LA LANGUE DES SIGNES COMME MÉDIUM D’ENSEIGNEMENT/APPRENTISSAGE DES ÉLÈVES SOURDS

LA LANGUE DES SIGNES COMME MÉDIUM D’ENSEIGNEMENT/APPRENTISSAGE DES ÉLÈVES SOURDS

Situation de la recherche dans le domaine des sciences de l’éducation

Justifier l’inscription théorique de sa préoccupation à l’intérieur de sa discipline de recherche est fondamentale. Certes, les cadrages (notamment le cadrage conceptuel) ainsi que les délimitations du domaine de l’étude développés dans la première partie reflètent modestement cette inscription. Toutefois, il nous importe d’apporter plus d’explicitation dans cette partie du travail. Ainsi, ce chapitre développera dans quelle mesure notre recherche s’inscrit dans le domaine des sciences de l’éducation et s’accorde aux paradigmes fondateurs de cette science. Nous devons ce concept de paradigme à Thomas Samuel Kuhn. Le paradigme renfermerait selon lui, deux sens différents. « D’une part, il représente tout l’ensemble de croyances, de valeurs reconnues et de techniques qui sont communes aux membres d’un groupe donné. D’autre part, il dénote un élément isolé de cet ensemble : les solutions d’énigmes concrètes qui, employées comme modèles ou exemples, peuvent remplacer les règles explicites en tant que bases de solutions pour les énigmes qui subsistent dans la science normale. » (Kuhn, 1972 : 207). Ce concept a été ensuite été repris puis redéfini par E. Morin, entre autres (E. Morin, 1995 : 204 – 238). Cependant, dans ce travail, nous allons nous en tenir à la définition attribuée par Thomas S. Kuhn : ensemble de croyances, de valeurs reconnues et de techniques qui sont communes aux membres d’un groupe donné. Une de ces valeurs partagées dans la communauté scientifique œuvrant dans le domaine de l’éducation (formelle) est, rappelons-le, le caractère collectif de l’éducation. Une école est, par sa quintessence, inclusive et respectueuse de la diversité humaine. 25 Champ : Didactique Domaine : Education, surdité et situation d’E/A Axe : Au niveau de l’« éducation processus » (Mialaret, 1976) et notamment la langue (medium) d’E/A Frontières mises en pointillés en raison de l’émergence du concept d’inter/transdisciplinarité Ex : Emprunts des concepts de système ou encore d’écologie appartenant aux sciences biologiques par les sciences humaines; mise en œuvre des chercheurs en sciences humaines des approches et des théories appartenant à d’autres disciplines pour expliquer certains phénomènes, points de vue, etc. Notre preoccupation: La langue des signes comme médium d’E/A des élèves sourds dans le contexte d’ “éducation inclusive” Discipline : Sciences de l’éducation.

Présentation générale de la recherche

Notre domaine de recherche est, telle avancée dans la première partie, dans le second chapitre, l’« éducation et surdité ». Notre axe de recherche se situe au niveau de l’ « éducation processus » suivant la perspective d’analyse de Gaston Mialaret (1976). Dans cette perspective, c’est notamment au niveau de la langue (aussi appelée médium) d’enseignement/apprentissage que nous nous focalisons. Tout cela s’inscrit dans le champ de la didactique qui, elle, s’inscrit dans la discipline des Sciences de l’éducation. Ces Sciences de l’éducation, quant à elles trouvent leurs racines dans les sciences sociales ; lesquelles sont à leur tour imbriquées dans le vaste domaine des Sciences de l’Homme ou Sciences Humaines, une branche de la connaissance. Il n’est pas rare qu’actuellement, on entend parler de SHS : sciences humaines et sociales. Schématiquement, nous avons : Figure n°1 : Modélisation de la situation de notre recherche dans l’ensemble SHS Sciences de l’Homme ou Sciences Humaines Sciences Sociales 26 Pour cette recherche, il a fallu cerner la surdité dans des perspectives différentes : biologique, médicale, linguistique, sociologique. Il a ensuite été question de définir l’éducation et de l’école dans son sens étymologique pour enchaîner avec une approche historique puis philosophique. Enfin, dans l’appréhension de la situation de l’ “éducation inclusive” à Madagascar, il a fallu l’aborder dans son contexte juridique, ce qui relève du droit. Tout cela pour pouvoir à éclairer au mieux le sujet et arriver dans une perspective qui est la nôtre : la perspective didactique. 1.1.1. Justification du choix du domaine La sélection de ce domaine résulte d’un choix raisonné et conscient. Comme première raison, il s’agit d’un public que nous connaissions et dans lequel nous intervenons, en tant professionnel de la langue des signes (facilitateur de communication, interprète et formateur). C’est d’ailleurs dans l’exercice de notre profession que nous nous sommes rendu compte de l’importance de la prise en compte de cette langue dans l’éducation des élèves sourds ; eu égard aux différents projets mis en œuvre actuellement qui, selon nous, adopte une vision holistique du handicap et ne tiennent pas assez de la spécificité du cas surdité en tant que communauté linguistique à part entière. Or qui dit langue sous-entend culture. Deuxième raison, le plurilinguisme, concept développé dans la première partie de notre travail, toujours dans le second chapitre, inclut les langues des signes. Un sourd peut-être plurilingue lorsqu’il fait usage de plusieurs langues des signes ou encore lorsqu’il communique à travers des langues des signes tout en étant apte à communiquer dans une langue orale, notamment à l’écrit (donc usage de la transcription d’une langue vocale ou langue orale dans sa structure). Pour simplifier, un sourd est dit bi/plurilingue lorsqu’il sache communiquer soit par LS + LS + n LS soit par LS + LS + LO et ainsi de suite. À noter que selon le CECRL (2001), le niveau de maîtrise des langues peut varier d’une langue à une autre. Enfin, en tant que chercheur en construction dans le domaine des sciences l’éducation, nous avons décidé de fonder notre recherche dans le secteur de la surdité pour dénoncer le système éducatif actuel comme héritier des modèles traditionnels par son 21 Force est de rappeler ici que la langue des signes diffèrent d’un pays à un autre et, chacune dispose de son propre lexique 27 exclusion (car il n’y aurait pas d’« éducation inclusive » s’il n’y a pas exclusion) d’un public d’éducables. Ce modèle traditionnel, inspirée d’une philosophie essentialiste, est centré sur la transmission impositive et sollicitant « des élèves censés être doués, au départ, d’aptitudes données et stables, de ce qui est considéré comme l’essentiel des connaissances, des habiletés, des techniques et des savoir-être acquis par l’homme » (V. De Landsheere, 1992 : 15).

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Pertinence du sujet

Notre sujet tire sa pertinence dans trois points :  Le thème s’inscrit dans le domaine des Sciences de l’éducation mais aussi, et surtout, dans notre mention (éducation, pluralité linguistique et culturelle) et dans notre parcours (école, plurilinguisme, pluriculturalisme : didactologie).  Le projet apporte des éléments épistémiques et de réflexions d’ordre épistémologique22 (discours du vrai), ontologique (discours sur le réel) et axiologique23 (discours sur ce qui est bon par rapport à certaine valeur) par rapport à un domaine que l’on souhaite contribuer pour son progrès ; à travers la prise de décision auprès des instances responsables.  Le projet de recherche traite un problème de la société : pertinence sociale 22 Viviane De Landsheere précise dans son ouvrage que « les critères de vérité sont multiples ». Elle met au premier plan le bon sens (dans le sens général du terme, dénué de la connotation cartésienne), l’autorité, l’observation, l’expérimentation, la logique, l’examen analytique (tel que nous adoptons dans ce travail). « L’originalité de ce mouvement est l’attention particulière qu’il a portée sur le langage […] » rajoute l’auteure. (V. De Landsheere, 1992 : 10 – 11). D’où notre positionnement vis-à-vis de la dénomination « éducation inclusive », raison pour laquelle nous l’avions toujours mis entre guillemets tout au long de la recherche. 23 Dans le même ouvrage, De Landsheere cite trois critères du bien et du bon : hédoniste (relatif à la recherche de plaisir), pratique (un « bon » médicament est, selon l’auteure, celui qui soigne) et enfin conventionnel (conformité à certaines règles admises par la société). 

Positionnement théorique par rapport à la littérature sur l’éducation

L’éducation est fondamentalement collective et nécessite un maître Nous avons déjà développé dans la première partie du travail (Chap. 1 – 1.2 : cadrage conceptuel), que l’éducation est une chose publique ; et ce, depuis l’antiquité au temps de Platon (428 av. J-C – 347 av. J-C). Elle est fondamentalement collective (Marrou, 1948) et elle nécessite un maître formé pour la profession. La préface de G. Mialaret dans l’ouvrage de G. De Landsheere (1972) mérite que l’on s’y attarde. Il insiste sur la personnalité de celui qui veut exercer la profession d’enseignant. Bien que reconnaissant que l’éducation ne soit pas que science, mais « un art, et restera un art », Mialaret est intransigeant sur les qualités que doit avoir un enseignant et souligne que « des connaissances biologiques, sociologiques et psychologiques sont indispensables à l’éducateur et celui-ci doit apprendre à observer ses élèves, […] ». Aussi, ajoute-t-il, « toutes les qualités de finesse, d’intuition d’un homme – si elles sont toujours indispensables – ne suffisent plus ». La raison est que, selon lui, « On n’enseigne pas ce que l’on sait ou ce que l’on croit savoir, on enseigne ce que l’on est » (G. De Landsheere, 1972 : 9). Ainsi, dans le cadre de notre préoccupation, nous sommes de son point de vue, tant les questions autour de l’autodidaxie sont nombreuses. Aussi, à travers la formulation des hypothèses de recherche, lesquelles sont rattachées au triangle pédagogique de Jean Houssaye (1979), il appert que sans le maître, avec toutes les responsabilités que l’on lui confère, il n’y aurait pas de triangle pédagogique.

Positionnement par rapport aux courants philosophiques de l’éducation

L’avons-nous évoqué plus haut que le système éducatif actuel à Madagascar semble hériter de l’éducation traditionnelle inspirée par la philosophie essentialiste. Cette philosophie a été sévèrement critiquée par les précurseurs de la philosophie progressiste, prônant pour une « éducation nouvelle », notamment Parker, John Dewey ou encore le suisse E. Claparède. En effet, la philosophie progressiste insiste que l’objectif de l’éducation doit être de « susciter des situations où l’élève se forge des habiletés utiles à l’action ». Elle propose une « construction des connaissances » où « la liberté individuelle 29 et la tolérance sont défendues à chaque occasion » (V. De Landsheere, 1992 : 17). La philosophie progressiste a connu, elle aussi, des critiques notamment par Brameld dans le cadre de ce qu’il appelle la philosophie reconstructiviste. Elles étaient moins virulentes car cette philosophie s’annonce elle-même comme un prolongement. La philosophie reconstructiviste complète la philosophie progressiste, notamment dans les perspectives épistémologiques et axiologiques (V. De Landsheere, 1992 : 20 – 21). Ce survol sur les courants philosophiques est incontournable pour un chercheur en construction. Nous nous devons d’assimiler ces positionnements pour déceler la filiation de telle décision politique sur l’éducation à ces trois courants évoqués ci-dessus. Ainsi, jugeons-nous nécessaire d’effectuer cet aperçu des épistémès, dans le sens foucaldien du terme. Comme positionnement alors, nous considérons notre pensée comme héritière de la philosophie reconstructiviste dont le précurseur est Brameld, suivi par V. De Landsheere (1992), bien que les critiques à l’encontre de cette philosophie soient fondées. En effet, V. De Landsheere elle-même évoque une dimension utopique dans cette philosophie ; dans la mesure où elle vise à « concilier les rêves du christianisme ancien avec la démocratie moderne mais également avec la technologie pour constituer une civilisation contrôlée par une grande majorité d’hommes et de femmes souverains maîtres de leur destinée » (V. De Landsheere, 1992 : 20).

Table des matières

PREMIÈRE PARTIE : CADRAGE CONTEXTUEL ET CONCEPTUEL DE LA RECHERCHE
Chapitre 1 : Cadre général de la recherche
Chapitre 2 : Délimitation du domaine de l’étude : éducation et surdité
DEUXIÈME PARTIE : INSTRUCTION DE LA PROBLÉMATIQUE ET DÉFINITION DES POSTULATS DE RECHERCHE
Chapitre 1 : Situation de la recherche dans le domaine des sciences de l’éducation
Chapitre 2 : Postulats de recherche
TROISIÈME PARTIE : PROLONGEMENT ENVISAGÉ EN VUE DE LA THÈSE
Chapitre 1 : Les résultats attendus de la recherche et approche à adopter
Chapitre 2 : Moyen d’investigation et dispositifs méthodologiques
CONCLUSION GÉNÉRALE
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES, SITOGRAPHIQUES ET MÉDIAGRAPHIQUES

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