La formation à distance en Afrique subsaharienne

 La formation à distance en Afrique subsaharienne

La formation à distance comme réponse aux défis de l’enseignement supérieur

L’évolution de la formation à distance dans le contexte de l’Afrique subsaharienne francophone corrélée avec celle des technologies de communication, est marquée par quatre phases ou générations (Guidon & Wallet, 2007). La première génération repose sur le service postal. Elle a consisté en l’expédition des cours traditionnels par voie postale. Ce type de dispositif est centré sur l’autoformation où le tutorat est quasi inexistant. La formation à distance en Afrique subsaharienne 8 La deuxième génération s’appuie sur les démarches de l’enseignement programmé avec l’utilisation de l’ordinateur. C’est l’époque de l’enseignement assisté par ordinateur avec une prédominance du courant behavioriste dans les approches pédagogiques. La troisième génération allie à la fois les supports multimédias et papiers. Elle correspond à l’avènement de la radio et de la télévision. Comme les autres technologies qui ont suivi, ces outils ont généré un discours empreint d’optimisme pour l’élargissement de l’accès à l’éducation et à la formation au plus grand nombre à travers les supports de communication de masse que sont la radio et la télévision. C’est l’ère des cours par la radio avec des projets pilotes soutenus par le partenariat bilatéral à travers la coopération française et la coopération multilatérale avec l’UNESCO. La quatrième génération est celle supportée par Internet. Les offres de formation de cette génération se caractérisent aussi bien par la variété des types de dispositifs que par la multiplicité des porteurs de projets. Le dispositif de cette génération a évolué en deux phases. La première phase est caractérisée par des dispositifs reposant sur l’enseignement programmé guidé par l’approche pédagogique béhavioriste. Et la deuxième phase s’ouvre aux approches constructiviste et socioconstructiviste rendues possibles par l’évolution du Web qui intègre des outils d’interaction. C’est l’ère du recours aux dispositifs techno-pédagogiques de formation comme les systèmes de gestion numérique de contenu et d’apprentissage, la visioconférence. Ces initiatives sont mises en œuvre avec l’appui des partenaires bilatéraux et multilatéraux comme opérateurs techniques et financiers (Diop, 2015; Kokou, 2006). Les acteurs visibles qui accompagnent les pays de l’Afrique subsaharienne francophone dans les chantiers de la formation à distance sont, au titre de la coopération multilatérale, l’Agence Universitaire de la Francophonie (AUF), la Banque Mondiale (BM) à travers l’Université Virtuelle Africaine (UVA), les Centres d’Enseignement à Distance (CED) et l’Université Numérique Francophone Mondiale (UNFM). Au niveau bilatéral, la coopération française est intervenue comme acteur dans la conception et la mise en œuvre des premières initiatives d’enseignement à distance. Dans le domaine de la formation à distance, de plus en plus d’initiatives publiques et privées sont aussi opérationnalisées dans différents pays. On dénombre environ 150 instituts publics et privés qui proposent des offres de formation à distance en Afrique mises en œuvre à 9 travers des dispositifs variés. Ces instituts ont recours à différents médias et à des supports en papier (Henda, 2016) pour la mise en œuvre de leurs offres de formation à distance. L’analyse des écrits sur la problématique de l’intégration de la formation à distance dans les institutions de formation et d’enseignement en Afrique subsaharienne présente aussi ce type de dispositif, surtout celui supporté par les technologies de l’information et de la communication, comme une réelle opportunité pouvant contribuer significativement à la résolution des défis auxquels ces institutions sont confrontées. Ce message porté tant par les acteurs politiques que par le public cible bénéficiaire de la formation à distance se fonde sur les représentations de ces acteurs. Ces représentations sont construites à partir du potentiel des outils numériques (Meyong, 2010; Tiemtoré, 2006). Il s’agit essentiellement d’un discours apologiste de la formation à distance énumérant une panoplie de défis auxquels la formation à distance peut contribuer à relever. Ce discours qui a sous-tendu les premières initiatives de la formation à distance en Afrique subsaharienne francophone comme celle de l’apprentissage du français par la radio au Sénégal (Coumaré, 2010), de la télévision éducative au Niger de 1963- 1978 (Kokou, 2006), est devenu le slogan des acteurs de la formation à distance en Afrique subsaharienne francophone. Toujours dans ce registre, on retient l’amélioration de la qualité par le renforcement et la consolidation des capacités des acteurs ; l’extension de l’accès et partant l’équité par l’abolition de la distance et la réduction des coûts Unesco (2003). Brossard & Foko (2006) précisent que cette réduction des coûts ne peut être globale. En plus des dispositifs traditionnels axés sur le face à face, les universités du Sud doivent également recourir aux dispositifs de formation à distance pour répondre à la forte demande dans l’enseignement supérieur (UNESCO, 2009). Dans le même sens, Karsenti & Collin (2010) abordent la contribution de la formation à distance à la résolution des défis de l’enseignement supérieur dans les pays du Sud sous cet angle en retenant le déficit d’enseignants, les difficultés d’accès à l’enseignement supérieur et le besoin de renforcement des capacités des professionnels en activité comme défis auxquels la formation à distance peut être une alternative. Ces derniers auteurs complètent cette série de défis avec la lutte contre la fuite des cerveaux.

 Les défis de l’intégration de la FAD dans l’enseignement supérieur en Afrique subsaharienne francophone

Une partie de la littérature présente plusieurs conditions à remplir pour réussir l’intégration de la FAD reposant sur Internet dans les institutions de formation en Afrique subsaharienne francophone. L’un des défis à relever est l’élaboration d’une politique d’intégration de la FAD dans les systèmes éducatifs qui oriente les actions des acteurs. Elle doit être assortie d’une planification stratégique sur le court ou le long terme. C’est dans ce sens que Fall (2006) désigne l’absence de politique et de planification de l’introduction de la FAD dans les institutions de formation comme une des clés de réussite de la FAD en Afrique francophone. Cette absence de politique et de plan de développement de la FAD se traduit sur le terrain par une pléthore d’initiatives qui ne s’inscrivent pas dans une vision globale de développement de l’enseignement supérieur ni sur le long terme ni sur le court terme et par un manque de cohérence avec les objectifs stratégiques de cet ordre. Par ailleurs, pour Kane (2008) cette planification stratégique doit être effective aussi bien au niveau de chaque pays qu’à l’échelle sous régionale. Pour sa réussite, elle doit reposer en amont sur l’élaboration d’une politique appropriée, être accompagnée d’un cadre de réglementation de la FAD et enfin prendre en compte la recherche et l’innovation. Dans cette lignée des écrits, Essono Onguene (2002) pose la nécessité d’intégrer les réalités des universités africaines dans la conception et la mise en œuvre des programmes de FAD. Le développement de ce type de dispositif nécessite une profonde réforme de l’éducation pour épargner ce nouveau mode de formation des maux qui affectent déjà cet ordre d’enseignement. Ces maux peuvent se résumer à l’insuffisance et à l’inadaptation des infrastructures, la faiblesse des capacités financières et la pression démographique. Outre les défis de planification et la nécessité d’une réforme du système éducatif, il est impératif pour les institutions de formation de s’organiser, d’accompagner les acteurs par des formations dans le domaine de la FAD et la mise en place de cadre de concertation au niveau national et sous régional (Valerien, 2004) et à l’échelle méso, au niveau des institutions promotrices de la FAD (Moughli, Semporé & Koné, 2008) pour prendre en compte les nouvelles réalités comme les nouveaux modes d’encadrement, les nouveaux types d’acteurs 12 qu’impose ce type de dispositif (Meyong, 2010). Cette réorganisation est la condition pour garantir la qualité de l’offre de formation (Brossard & Foko, 2006). En plus de la nécessité de revisiter le modèle organisationnel des institutions de formation et d’enseignement comme condition de réussite de l’intégration des dispositifs de FAD, l’implication des enseignants est aussi déterminante. Un accent particulier doit être mis sur la reconnaissance des efforts fournis par les enseignants à travers une prise en compte de leur participation dans leurs charges horaires annuelles (Moughli et al. ,2008). La FAD demande un investissement en temps et en effort intellectuel de l’enseignant pour la structuration, la mise en ligne des contenus. Pour Rinaudo (2013) la mise en œuvre des activités d’apprentissage à distance éclate l’organisation temporelle traditionnelle des temps d’enseignement. Les enseignants éprouvent alors des difficultés à déterminer délimiter les temps d’enseignement et ceux consacrés aux autres activités. Ces facteurs sont sources de résistance des enseignants quant à leur participation au déploiement des dispositifs FAD dans les institutions d’enseignement supérieur en Afrique (Valérien et al., 2002). La prise en compte de ces facteurs qui amplifient les craintes des enseignants quant aux conséquences de l’introduction de la FAD sur leur avenir professionnel (Ezin, 2015) constitue une des conditions clef de la réussite de l’intégration du dispositif d’autant plus que le tutorat entraine une réduction des heures d’intervention de l’enseignant (Fall, 2006). Par ailleurs, les acteurs institutionnels de la FAD éprouvent des difficultés à estimer le temps consacré à la préparation et à la mise en œuvre des cours en ligne. Les tentatives de trouver des équivalences avec les heures présentielles ne semblent pas être une alternative adéquate (Moireau, 2013). Les enseignants dans la conception des contenus d’enseignement doivent tenir compte des réalités socioculturelles (Fall, 2006) et s’appuyer sur les facteurs de succès mis en évidence par la recherche comme l’autonomie de l’apprenant (Touré, 2014) et les méthodes d’apprentissage des apprenants (Tchamabe, 2016) qui sont influencées par les approches transmissives d’enseignement qui prédominent dans les établissements d’enseignement supérieur africains. Ces approches ne favorisent malheureusement pas une responsabilisation de l’apprenant dans un processus de construction du savoir allant dans le sens de son autonomie (Tsafack, 2008). Le dernier défi est la distance socioéconomique, laquelle est liée à la capacité de nos pays à mettre en place des infrastructures adéquates pour la mise en œuvre des formations à distance (Karsenti & Collin, 2011). La fracture numérique à l’échelle de l’espace subsaharienne francophone, entre les centres urbains et les zones rurales réduit le public cible de la FAD. Elle fragilise le discours qui sous-tend son apport à l’élargissement de l’accès à l’éducation et au 13 renforcement des capacités des enseignants qui sont majoritaires dans le milieu rural. Au Burkina Faso, en 2014, le nombre d’abonnés à Internet était de 0,09% pour 17 millions d’habitants que compte le pays et le niveau du débit réparti entre ce pourcentage revient à 0,27 bits par seconde (MDENP, 2015). Les disparités entre les centres urbains sont aussi très importantes. Sur 75 centres publics d’accès que le pays comptait en 2016, plus de la moitié soit 37/75 sont implantés dans la capitale et 17 dans la deuxième ville. Les 21 autres sont répartis sur le reste du territoire national (MDENP, 2017). En considérant le niveau institution d’enseignement supérieur en Afrique subsaharienne francophone, même si le taux de pénétration des TIC augmente, des efforts restent à consentir pour une intégration à même de supporter les dispositifs de FAD de la quatrième génération. La moitié des établissements d’enseignement supérieur ne dispose pas de couverture wifi soit 165/329 et 123 pour le même effectif global ne disposent pas de salles d’accès libre à Internet, (Henda, 2016).

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