pays d’origine circulent librement sur le marché des autres Etats membres, à moins que l’Etat membre d’importation n’invoque l’une des exceptions prévues par le traité (art. 30 TCE) ou ajoutées par la jurisprudence (exigences impératives, modalités de vente).Les arts. 94 et 95 TCE prévoient cependant la possibilité institutionnelle d’établir des normes communautaires. Dans le domaine de la LCM, ces normes ont servi de plate-forme d’harmonisation de minimis: les produits qui se conforment aux prescriptions réglementaires communautaires sont en principe admis dans tous les Etats membres. La logique réglementaire de l’harmonisation répond à plusieurs besoins : les coûts de transaction sont diminués dans un tel cas ; l’on évite une course vers le fonds ; et finalement, une telle harmonisation fait office de protection face aux importations du reste du monde. Dans le même temps, la CE reste toujours sensible à l’idée qu’il y a des gains d’innovation en cas de diversité réglementaire et c’est pour cette raison, que même dans les domaines où il y a eu harmonisation, le cadre réglementaire laisse l’opportunité aux Etats membres de dévier du standard communautaire si leur décision est motivée et s’ils obtiennent l’accord de la Commission. L’instrument utilisé par excellence pour harmoniser sur le plan communautaire est la Directive, qui lie les Etats membres quant aux résultats à obtenir mais non pas quant aux moyens à utiliser pour y parvenir. De cette façon, même dans un contexte d’harmonisation, nous sommes toujours en mesure de réaliser de gains d’innovation. En facilitant l’adoption des directives (le passage de l’unanimité, nécessaire pour l’adoption des directives dans les années 70 et 80 et alors responsable de retards législatifs considérables, à la majorité qualifiée), l’administration Delors est réputée être à l’origine de la réussite de l’intégration du marché dans les années 90.Les directives d’harmonisation cristallisent le principe de la reconnaissance mutuelle qui d’un principe judiciaire ou quasi-judiciaire (voir la discussion infra quand nous présentons la jurisprudence Cassis de Dijon) devient un principe réglementaire.
En présence d’une réglementation communautaire
La procédure de réglementation
Nous décrivons ci-après l’adoption des Directives dites ‘nouvelle approche’, c’est-à-dire la procédure d’adoption prévue par l’art. 95 TCE :
(a) le rapprochement des législations s’effectue par une décision prise à la MQ du Conseil qui fait suite à une proposition de la Commission et conformément à la procédure visée à l’art. 251 TCE. Les dispositions fiscales, la LCP, et la LE (art. 95.2 TCE) sont exclues de cette compétence;
(b) lorsque la proposition est sensée couvrir la protection de la santé, de l’environnement ou des consommateurs, la Commission doit tenir compte d’un niveau de protection élevé et des évolutions scientifiques récentes (art. 95.3 TCE);
(c) si un Etat membre estime nécessaire de maintenir ou d’introduire des dispositions nationales après l’adoption d’une mesure d’harmonisation, il doit motiver et notifier ses dispositions à la Commission (95.4 TCE et 95.5 TCE);
(d) La Commission adopte ou rejette les dispositions nationales:
(d1) si dans un délai de 6 (maximum 12) mois la Commission soit les accepte expressément soit n’émet aucun avis, les dispositions nationales sont maintenues (art. 95.6 TCE). La Commission peut dans un tel cas amender la mesure communautaire à cet effet (95.7 TCE);
(d2) si la Commission n’a pas approuvé les mesures notifiées et si l’EM concerné n’a pas éliminé la violation, la Commission peut directement saisir la Cour (art. 95.9 CE).
La jurisprudence
La jurisprudence a apporté quelques clarifications de haute importance : en gros, le recours à l’art. 30 TCE est impossible pour justifier des entraves mises à l’encontre de produits qui respectent le contenu d’une réglementation communautaire qui harmonise les conditions de vente (voir infra, 6.2.1). Attention cependant: la Cour s’est montrée assez attentive quant à l’étendue du transfert de souveraineté lors de l’adoption de chaque réglementation commune; la Cour n’a pas toléré d’interprétations de la part de la Commission qui allaient plus loin que le texte harmonisé (voir infra, 6.2.2).
Le recours à l’art. 30 TCE est exclu en cas d’harmonisation
Dans sa jurisprudence Hedley Lomas [C-5/94, Rec. (1996) I-2553], la Cour a dû faire face à la question de savoir dans quelle mesure en présence d’une directive d’harmonisation, un Etat membre pouvait valablement faire appel à l’art. 30 TCE (à l’époque 36). La Cour a exclu une telle éventualité même si le recours à l’art. 30 TCE est effectué en raison du non-respect, par un autre Etat membre, de la législation communautaire en cause (atts. 14-21):
« La première question doit être comprise en ce sens que la juridiction nationale cherche à savoir si le droit communautaire s’ oppose à ce qu’ un État membre invoque l’ article 36 du traité pour justifier une limitation des exportations de marchandises vers un autre État membre au seul motif que, selon le premier État, le second ne respecte pas les prescriptions d’ une directive communautaire d’ harmonisation poursuivant l’ objectif que le recours à l’ article 36 tendrait à protéger, sans cependant prévoir de procédure de contrôle de leur application ni de sanction en cas de leur violation. Avant de répondre sur le fond, il y a lieu de constater, ainsi qu’ il ressort de l’ ordonnance de renvoi, que, en l’ occurrence, la ligne de conduite générale adoptée par les autorités du Royaume-Uni, consistant à refuser d’ octroyer les licences d’ exportation vers l’ Espagne, reposait uniquement sur la conviction qu’ un certain nombre d’ abattoirs espagnols ne respectaient pas les règles de la directive elle-même et qu’ il existait à tout le moins un risque non négligeable que les animaux exportés vers l’ Espagne y subissent, lors de leur abattage, un traitement contraire à la directive. C’ est eu égard à ce contexte factuel qu’ il convient de répondre à la première question posée par la juridiction de renvoi. D’ abord, il y a lieu d’ observer que le refus par un État membre de délivrer des licences d’ exportation constitue une restriction quantitative à l’ exportation, contraire à l’ article 34 du traité. Ensuite, le recours à l’ article 36 du traité permet de maintenir des restrictions à la libre circulation des marchandises justifiées par des raisons de protection de la santé et de la vie des animaux, laquelle constitue une exigence fondamentale reconnue par le droit communautaire. Toutefois, ce recours n’ est plus possible lorsque des directives communautaires prévoient l’ harmonisation des mesures nécessaires à la réalisation de l’ objectif spécifique que poursuivrait le recours à l’ article 36.