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Les interrupteurs de puissance : aspects fonctionnels [1]
L’objectif de l’électronique de puissance est de convertir l’énergie électrique entre un généra-teur et un récepteur qui sont souvent de nature différente. C’est pourquoi, afin d’assurer le flux d’énergie entre les deux, l’utilisation des convertisseurs d’énergie électrique qui adaptent les caractéristiques et les différentes formes de l’énergie électrique (continue ou alternative) est nécessaire. La figure I.1 rappelle les grandes familles de convertisseurs qui peuvent être soit directs, soit indirects en faisant appel à l’association de plusieurs convertisseurs directs.
Deux types de sources sont présents dans cette figure, à savoir les sources de tension ou de courant continues (E1 et E2) et les sources alternatives caractérisées par leur amplitude et leur fréquence (V1, f1 et V2, f2). Ces convertisseurs sont réalisés avec des interrupteurs à base de composants à semi-conducteurs et de composants passifs tels des inductances ou des capaci-tés. Les premiers permettent de contrôler le transfert de l’énergie électrique tandis que les seconds servent à filtrer les formes d’ondes de cette énergie. Les interrupteurs se comportent comme des résistances non linéaires qui, à l’état passant, doivent être les plus faibles pos-sibles et à l’état bloqué, les plus grandes possibles. Le fait de ne pas utiliser de pièces tour-nantes pour la matérialisation de ces convertisseurs nous conduit à les nommer « convertis-seurs statiques ».
Ces convertisseurs permettent d’amener l’énergie du générateur vers le récepteur ou récipro-quement suivant la réversibilité du système. Par exemple, dans le domaine de la traction fer-roviaire, lorsque qu’un train accélère, l’énergie est apportée du réseau électrique au travers des caténaires à la machine électrique qui transforme cette énergie électrique en énergie mé-canique. En phase de freinage, le train possède une énergie cinétique à évacuer afin de freiner le train. Pour cela, un transfert d’énergie de la machine électrique vers le réseau ou vers une résistance ballast est effectué à travers le même convertisseur statique. Ces contraintes impli-quent que les convertisseurs doivent assurer une réversibilité soit en courant soit en tension. Ceci se traduit par une bidirectionnalité en tension et/ou en courant des interrupteurs qui les composent.
Dans le plan (I,V), un interrupteur bidirectionnel en courant et en tension va occuper les quatre quadrants comme indiqué sur la figure I.2. Si l’interrupteur est considéré comme idéal, sa caractéristique statique se confondra avec les axes du plan (I,V). Cependant, dans les sys-tèmes d’électronique de puissance, ce type d’interrupteur (hormis le triac) ne peut être obtenu que par association d’interrupteurs à deux ou trois segments.
De plus, les convertisseurs statiques classiques n’ont besoin souvent que d’interrupteurs à deux ou trois segments pour assurer leur fonction.
Il existe donc plusieurs types d’interrupteurs :
– les interrupteurs unidirectionnels en tension et en courant. Les transistors bipolaires, MOS-FET (Metal Oxyde Semiconductor Field Effect Transistor) ou IGBT (Insulated Gate Bipolar Transistor) ont cette caractéristique avec une tension et un courant de même signe (Fig I.3(b)). Lorsque les signes sont différents, il s’agit d’un comportement de type diode (Fig I.3(a)).
– Les interrupteurs bidirectionnels en tension ou en courant : ces interrupteurs à trois seg-ments sont soit une structure de type thyristor (Fig I.4(a)), soit l’association de plusieurs inter-rupteurs transistor ou diode comme l’exemple du thyristor dual (Fig I.4(b)).
– Les interrupteurs bidirectionnels en courant et en tension : seul le triac est capable d’assumer cette fonction directement (Fig I.2), il existe néanmoins des associations d’interrupteurs à deux ou trois segments pour synthétiser cette fonction.
Le MOSFET de puissance « basse tension »
Le transistor MOSFET est le composant de choix pour les applications « basse tension » : Parmi tous les composants de puissance disponibles actuellement, seul l’IGBT est aussi simple à commander, mais la chute de tension à l’état passant de ce dernier (de l’ordre de 2V) le rend inutilisable lorsque l’on travaille avec des tensions inférieures à la centaine de volts.
Dans ce paragraphe, nous décrivons le fonctionnement d’un transistor MOSFET classique, puis les spécificités de ceux destinés aux applications basses tension.
Fonctionnement du transistor MOSFET de puissance
Un composant de puissance à la base est un interrupteur qui fonctionne en deux états distincts, l’état passant et l’état bloqué. Cet interrupteur est destiné à faire circuler un courant d’une cer-taine intensité durant son état passant et à supporter une tension spécifiée lorsqu’il est à l’état bloqué. Pour un transistor à canal N, l’état dit « passant » ou « de conduction » se caractérise par la formation d’un canal d’inversion sous l’effet d’une tension positive appliquée entre la grille et la source et, par conséquent, par la circulation d’un courant de drain dont la valeur est fonction des éléments physiques, géométriques et technologiques de la structure, et des tensions appliquées. L’état dit « bloqué », est obtenu pour une tension grille-source inférieure à la tension dite de seuil. Le composant présente alors entre drain et source une impédance très importante vis-à-vis de celle du circuit de charge et la quasi-totalité de la tension drain-source appliquée est alors supporté par la zone faiblement dopée du drain (appelée zone de « drift ») du transistor.
Fonctionnement à l’état passant
Les transistors MOSFET de puissance sont utilisés, à l’état passant, en régime non pincé. Dans ce régime, le canal N formé en surface sous l’oxyde de grille de la région P – pour un transistor NMOS – assure la continuité de la nature des porteurs entre source et drain. Lors-qu’un transistor fonctionne à l’état passant, il se comporte comme une résistance, notée RDSOn, qui impose une chute de tension aux bornes du composant. Cette chute de tension VDS à tout simplement pour expression : VDS = RDSOn Où ID est la valeur efficace du courant principal.
La résistance RDSOn est l’un des paramètres les plus importants pour un composant de puis-sance. Plus la valeur de cette résistance est faible plus les pertes de conduction sont réduits. Ces dernières sont données par : P = V DS .I D = R DSON .I 2 (I.2)
La réduction de la valeur de RDSON est l’un des soucis constants des fabricants.
Fonctionnement à l’état bloqué
Pour qu’un transistor MOSFET puisse fonctionner sans dégradation, il est indispensable de définir quelles sont les tensions maximales que l’on peut appliquer entre la grille et la source, d’une part, et entre le drain et la source, d’autre part. Le cas le plus contraignant est celui du régime bloqué pour lequel la tension drain-source est maximale. La tenue en tension VDBR – ou tension du claquage – d’un transistor MOSFET est par définition la tension maximale qui peut être appliquée entre drain et source à l’état bloqué. Lorsqu’un transistor MOSFET de puissance fonctionne à l’état bloqué, c’est la zone de transition de la jonction du côté du drain qui supporte la tension. Par des dopages et des profondeurs convenablement choisis, le per-çage des la région P est évité, et c’est principalement dans la région N- que s’étend la zone de charge d’espace. La limitation en tension provient de l’effet d’avalanche à la jonction de la zone du drain.
Le MOSFET latéral « LDMOSFET »
Il s’agit là de la structure classiquement utilisée pour les MOSFET signal. Les trois électrodes grille, drain et source sont connectées en face supérieure (voir Fig I.5), le substrat (désigné plus loin par la lettre B, pour Bulk) constituant une quatrième con-nexion.
Fig I.5 Principe du transistor MOSFET latéral
La résistance du canal N dans le substrat P entre source et drain est donnée par [2]: Rch = L I.3 WµnsQn
Où µns est la mobilité de surface des électrons, L la longueur du canal et W sa largeur (perpendiculaire au plan de la Fig I.5). Qn est la charge disponible pour parti-ciper au courant de conduction.
Pour qu’un courant circule dans le canal N, il faut appliquer une tension VDS positive et une tension VGS supérieure à la tension de seuil Vth sur la grille. La répartition de la charge dans le canal va être modifiée par le champ électrique ainsi exercé.
Le MOSFET de puissance vertical « VDMOS »
Les transistors MOSFET de puissance classiques sont obtenus par double diffusion sur un substrat épitaxié N−, d’où le nom de VDMOS (Vertical Double Diffused MOSFET). Leur structure est très proche de celle des MOSFET latéraux présenté en I.2.2, en gardant un canal horizontal, mais en ajoutant une couche N− dans l’épaisseur du substrat, destinée à tenir la plus grande partie de la tension drain-source lorsque le transistor est bloqué. Les contacts de drain et de source sont alors disposés de part et d’autre du substrat. La figure I.8 présente une cellule élémentaire d’un transistor MOSFET, étant entendu qu’un de ces transistors en com-porte de quelques milliers à plusieurs millions. La métallisation de source, qui recouvre la face supérieure du transistor, vient relier les puits N+ de chaque cellule, mais également con-tacter les poches P+ pour les polariser par rapport à la grille et donc rendre le transistor com-mandable. Lorsque le MOSFET est bloqué, et en raison de la forte dissymétrie de dopage entre les zones P (canal) et N− (couche épitaxiée), la zone de charge d’espace s’étendra en quasi totalité du côté N−. Si l’on fait abstraction des problèmes liés à la périphérie du composant, le dopage et l’épaisseur de la couche épitaxiée conditionneront donc la tenue en tension du transistor, comme toujours dans les dispositifs de l’électronique de puissance [3].
Cependant, le MOSFET étant un dispositif unipolaire, aucun mécanisme de forte injection ne viendra moduler la résistivité de la couche N− à l’état passant, elle est simplement condition-née par le dopage et par l’épaisseur de la couche N−. L’augmentation de la tenue en tension à l’état bloqué (en réduisant le dopage ou en augmentant l’épaisseur de la couche N−) entraîne donc l’augmentation de la résistance à l’état passant. Ce compromis RDSOn /VDBR constitue le principal inconvénient du transistor MOSFET, et le condamne aux applications basse tension (inférieure à quelques centaines de volts). Au dessus, l’IGBT présente en général de plus faibles pertes en conduction.
Le MOSFET de puissance à tranchées « UMOS »
La figure I.9 montre une coupe schématique du transistor MOSFET de puissance à tranchées. Cette structure est appelée aussi le UMOS à cause de la forme en U de la grille enterrée sous la métallisation de source. Cette structure proposée par [4] permet d’augmenter le périmètre du canal et de réduire la partie de la zone N- drift sous la diffusion P source qui ne contribue pas au passage du courant à l’état passant, permettant d’éliminer la zone JFET et d’augmenter la densité d’intégration des cellules élémentaires MOSFET. Ainsi, la résistance des transistors MOSFET à tranchées basse tension est très réduite, comparée aux transistors VDMOS de structure conventionnelle de même tension de claquage.
Le transistor MOSFET à tranchées a une configuration verticale et le courant passe dans le volume le long du canal d’inversion qui est dans ce cas vertical. Comme dans le cas du tran-sistor VDMOS, le transistor MOSFET à tranchées possède une zone faiblement dopée N- pour soutenir la tension à l’état bloqué et il est constitué par la mise en parallèle de plusieurs cel-lules MOSFET assurant le passage d’un fort courant à l’état passant.
Au niveau des performances dynamiques, on peut remarquer qu’il n’y a pas d’amélioration au niveau de la capacité Miller grille-drain à cause de la partie de grille, au-dessus du drain, en-terrée sous la diffusion P source.
Pour les deux types de transistors verticaux cités ici, il n’y a pas de limitation de courant et nous pouvons mettre, a priori, autant de cellules MOSFET élémentaires en parallèle pour as-surer le passage du courant désiré à l’état passant. Concernant la tension de claquage, il n’existe aucune limitation fondamentale mais l’effet résistif de la zone de drift, large et fai-blement dopée dans le cas des MOSFET haute tension, peut engendrer des pertes par conduc-tion qui peuvent causer la destruction du transistor de puissance.
Comportement statique
Tout comme pour le MOSFET latéral, le fonctionnement du MOSFET vertical en conduction peut être séparé en deux régimes : linéaire et saturé. Dans le premier, le courant est imposé par le circuit extérieur, le MOSFET se comportant comme une résistance modulée par la ten-sion VGS. Dans le second, le courant est limité par le transistor, et ne dépend plus que de VGS (en première approximation).
Table des matières
Introduction générale
I. Chapitre 1: La fonction interrupteur en électronique de puissance et le principe de la modélisation thermosensible
I.1. Les interrupteurs de puissance : aspects fonctionnels [1]
I.2. Le MOSFET de puissance « basse tension »
I.2.1. Fonctionnement du transistor MOSFET de puissance
I.2.2. Le MOSFET latéral « LDMOSFET »
I.2.3. Le MOSFET de puissance vertical « VDMOS »
I.2.4. Le MOSFET de puissance à tranchées « UMOS »
I.2.5. Comportement statique
I.2.6. Comportement dynamique
I.3. La diode de puissance
I.3.1. Fonctionnement statique
I.3.2. Fonctionnement dynamique
I.4. Influence de la température
I.4.1. La mobilité des porteurs
I.4.2. La concentration intrinsèque
I.4.3. La concentration intrinsèque effective
I.4.4. La résistance à l’état passante « RDSOn »
I.4.5. Tension de claquage
I.4.6. Tension de seuil et transconductance
I.5. Modélisation électrothermique
I.5.1. L’approche purement électrique
I.5.2. L’approche purement thermique
I.5.3. L’approche électrothermique (couplage de deux logiciels)
II. Chapitre 2 : Modélisation électrique thermosensible du composant MOSFET de puissance en régimes normale et extrême
II.1. Modèle électrique thermosensible du MOSFET basse tension
II.1.1. Zone du canal
II.1.2. Zone d’accès
II.1.3. Zone de drift
II.1.4. Les capacités du MOSFET
II.2. Diode structurelle
II.2.1. Etat passant
II.2.2. Etat bloqué
II.2.3. Commutation (régime de commutation, IRRM, progressivité du courant)
II.3. Méthodes d’extraction des principaux paramètres
II.3.1. Tension de seuil et transconductance
II.3.2. Détermination de RDSOn
II.3.3. Méthodes d’extraction des paramètres dynamiques
II.3.4. Méthodes d’extraction des paramètres de la diode
II.4. Modélisation des mécanismes limitatifs
II.4.1. Fonctionnement en avalanche
II.4.2. Retournement du transistor bipolaire parasite (Snapback)
II.5. Conclusion
III. Chapitre 3 : Techniques et méthodes de validation expérimentale
III.1. Techniques d’extraction des paramètres
III.1.1. Contrôle de l’environnement thermique
III.1.2. Moyens de caractérisation électrique
III.2. Techniques de validation expérimentale
III.2.1. Cas de la diode structurelle
III.2.2. Cas du MOSFET en commutation
III.2.3. Cas du MOSFET en avalanche
III.2.4. Analyse à la caméra IR
III.3. Paramétrage du modèle et validation pour un fonctionnement normal
III.3.1. Diode structurelle
III.3.2. MOSFET
III.4. Paramétrage du modèle et validation pour un fonctionnement extrême
III.5. Exploitation du modèle dans une simulation électrothermique 3D
III.6. Conclusion
Conclusion générale
Références bibliographiques
Annexe