La lèpre ou maladie de Hansen

 La lèpre ou maladie de Hansen

La lèpre2 , ou maladie de Hansen, est une maladie infectieuse due au Mycobacterium leprae, atteignant préférentiellement la peau et certains nerfs périphériques et se manifestant par une symptomatologie clinique polymorphe, car conditionnée par des modalités de réponse du système immunitaire très variables selon les individus. Le traitement spécifique poly-chimiothérapique est très rapidement efficace, à condition qu’il soit prescrit suffisamment tôt, c’est-à-dire avant l’apparition des signes neurologiques. Des réactions immunologiques peuvent, assez souvent, se produire pendant ou après le traitement spécifique et entraîner des complications neurologiques qui, non traitées à temps, risquent d’évoluer vers des paralysies et des infirmités définitives. Un des fléaux de tout temps le plus redouté de l’humanité, attribuée à une malédiction divine, la lèpre, longtemps incurable et très mutilante, a trop souvent suscité des mesures inhumaines envers les malades. De nos jours, malgré des progrès incontestables réalisés sur ce plan, la lèpre véhicule encore, dans de nombreux pays, une image péjorative. C’est très récemment (au cours de la Seconde Guerre mondiale) que des médicaments efficaces ont transformé la lèpre en maladie curable. Par ses effets physiques, comme par les drames psychologiques qu’elle provoque, la lèpre crée un important problème social, justifiant la poursuite des efforts qui, au cours des dernières décennies, ont permis de réduire la prévalence3 de la maladie dans de nombreux pays.

Histoire et répartition géographique de la maladie

L’origine de la lèpre se perd dans la nuit des temps. A la lecture des textes anciens, indiens et chinois, et des livres sacrés, telle la Bible, certaines maladies indiquées comme redoutables et infamantes semblent correspondre à la lèpre, mais l’imprécision des signes évoqués ne permet pas d’en être certain. On peut lire les premières descriptions caractéristiques de la lèpre écrites six siècles avant notre ère dans le Sushruta Samhita4 . Ainsi l’Inde est considérée, sinon comme le lieu d’origine, du moins comme un des premiers foyers du fléau. Depuis l’Inde, la lèpre se serait répandue à l’est vers l’Indochine, la Chine, puis le Japon. A l’ouest, transportée par les guerriers de Darius et d’Alexandre, elle gagne la Perse, le Proche-Orient et l’Égypte. Les Phéniciens contribuent à son extension à tout le littoral méditerranéen, et au début de l’ère chrétienne les légions romaines la font pénétrer au cœur de l’Occident. Les navigateurs, les invasions barbares et sarrasines favorisent sa dissémination à toute l’Europe et jusqu’en Islande. A la suite des Croisades, enfin, elle atteint son apogée en Europe aux XIIème et XIIIème siècles. Elle inspire à cette époque une terreur telle que les lépreux sont frappés de mort civile et rejetés de la communauté humaine. La lèpre a donné lieu à des mesures de ségrégation et d’exclusion sociale, quelquefois héréditaires, comme dans le cas des Cagots5 du sud-ouest de la France. Il existe alors, pour recueillir les lépreux, environ dix-neuf mille léproseries dans toute la chrétienté dont près de deux mille en France. À partir du XIVème siècle, l’endémie décline rapidement en Europe, en partie sans doute du fait de cette impitoyable ségrégation6 et de la mortalité consécutive aux épidémies de peste, variole, choléra ; quelques foyers ont persisté en plusieurs régions, notamment en Scandinavie, ce qui explique qu’un Norvégien, Hansen, ait pu, au XIXème siècle,découvrir le bacille, agent pathogène de l’infection, classant celle-ci parmi les maladies infectieuses et contagieuses. L’Asie du Sud et du Sud-est, l’Afrique noire, l’Amérique centrale et l’Amérique du Sud, contaminées d’abord au XVIème siècle par les conquistadors et les Portugais, mais plus sûrement ensuite par l’importation d’esclaves noirs, l’Océanie, où la maladie aurait pénétré avec les immigrants chinois et japonais du XIXème siècle, ont constitué les principaux foyers historiques. Le nombre des pays atteints a toutefois été fortement réduit depuis les années 1990. Ces vingt dernières années, plus de douze millions d’individus ont été guéris de la lèpre. Aujourd’hui, en France métropolitaine (environ deux cent cinquante cas par an) et dans presque toute l’Europe, les cas de lèpre sont des cas importés, l’infection ayant été contractée dans les pays d’endémie. Mais la lèpre est toujours présente dans les départements d’outre-mer. Le Maghreb n’est pas épargné, le Maroc serait le pays le plus touché ; en Tunisie, si la maladie tend à disparaître, il existe encore quelques petits foyers cantonnés dans le centre et le sud du pays, par contre l’Algérie semble épargnée. Selon l’Organisation mondiale de la santé (O.M.S.), la lèpre serait aujourd’hui éliminée dans cent huit des cent vingt-deux pays où elle était considérée comme un problème de santé publique ; des efforts spéciaux étaient estimés nécessaires pour six pays : l’Inde (qui comptait en 2002, soixante-dix pour cent des cas de lèpre enregistrés dans le monde), le Brésil, Madagascar, le Mozambique, la Birmanie et le Népal. L’O.M.S. estime à un million et demi environ le nombre de lépreux dans le monde7 . En 2008, sur la base de rapports officiels fournis par une centaine de pays8 , le nombre de nouveaux cas de lèpre est évalué à deux cent cinquante mille, en baisse moyenne de vingt pour cent par an sur les cinq années précédentes. Le bacille, agent pathogène de la lèpre, a été découvert dans les lésions de malades norvégiens, en 1873 (au tout début de l’ère pasteurienne, et avant même la découverte du bacille tuberculeux), d’où l’appellation courante de : bacille de Hansen, dénommé ensuite : Mycobacterium leprae. Il appartient comme le bacille tuberculeux au genre des mycobactéries, caractérisées par une propriété tinctoriale particulière, l’acido-alcoolorésistance9 . Un des obstacles majeurs que rencontra la lutte contre la lèpre a résidé dans l’impossibilité de la culture du bacille in vitro par les méthodes classiques de la bactériologie. Jusqu’à une période récente, l’homme était considéré comme le seul réservoir de Mycobacterium leprae, mais quinze pour cent des tatous sauvages de Louisiane et du Texas ont été retrouvés porteurs de la maladie. Le bacille peut être également présent dans le sol. Tentées en vain pendant près d’un siècle, les inoculations aux animaux ont été enfin réalisées depuis 1960. Par inoculation à la plante des pattes de souris, on obtient des infections localisées, transmissibles en série ; la multiplication bacillaire y est suffisante pour permettre d’apprécier l’action des divers médicaments et de déceler l’apparition d’éventuelles résistances. En 1971, on a constaté la réceptivité de certains tatous chez lesquels le Mycobacterium leprae peut déterminer de véritables lépromes, ce qui fournit un modèle pour les essais thérapeutiques. 

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Transmission et immunité

 La lèpre peut survenir à tout âge, mais elle est exceptionnelle chez le nourrisson. Rare avant un an, elle augmente ensuite en fréquence avec l’âge, avec un maximum entre dix et vingt ans. La prépondérance masculine est signalée dans de nombreux pays, mais une plus grande fréquence chez la femme est notée dans d’autres. Le réservoir du Mycobacterium Leprae ou bacille de Hansen est essentiellement humain et ce sont les sécrétions nasales des lépromateux non traités qui constituent la principale source de contamination. La lèpre, ou maladie de Hansen, n’étant pas héréditaire, et l’infection congénitale étant exceptionnelle, la diffusion est due uniquement à la contagion. Mais, il ne faut pas oublier que la majorité des lépreux ne sont pas contagieux, et que la maladie se contracte seulement au contact des malades bacillifères. Chez ces derniers, les bacilles sont émis en grande quantité par le nez, la bouche, les voies respiratoires supérieures, et la peau, surtout lorsqu’il y a ulcération ; le lait maternel et les selles peuvent être également contaminants. La pénétration du bacille se fait par voie cutanée, à la faveur d’une excoriation, ou de frottements répétés. Ainsi, les premières lésions sont situées sur les parties du corps habituellement découvertes10. La contamination peut être directe (promiscuité, partage d’un même lit, soins donnés par une mère malade à de jeunes enfants à l’épiderme fragile) ; mais, contrairement à une opinion erronée, la maladie ne se contracte pas par les rapports sexuels. Indirectement, le bacille peut se transmettre par l’intermédiaire du linge, d’objets usuels et instruments divers, par la marche pieds nus sur un sol souillé de crachats et de sécrétions nasales de malades, mais aussi à la suite aussi de tatouages ou d’inoculations accidentelles. Cependant, on admet actuellement qu’il existe une pénétration par voie respiratoire (voies aériennes supérieures) et qu’il existerait une certaine analogie avec la tuberculose. En définitive, la lèpre est peu contagieuse et seul un petit nombre d’individus exposés deviennent lépreux ; de plus, la majorité des sujets atteints ne font pas d’évolution maligne. Il peut, en effet, exister chez l’homme une résistance à l’infection due à un état d’immunité relative, acquise par le contact avec le bacille de Hansen ou le bacille de Koch (ou par vaccination par le B.C.G). Ces phénomènes pourraient expliquer en partie la grande réceptivité de l’enfant (qui n’a pas encore eu de contact immunogène), la résistance relative de l’adulte, la rareté des infections conjugales, le caractère capricieux de la contagion. Bien d’autres facteurs entrent en jeu, parmi lesquels les facteurs hormonaux, la nutrition, etc., responsables aussi des fréquentes fluctuations de la résistance. On met en évidence la présence ou l’absence de l’état d’immunité par l’intradermoréaction à la lépromine11, ou réaction de Mitsuda, dont la positivité (lecture après quatre semaines) n’a pas de valeur diagnostique mais indique une résistance relative de l’organisme à l’infection

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