La formalisation des pratiques de l’enseignant

La formalisation des pratiques de l’enseignant

Les pratiques de l’enseignant

Dans le cadre de notre recherche, les pratiques de l’enseignant regroupent les actes que ce dernier pose lors de l’exercice de ses fonctions. Ces pratiques sont la traduction dans les faits du référentiel de compétences de l’enseignant. Pour l’essentiel, l’enseignant prépare son cours, le dispense et évalue les apprentissages de ses apprenants. Mais les choses ne sont pas aussi simples. En effet, pour préparer son cours l’enseignant a besoin d’une masse variée d’informations qu’il doit analyser puis sélectionner. Il doit respecter les règles qui sont fixées dans le cadre social où il se trouve. Au moment de dispenser son cours et évaluer les apprentissages, il a des outils, matériels et méthodologies, à sa disposition parmi lesquels il a des choix à opérer dans le but de passer son message et vérifier qu’il est convenablement passé. Tout cela dans le strict respect des règles établies. Dans l’exercice de ses fonctions, l’enseignant a l’habitude de formaliser afin d’éviter l’improvisation et la navigation à vue. 

La formalisation

Formaliser signifie mettre en forme. Il s’agit de mettre en mots la pratique d’un métier. La description des actions peut être plus ou moins détaillée. Il est surtout question de rendre la pratique consciente. Dans la pratique quotidienne, les enseignants scénarisent leur activité au La formalisation des pratiques de l’enseignant 46 moment de la préparation du cours. L’enseignant prévoit la manière dont va se dérouler son enseignement. Il lui est demandé de mettre tout cela en forme dans des fiches prévues à cet effet. Les fiches de préparation du cours sont des imprimés mis à la disposition des enseignants par l’administration de l’établissement. Malheureusement, il ne lui est pas toujours possible de mettre en mots tout ce qu’il fait. Peut-être par ce qu’il ne le juge pas utile ou même qu’il ne sait pas comment le dire ou encore qu’il n’en est pas conscient. On va alors se retrouver au moment de la mise en œuvre en classe avec un scénario différent de celui qui est formalisé. Il devient nécessaire d’adopter une attitude phénoménologique pour tenter de comprendre l’activité réelle de l’enseignant.

Les outils de formalisation

L’attitude phénoménologique

Une attitude phénoménologique est un retour aux évidences, aux faits eux-mêmes dans toute leur fraîcheur (Sanguin, 1981). Il s’agit d’un retour sur l’expérience sans « à priori », mais en prenant en compte la subjectivité qui entoure toute activité humaine. La subjectivité doit se comprendre en dehors du sens péjoratif qui lui est souvent conféré. Il faut plutôt y voir le fait que chaque individu est le centre de son propre monde avec des valeurs, des perceptions et des attitudes pas toujours conscientes. Ainsi, lorsque des enseignants sont observés, il serait préférable qu’au bout du compte qu’ils sachent ce qu’ils ont fait, comment ils l’ont fait, avant d’en arriver à toute qualification, explication ou catégorisation de leurs actes. Avant de procéder à l’analyse de l’activité de l’enseignant, l’observateur doit d’abord saisir les gestes importants, leur conférer un contenu de sens et déterminer les valeurs qu’ils véhiculent (Maître de Pembroke, 2016).

Une démarche d’accompagnement : l’entretien d’explicitation

Nous venons de dire qu’il est possible que le scénario prévu ne soit pas celui mis en œuvre effectivement. Dans ce cas, le conseiller pédagogique ou l’inspecteur pédagogique est celui qui va observer et verbaliser l’activité réelle de l’enseignant. L’entretien d’explicitation va être mené par des conseillers et des inspecteurs suffisamment expérimentés qui ont intégré des grilles d’observation issues des recommandations institutionnelles, mais aussi élaborées à partir 47 de leur propre expérience professionnelle. Ce sont des professionnels qui ont vécu des situations diverses en tant qu’enseignants d’abord, mais aussi en tant observateurs des autres enseignants. L’observateur doit avoir développé une acuité perceptive qui lui permet de lire les visages, les sourires, les tensions, les regards et les postures (Maitre de Pembroke, 2016). Mettre en œuvre cette stratégie, permet d’accompagner les enseignants en leur donnant la capacité d’analyser leur activité. Il est aussi question de leur permettre d’accéder à un répertoire large et riche de gestes professionnels dans lequel ils peuvent effectuer des choix.

La pratique réflexive

La pratique réflexive est cette capacité pour un enseignant de porter un regard distant sur son activité et de la modifier en fonction des résultats de l’observation. En 1933, le philosophe et pédagogue américain Dewey, qui est à l’origine de ce courant de pensée, souligne que l’intervention d’un enseignant devrait être le fruit d’un processus de réflexion qui puisse lui permettre de justifier et de prévoir les conséquences de son action. Il doit permettre à l’enseignant d’expliquer pourquoi il a réussi ou pourquoi il n’a pas été efficace dans ses interventions. Au cours de ses recherches, Schön (1983), s’est préoccupé de la relation entre le savoir scientifique et l’action professionnelle d’un praticien. Il a montré qu’un praticien en action ne semblait pas surmonter les défis en s’appuyant sur des modèles appris au cours de sa formation (savoir scientifique), mais plutôt en improvisant à partir uniquement de ses expériences antérieures (action professionnelle ou savoir-faire). Schön a observé que le praticien éprouvait des difficultés à justifier le choix de ses interventions et à expliquer les raisons de ses réussites et de ses échecs. En fait, une rupture semblait exister entre deux types de savoir : l’expérience professionnelle et les connaissances scientifiques. L’enseignant réflexif est celui capable de rétablir cette relation qui doit nécessairement exister entre le savoir scientifique et l’action professionnelle. L’analyse réflexive exige de l’enseignant une réflexion en cours d’action et sur l’action (Boutin et Lamarre, 2000). L’enseignant réflexif tient compte de ses expériences antérieures qu’il analyse pour améliorer ses expériences futures. Perrenoud (2004) affirme que « toute analyse pointue s’appuie sur des savoirs ». Il ajoute que « ce sont ces savoirs qui permettent de mettre 48 de l’ordre, de distinguer des aspects et des traits, d’isoler des variables et des processus, de comparer, de classer, d’ordonner, de mettre en relation, de formuler des questions ou des hypothèses ». Wentzel (2010) précise que « les concepts théoriques sont ici des outils au service d’une lecture possible du réel ». Chaque action de l’enseignant enrichit ses savoirs, ses savoir-faire et ses savoir-être qui guident sa réflexion sur les actions ultérieures. L’enseignant réflexif est capable de prendre en compte des situations imprévues qui surviennent dans le cours de son activité. Il peut alors modifier son action pour l’adapter aux circonstances nouvelles. Il y arrive en prenant des distances par rapport à son activité. Boutin et Lamarre (2000) estiment que l’enseignant réflexif doit être capable de décrire, d’analyser, de critiquer et d’innover à l’intérieur de sa démarche d’enseignement. Pour Vacher (2011) la pratique réflexive permet une diminution de la charge affective lors de l’interaction avec les élèves et augmente la disponibilité cognitive pour la réflexion dans l’action. L’enseignant qui pose des actes sans savoir pourquoi il les pose aura beaucoup de difficultés face aux élèves désireux de comprendre. Incapable de répondre aux questions des élèves, il deviendra un dictateur du savoir qui impose des idées sans pouvoir expliquer. Il tiendra des propos du genre : « retenez comme ça » ou encore « faites comme je vous ai dit ». Il peut aussi démissionner. Il évitera les parties embarrassantes du cours et refusera de répondre aux questions de ses élèves qu’il trouvera sans intérêt. Pour résoudre ce type de situations, Campanale (2007) préconise une formation à la pratique réflexive qui permettra de passer d’un enseignant expérimenté à un enseignant réflexif. L’enseignant expérimenté résout les problèmes connus qu’il a enregistrés dans son répertoire alors que l’enseignant réflexif analyse en cours d’action ou juste après pour comprendre et apporter la solution adéquate à des problèmes nouveaux. 

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Le scénario

La notion de scénario est présente dans plusieurs domaines de l’activité humaine. Chaque fois qu’une activité doit suivre un déroulé spécifique, le terme scénario est approprié pour désigner le processus à mettre en œuvre. Il est aisément employé dans le domaine du cinéma, de la gestion, de l’informatique, des télécommunications, de l’ergonomie et de l’éducation. On parle 49 de scénario de navigation, scénario pédagogique, scénario d’interaction pour désigner la manière dont une activité va se dérouler ou bien s’est déroulée. Dans le domaine de l’éducation, plusieurs termes « situation d’apprentissage », « séquence pédagogique », « fiche pédagogique » sont utilisés dans le même sens que scénario. Dans chaque communauté de praticiens, le terme « scénario » aura une signification très précise qui permet aux membres de se comprendre et communiquer aisément. Dans tous les cas, il s’agit de la description de ce qu’il y a à faire, de comment le faire, de qui le fait, à quel moment, avec quels moyens. Dans le cadre spécifique de la formation à distance, une distinction nette est faite entre le scénario d’apprentissage et le scénario d’encadrement (Decamps, De Lièvre et Depover, 2009). Ceci tient au fait que le concepteur n’est pas nécessairement le tuteur. Le concepteur doit donc au moment de la conception prévoir les actes d’encadrement du tuteur afin de s’assurer de la cohérence de l’ensemble du module du cours. Le scénario d’apprentissage est la succession d’étapes, à caractère obligatoire ou facultatif que les apprenants auront à franchir dans un but pédagogique explicite. Le scénario d’encadrement définit les modalités d’intervention des acteurs de la formation, tuteurs et étudiants, dans le processus de soutien à l’apprentissage.

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