La labellisation de l’action administrative à l’instrumentation
L’opéra suppose presqu’obligatoirement un mode de production incluant plusieurs entités sous un même toit avec des activités qui leur sont propres La structure organisationnelle contient aussi bon nombre de variables, nous l’avons vu dans la première partie, en plus de dénommer de façons différentes les mêmes fonctions, selon l’histoire du lieu, la représentation que ce dernier se fait de ces fonctions, la distance perçue et organisée entre ces fonctions et leurs tutelles, etc. Un exemple connu étant les administrateurs de la Comédie française qui porteraient ailleurs le titre de Directeur général ou celui d’Intendant. Car la structure organisationnelle représente un réseau organisé de relations que suppose montrer l’organigramme formel, car l’organigramme informel est très complexe non seulement à connaître, à reconnaître et à exprimer sur une interface de visibilité, mais ne joue pas toujours dans le sens de l’harmonie relationnelle voulue lorsque mis au jour et révélateur d’une hiérarchie ou d’une sphère décisionnelle qui n’est pas celle que tous se représentent. Nous pensons aussi que nous aurions tort de considérer d’une part une partie théâtrale et de l’autre une structure formelle avec des composantes fixes, claires, indépendantes de la forme artistique, de l’art. Comme nous l’écrivions dans le chapitre concernant le cadre théorique, la généralisation vient non pas du fait que ce qui se passe, en situation, est « général », mais du fait que dans tous les cas observés, on retrouve, par exemple, la même dynamique lors de l’introduction d’un dispositif donné. L’organigramme de chacun de ces Opéras transcrit une structure hiérarchico- fonctionnelle, bénéficiant ainsi d’une ligne d’autorité claire et de responsables de niveaux hiérarchiques informés et conseillés par des adjoints aux compétences spécialisées. Les fonctions, ou divisions tendent à changer avec le temps, avec l’ajout, même, de divisions nouvelles, exigées ou non par les conventions « opéra national de région ». Le résultat nous ramène à la question du schéma et du plan dont nous parlions : le directeur général choisira un directeur technique qui le supplée. Nous avons à ce sujet vu, même en Allemagne, des directeurs, appelés Intendants, nouvellement nommés arriver avec toute leur équipe (Tremblay 2004). Et les équipes sur place, voir partir leur directeur, sachant parfaitement qu’elles devront songer à quitter le navire elles aussi, par extension.
À partir de ce schéma incontournable, il est possible d’organiser la production vers plus ou moins de rationalisation. Les problèmes d’identification à la production artistique, seraient par ailleurs en grande partie liés au système de gestion : découpage, systèmes de rotation autour des « »130, par exemple, qui, bien qu’ils soient aboutis, et contribuent à la conservation d’un effectif permanent, ne tiennent pas compte de la continuité du processus de production, de l’implication du technicien dans le processus, de son investissement personnel dans la mise en œuvre des objectifs énoncés et d’une production à laquelle il s’identifie. La production constitue un pari d’organisation qui tient compte d’un maximum de paramètres humains, temporels, et techniques pour un résultat — le spectacle — au point et des équipes heureuses. Il est affirmé du côté des directions techniques que les équipes de production des Opéras ne savent pas accueillir : elles ne partagent pas le même « métier » que les théâtres d’accueil qui ont l’habitude d’accueillir des équipes pour le travail de production et même de création. Il ne s’agit pas de dire qu’aucun Opéra en France n’offre la possibilité de travailler aux artistes invités, ce qui est le lot de toute création et production lyrique, mais bien que ce sont-là deux métiers et deux structures de travail distinctes, voire antagonistes. Cette distinction entre la vocation d’accueil et celle de production et de création que l’on retrouve dans les Opéras a été relevée par plus d’un, dont un directeur technique qui va jusqu’à dire qu’il est impossible de trouver un lieu et des équipes aptes à se consacrer à la fois à un accueil de qualité et à la production et à la création de spectacles d’une grande complexité comme ceux produits dans le lyrique. « Je ne dis pas organiser, ce serait présomptueux, mais une possibilité de le faire, en passant par une personne qui est là, qui connaît tout de son plateau, qui a été là au début du montage et qui sera là jusqu’à la fin du montage et qui sera l’autorité sur toutes les équipes du plateau. Si on n’a pas ça, c’est-à- dire une sorte de capitaine du navire, et bien ça ne peut pas marcher. Ça ne peut pas marcher. Alors là, il y a des choses qui se passent, mais faussement. Il y a un régisseur général lyrique, mais le régisseur général lyrique […], ne sait pas ce qui se passe sur un plateau. Ou alors il pense le savoir, et c’est pire quand ils pensent le savoir, c’est pire. Parce que, parce que ce n’est pas comme ça tout à fait, il y a des risques d’accident, de collisions entre les services, etc. »