La libération des composés d’arôme en conditions in vivo et in vitro
Dans la littérature, deux méthodes sont décrites quant au suivi de la libération des composés d’arôme, en condition in vivo, lors de la consommation d’un produit : – la méthode de suivi des composés d’arôme en continu. Les COVs libérés de la matrice par voie rétronasale, et expirés dans les effluves nasales du sujet, sont directement analysés en temps réel de consommation produit par spectrométrie de masse à ionisation douce de type PTR-MS ou API-MS (Frank, Appelqvist, et al., 2011; Frank, Eyres, et al., 2012; Tarrega, Yven, et al., 2008). – la méthode de suivi des composés d’arôme en discontinu. Les COVs exhalés par le sujet par voie rétronasale sont extraits à l’aide d’une technique de piégeage de type SPME ou RATD, puis sont analysés en GC-MS (Ingham, Linforth, et al., 1995; Munoz-Gonzalez, Martin-Alvarez, et al., 2014a; Pionnier, Sémon, et al., 2005). Dans le cas de matrices complexes, telles que des fruits, le suivi des COVs en continu par PTR ou API-MS peut être délicat. En effet, la complexité aromatique des fruits tend à rendre les résultats difficiles d’interprétation. Le suivi et l’identification des COVs sont basés sur la recherche de l’ion pseudo-moléculaire m/z caractéristique de chaque molécule mais bien souvent commun aux molécules de même poids moléculaire tels que des monoterpènes (137 m/z), des sequiterpènes (205 m/z), des esters (117m/z ; butanoate d’éthyle, l’acétate de butyle), des aldéhydes (87 m/z ; 2-méthylbutanal, 3-méthylbutanal) ou tout autre isomère. Dans ce contexte, le suivi in vivo des COVs en continu est réalisé par groupes de molécules de même ion pseudo-moléculaire m/z plutôt que par molécules définies, une perte de l’information est donc notable. De plus, la quantité de COVs exhalée par le sujet est déterminante pour pouvoir observer ces molécules en SM. Les résultats obtenus dépendent donc aussi de la sensibilité du SM et de la richesse aromatique du fruit. Les études précédemment menées sur fruits, avec un suivi continu in vivo des COVs, ont ainsi été limitées dans le choix des molécules à suivre, tant de par les difficultés d’identification des COVs (ions moléculaires communs), que des quantités de COVs analysées (composés traces). Ainsi sur kiwi, Friel, Wang, et al. (2007) ont pu suivre 9 COVs en PTR-MS contre 32 COVs identifiés en P&T/GC-MS. Sur pomme, Ting et al. (2016; 2012) ont suivi bon nombre d’ions pseudo-moléculaires m/z qu’ils ont attribué à des groupes de molécules de mêmes poids moléculaires. Sur orange et carotte, Frank, Eyres, et al. (2012) ont suivi le butanoate d’éthyle (117 m/z) et des ions moléculaires communs aux composés terpéniques. L’introduction récente sur le marché des techniques PTR-TOF-MS et Fast-GCPTR-TOF-MS pourra permettre des études plus poussées et précises sur la libération in vivo des COVs sur matrices de fruits. Ces appareils étant très coûteux, l’accès à ces techniques de pointes est donc difficile. Les méthodes de suivi discontinu par piégeage in vivo peuvent être une bonne alternative aux méthodes de suivi continu dans le cas de matrice complexe de type fruit. En effet, l’identification des COVs est établie, sans ambigüité, grâce à l’analyse des COVs par GC-MS. De plus, l’extraction des COVs sur une période de temps donnée, permet de concentrer et d’identifier des COVs à l’état de trace qui, à l’inverse, ne sont pas détectés en suivi continu (PTR-MS). Ainsi, suivant la richesse du profil aromatique du fruit, les COVs ont plus de chance d’être détectés en suivi in vivo discontinu qu’en continu. Les méthodes de piégeage in vivo ont déjà fait leur preuve sur des matrices réelles et modèles (vins, fromage, chewing-gum) aux arômes complexes (composés terpéniques, esters, alcools, aldéhydes, etc.), (Delahunty, Piggott, et al., 1996; Ingham, Linforth, et al., 1995; Linforth & Taylor, 1993; Muñoz-González, Rodríguez-Bencomo, et al., 2014). Par extrapolation, ces méthodes ont également été utilisées pour des suivis en discontinu des COVs en conditions in vitro à l’aide de simulateurs de dégustation produit (Arvisenet, Billy, et al., 2008; Van Ruth, King, et al., 2002; Van Ruth & Roozen, 2000). L’inconvénient majeur des suivis in vivo et in vitro en discontinu, reste cependant l’absence d’information concernant la cinétique de libération des COVS.
Suivi de la libération in vivo des composés d’arôme par SPME/GC-MS
La 1ère méthode in vivo testée et utilisée pour suivre la libération des composés d’arôme en cours de dégustation est l’extraction SPME in vivo couplée à l’analyse GC-MS. Dans un 1er temps, il a été nécessaire de choisir une fibre SPME adaptée pour les expériences in vivo. Pour cela, des tests en conditions in vitro ont été réalisés sur plusieurs fibres SPME. Une fois la fibre SPME choisie, les montages et le protocole SPME in vivo ont été testés et optimisés en vue d’étudier la libération in vivo des COVs des produits de mangue. a) Choix d’une fibre SPME Les fibres SPME testées en condition in vitro présentent des phases PDMS, PDMS/DVB, PDMS/CAR, DVB/CAR/PDMS. Leur potentiel d’extraction a été évalué en réalisant des extractions SPME sur une purée de mangue fraîche à une température de 37 °C (température de la cavité buccale), avec une phase d’équilibre de 10 min. et une phase d’extraction de 30 min. Dans ces conditions d’extraction, les composés majoritairement extraits sont des mono et sesquiterpènes. Les résultats SPME/GC-MS obtenus pour ces composés majoritaires et pour les étalons internes utilisés sont présentés dans les tableaux cicontre. Le Tableau 11 présente la moyenne des aires brutes des pics chromatographiques (TIC) obtenue pour chaque composé et pour chaque fibre sur les 4 répétitions réalisées. Le Tableau 12 a été obtenu à partir des données du Tableau 11 par calcul du potentiel d’extraction des fibres SPME, pour chaque composé et pour chaque fibre (cf, Matériel et Méthode, Partie 3, §3.8.2, p 83). Les résultats ANOVA réalisés montrent que les fibres PDMS/DVB et DVB/CAR/PDMS sont celles qui présentent la plus grande affinité pour les composés d’arôme de la mangue, notamment pour les monoterpènes. Le composé polaire (E)-non-2-ènal et l’étalon nonan-4-ol sont eux aussi davantage extraits par ces deux fibres. Les sequiterpènes α- et β-caryophyllène ainsi que l’étalon α-cédrène sont autant extraits par les 4 fibres SPME.
Tests d’optimisation et de validation du protocole SPME in vivo
Les deux montages SPME in vivo (en « T » et en « T » avec restriction) et les deux fibres SPME (PDMS/DVB et DVB/CAR/PDMS) ont été appliqués sur les différents protocoles de dégustation (avec et sans pompe d’aspiration, avec 1 ou 2 min. de dégustation) sur purée de mangue fraîche avec deux panélistes. Malgré tous les tests croisés réalisés, les résultats SPME/GC-MS obtenus n’ont pas été concluants. Les COVs libérés en in vivo qui ont été extraits sur fibres SPME et analysés en GC-MS ont été observés à l’état de traces. Ainsi, le δ-3-carène et le limonène ont pu être observés par recherche de leurs ions caractéristiques (68, 91, 93, 105, 121, 136 m/z). Cependant, les aires sous les pics chromatographiques (TIC ou bien EIC) des composés n’étaient pas assez importantes pour être intégrables et exploitables.