La gestion du portefeuille de crédit
Les différentes approches de mesure ou d’appréciation de la gouvernance
Plusieurs institutions et recherches ont élaboré des mécanismes permettant de mesurer les systèmes de gouvernance. Parmi les études nous pouvons en citer celle d’Oboma et al. (2013), Brown et Caylor (2004) qui ont montré que les firmes ayant une bonne gouvernance sont celles qui réalisent plus de performance comptables et boursière, Vecchio (2008), Karoui et Khlif (2010) etc. Il existe généralement deux approches d’appréciation de la gouvernance qui sont couramment utilisées : la méthode des indices classiques et la méthode des scores développée soit par les auteurs ou soit par les institutions spécialisées.
Méthode des indices classiques du niveau de gouvernance d’entreprise
une technique de mesure de la gouvernance développée par différents auteurs Plusieurs recherches ont tenté de développer des indices de mesure de gouvernance reflétant un certain nombre de critère à travers la technique du scoring. « Le score de gouvernance permet d’examiner l’engagement de l’entreprise à mettre en œuvre un conseil d’administration capable de contrôler et de conseiller les dirigeants, et qui est responsable vis-à-vis des actionnaires » (Vecchio, 2008). A travers cette technique, il a montré l’influence de diversité au sein des conseils d’administration sur la qualité de gouvernance 40 d’entreprise. L’auteur a utilisé cinq variables que sont le fonctionnement du CA, l’audit et le contrôle interne, les droits des actionnaires et la rémunération des dirigeants. Sur chaque variable il évalue le degré d’engagement de l’entreprise pour, in fine, donner un score à la qualité de gouvernance. Pour la mesure de la diversité au sein des CA, il recourt à l’indice de Gibb-Martin (1962) qui caractérise le degré de mesure de la variable à travers une échelle de valeur comprise entre 0 et 1. Ainsi un indice de Gibb-Martin proche de 1 traduit une forte hétérogénéité des acteurs et s’il est proche de 0 il reflète une diversité très faible donc l’homogénéité du CA. Ceci est valable pour chacun des critères utilisés mesurant la diversité tels que la nationalité des administrateurs, le genre, leur âge, leurs études, la fonction occupée etc. Diop (2010) à travers la technique scoring a montré le niveau de compétence et d’engagement des CA dans les SFD du Sénégal dans l’évaluation de la qualité des systèmes de gouvernance. Il a utilisé une échelle de Likert à 5 positions mesurant le niveau d’appréciation de chaque item de la compétence et de l’engagement des CA. La même technique est utilisée par Khlif et Karoui (2010) pour analyser le rôle du CA dans les PME.
La méthode des agences spécialisées
l’intégration du système de gouvernance d’entreprise dans la notation financière A la fin des années 90, l’analyse extra-financière est devenue un métier qui s’est beaucoup développé. Il consiste à évaluer les politiques Environnementales, Sociales et de Gouvernance (ESG) des entreprises, des Etats ou d’autres types d’émetteur de titres et à établir à partir de leur analyses des notations permettant de faire la comparaison des pratiques ESG des différents émetteurs cotés ou non. Cette notation est généralement fournie par des agences spécialisées. Certaines institutions financières spécialisées ont mis en place des principes de gouvernance adoptés par les entreprises et la façon dont ils sont appliqués. 41 Parmi ces instances, l’agence financière Standard &Poor’s23 a lancé en 2002 une notification en matière de gouvernance appelée le « corporate gouvernance score ». C’est donc une échelle qui permet d’exprimer l’opinion de l’agence sur les principes de gouvernance adoptés par l’entreprise et sur la façon dont ils sont appliqués. Cette agence mesure la qualité de gouvernance à travers quatre principes fondamentaux : la structure de propriété et sa concentration, la nature des relations qui lient les différents acteurs, la transparence et la divulgation de l’information et la structure du conseil d’administration et son fonctionnement. Le score attribué à chaque principe est l’aboutissement d’une analyse détaillé des rapports de gestion et des entretiens avec les dirigeants. Pour chaque mécanisme un score compris entre 1 et 10 lui est affecté. 1 représente le score le plus faible et 10 le plus élevé. Plusieurs autres agences de portée internationale proposent des indices de notation et une gamme de service pouvant être intégrés dans le processus d’analyse de gestion des entreprises. Nous pouvons en citer le GMI Rating traditionnellement connu pour ses services en gouvernance. « Les entreprises sont analysées selon 150 critères répartis en 6 domaines, Environnemental, Social et Gouvernance (ESG) : structure du conseil d’administration, rémunération, structure actionnariale et son contrôle, comptabilité, performance environnementale et performance sociale. Selon les entreprises, les critères sont identifiés comme des risques E, S ou G sont « flaggés ». Ces « flags » sont ensuite additionnés afin d’obtenir un score brute de l’entreprise, qui est comparable aux entreprises de son secteur au niveau local ou mondiale. Cette comparaison peut être faite au niveau de chaque ensemble de critère ou pour le score global de l’entreprise24 . » Ethifinance qui se base sur un référentiel composé de 4 thèmes (gouvernance, social, environnement, parties prenantes), dont chacun comportant des critères regroupés en catégories. Au total pour chaque 23 Cité par Oboma et al. (2013) 24 Panorama des agences de notation extra-financière juillet 2013 Novethic recherche 42 composant le nombre de catégorie est de 22 avec 194 critères. Ces critères peuvent être quantitatifs ou qualitatifs. Le référentiel évalue l’engagement de l’entreprise, le système mis en place et le reporting de sa performance. Il cible toutes les catégories d’entreprises. C’est pourquoi l’agence a mis en place deux types de référentiels, un pour les entreprises cotées de grande capitalisation et le second qui est adapté pour les entreprises moyennes cotées ou non. Dans le même cadre d’analyse, le Crédit Lyonnais Securities Asia (CLSA) cité par Obama (2013) a calculé pour l’année 2008 un score de gouvernance à partir d’un échantillon composé de 495 firmes appartenant à 25 marchés émergents et 18 secteurs. Le score est calculé en se basant sur 57 variables binaires relatives entre autres : la divulgation de l’information, le fonctionnement du conseil d’administration, le rôle du comité d’audit, les caractéristiques des dirigeants etc. En Afrique dans le cadre de la microfinance nous avons la Microfinance Information Exchange (MIX) qui se base sur une échelle de diamant allant de 1 à 5 pour évaluer la transparence et la qualité de l’information fournie par les organisations. Le plus haut niveau de diamant indique que l’organisation a communiqué les états financiers audités et est sujette à la notation financière et sociale25. Leur base de données fournit aussi des informations sur les caractéristiques institutionnelles et réglementaires des IMF.
Les variables de mesures de la gouvernance
Rappelons que l’émergence de la notion de gouvernance d’entreprise a été suscitée par les travaux de Berle et Means (1932) et repris par Jensen et Meckling (1976) avec la théorie de l’agence. Pour atténuer les conflits d’intérêts naissant dans cette relation, les actionnaires mettent en place des mécanismes de gouvernance visant à réduire les 25 C’est l’une des bases de données utilisées par Tchuigona pour évaluer l’influence des mécanismes de gouvernance sur la performance des IFS d’Afrique sub-saharienne » 43 comportements opportunistes des dirigeants et maximiser leurs intérêts. Parmi les mécanismes proposés par cette théorie, le conseil d’administration reste le mécanisme plus appropriés, appuyés par plusieurs chercheurs (Zeghal, 2004 ; Vécchio 2008 ; Souid et al 2010 ; Obama 2013). Le fonctionnement de cet organe a fait l’objet de nombreuses recherches et aboutissent à des résultats parfois contradictoires d’un secteur à l’autre ou d’un contexte à l’autre. Selon Zeghal (2004), cette divergence peut s’expliquer du fait que la plupart de ces recherches se limitent à étudier le pouvoir disciplinaire du conseil d’administration sans s’interroger sur les aspects interrelationnels entre les différents mécanismes.
Une extension des rôles des organes de la gouvernance
Les actionnaires investissent dans les projets de l’entreprise au vu d’atteindre des résultats qui sont appréciés sur la base de document établit par les responsables. Afin de protéger leurs intérêts au détriment des actionnaires, les dirigeants produisent des fausses informations pour maximiser leur utilité (Jensen et Meckling, 1979)26. Ces raisons font que les entreprises recourent souvent au service des personnes extérieures telles que les auditeurs. A la suite de nombreux scandales financiers qui révèlent les fraudes comptables, les actionnaires remettent en cause la capacité de l’audit externe à lui seul de protéger les intérêts des préteurs de la firme. En effet, pour garantir la sécurité de leurs investissements et protéger les intérêts, il est donc nécessaire de mettre en place un processus de la gouvernance d’entreprise à travers des mécanismes. Ces derniers seront véhiculés par le conseil d’administration qui est le gardien qui supervise l’applicabilité de ces mécanismes. Le conseil d’administration est le nœud essentiel qui relie tous les acteurs à la gouvernance27 26 Cité par Souid et al. (2010) 27 Council of microfinance equity Funds 44 Les propriétaires d’une entreprise autorisent le CA à gouverner l’entreprise en recourant à la supervision, aux récompenses et à l’autonomisation. Plusieurs recherches et rapports sont publiés codifiant le rôle et le fonctionnent du conseil d’administration (CA). Le CA doit insister sur la surveillance des comportements discrétionnaires des gestionnaires et la veille sur les intérêts des actionnaires. Karoui et Khlif (2007) dans une recherche sur les formes d’activation des CA dans les PME ont montré à travers une étude exploratoire que les caractéristiques du CA dépendent de la configuration des rôles assumés par ce dernier. Ils ont montré que le CA dans les PME joue quatre rôles essentiels à savoir : le rôle de surveillance-contrôle : ce rôle montre la capacité du CA à examiner et surveiller les états financiers et les comptes de l’entreprise. Il intègre également le suivi de la performance de l’équipe dirigeante ainsi que sa rémunération ; un rôle de leadership stratégique : il concerne la nomination (ou révocation) des membres du CA ainsi de ceux de l’équipe dirigeante ; un rôle stratégique de conseil : la maitrise porte sur la discussion des alternatives stratégiques ainsi que la mise en place des plans stratégiques ; un rôle de service et de soutien : il indique l’engagement des administrateurs à porter la réputation de l’entreprise, à lui servir d’intermédiaires avec son environnement. Ils lui permettent d’avoir accès à plus d’informations et de ressources. Ces quatre axes montrent l’implication du conseil d’administration à assurer aux actionnaires la sécurité de leur investissement. En effet le contrôle exercé par le CA est une variable disciplinaire qui assure sur le respect des normes imposées aux responsables opérationnels. Toutefois des mécanismes d’incitation et de sanctions sont exercés par le CA pour obliger les responsables dans l’adhésion des règles de conduites imposées par les 45 propriétaires. Les rôles du CA ne se limitent pas seulement à l’assurance du respect des règles de bonne conduite mais il ressort de leur compétence d’orienter l’entité sur la base de décisions stratégiques. Ces décisions sont donc prises sur la base de maitrise parfaite du fonctionnement de l’entreprise mais aussi de son environnement. C’est pourquoi Karoui et Khlif intègrent la notion de connaissance des administrateurs comme variable clé dans l’analyse des mécanismes de gouvernance et surtout comme arme des membres du CA pour qu’il puisse jouer pleinement leur rôle. D’autres auteurs ont aussi énoncé suivant leur angle de recherche une catégorisation des rôles du CA et aboutissent à des classifications différentes de celle de Karoui et Khlif. C’est ainsi que Raghavan (2009) catégorise les rôles du CA en trois niveaux : un rôle stratégique consistant à étudier et améliorer la mission de l’entreprise ainsi que la direction stratégique d’ensemble ; aider à mobiliser les ressources nécessaires à la mise en œuvre des stratégies et s’assurer de l’utilisation efficace de ces ressources ; un rôle de supervision qui constitue à planifier, à surveiller et à évaluer la performance du chef de la direction et des cadres supérieurs, embaucher le chef de direction et de congédier. Le CA doit aussi être en mesure de vérifier l’exactitude et la fiabilité des états financiers, examiner et déterminer la rémunération globale des cadres supérieurs, et de veiller au respect des règles d’éthique et des lois. Un rôle de leadership en conseillant et en guidant les cadres supérieurs, en particulier le chef de la direction mais aussi d’évaluer ses propres efficacités.
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